le système alpin
En chronostratigraphie, on appelle système alpin la période qui englobe les étages allant de la base du trias au sommet du tertiaire. En géodynamique interne, l'usage regroupe sous le nom de système alpin les unités structurales qui constituent la chaîne des Alpes issue de la collision des plaques eurasiatique et africano-arabe, et leur évolution tectonique pendant le secondaire et le tertiaire, qui est exemplaire de ce type de chaîne.
Comme la plupart des chaînes dites de collision de l'ensemble mésogéen, les Alpes présentent une « cicatrice ophiolitique » (un reste de croûte océanique) pincée entre deux marges continentales : une marge nord, ou européenne, et une marge sud ou sudalpine, bord d'un bloc « apulo-adriatique » indépendant, ou promontoire avancé de la plaque africaine.
Les Alpes occidentales, comprenant les Alpes ligures et l'essentiel des Alpes franco-italiennes et italo-suisses, représentent la cicatrice ophiolitique et sa marge nord.
Les Alpes orientales, constituées par les Alpes bavaroises et autrichiennes, représentent la marge sud qui est charriée sur l'ensemble précédent (austro-alpin).
Les Alpes méridionales (qui s'allongent de Turin au Tyrol) sont juste en arrière. Elles représentent la partie apparemment non chevauchante de cette même marge sud (cette partie étant séparée de l'autre par une importante ligne de fracture dite péri-adriatique).
La cicatrice ophiolitique
Dénommée zone piémontaise sensu lato, cette cicatrice est pratiquement continue à l'affleurement. Elle contient des ophiolites typiques (métamorphisées lors des phases alpines) correspondant à une ancienne croûte de type océanique. Les sédiments qui s'y sont déposés étaient d'épaisses couches marnocalcaires et d'argiles qui, par épimétamorphisme, sont devenus les « schistes lustrés piémontais » (ou Pennique interne). La fermeture de ce bassin est intervenue au crétacé supérieur par suite de la subduction de la croûte océanique sous la marge sudalpine.
Cette subduction provoqua jusqu'au paléocène des charriages précoces. Sur le dos et au front de cet ensemble de nappes en mouvement se creuse un sillon tectonique où se déposent des flyschs néocrétacés, parfois paléocènes et éocènes, que l'on retrouve aujourd'hui en nappes dans les Alpes-Maritimes et l'Embrunais (flysch à helminthoïdes) et dans les Préalpes supérieures franco-suisses.
La marge continentale nord
Elle comprend, du sud au nord, diverses zones parallèles à la chaîne.
La zone piémontaise externe
Au-dessus de son soubassement granito-gneissique (massifs de Dora Maira, du Grand Paradis et du mont Rose), elle comporte des schistes lustrés sans ophiolites.
La zone briançonnaise
Au-dessus de son socle également granitique (massif du Grand Saint Bernard, Vanoise, Ambin, Dora Maira), elle comporte une couverture décollée qui a formé les nappes briançonnaises en Italie et en France, la nappe des Préalpes médianes dans les Alpes franco-suisses, et diverses nappes très disloquées dans les Grisons.
La zone valaisane
Dénommée aussi Pennique frontal, elle comportait des sédiments monotones qui, partiellement métamorphisés, ont été éjectés de la collision en diverses nappes enveloppant des lambeaux de socle.
La zone dauphinoise
Cette zone présente une série sédimentaire d'âge secondaire pratiquement complète, plus ou moins subsidente selon les points, et localement surmontée d'un paléogène détritique et parfois à faciès flysch.
La tectonique de cette zone va en se compliquant d'ouest en est : les parties les plus externes (chaînes subalpines françaises) sont de simples plis de couverture, parfois cependant assez largement chevauchants, surtout vers la frontière franco-suisse (nappe de Morcles). Les parties les plus internes forment les nappes helvétiques et ultrahelvétiques, synschisteuses, totalement décollées d'un socle en partie disparu (Gothard).
La marge continentale sud
La partie chevauchante (austro-alpin)
Elle débute, à l'ouest de Turin, par la zone des gneiss et micaschistes de Sesia, de caractère chevauchant. Cette zone est profondément affectée par le métamorphisme alpin, avec même des faciès éclogitiques (datés de 80 Ma) dans sa partie interne, et on considère que les plans de subduction néocrétacés encadraient cette zone. À l'est du méridien des Grisons, cette marge sudalpine chevauchante se dilate et donne l'immense masse de l'austro-alpin (dont la nature chevauchante est indiquée par les fenêtres de l'Engadine et des Tauern). Cette masse comporte un socle cristallin et une couverture sédimentaire, le tout actuellement très écaillé et complexe.
La partie non chevauchante (Alpes méridionales)
Séparée de la partie précédente par la ligne que constituent la faille du Canavese et la faille insubrienne, elle est dépourvue de métamorphisme alpin et de grands charriages. Elle comporte un socle (qui comprend la zone d'Ivrée, près de Turin, avec les péridotites du Lanzo) dont la remontée provoque la remarquable anomalie gravimétrique d'Ivrea, puis une couverture qui se développe surtout dans les Alpes Bergamasques et les Dolomites du Tyrol italien. La ligne de fracture péri-adriatique est jalonnée par la surrection de massifs granitoïdes d'âge oligocène à miocène inférieur (Biella, Traversella, Adamello, etc.).
Evolution structurale des Alpes
Le développement des connaissances sur la tectonique des plaques a balayé les anciennes notions de géosynclinal alpin qui, jusqu'à l'aube des années 1970, permettaient de rendre compte de l'essentiel des constatations de terrain.
Du trias à la fin du crétacé inférieur
Le régime distensif est dominant et fait naître, à la fin du jurassique moyen ou au début du jurassique supérieur, un bassin à croûte partiellement de type océanique, qui s'ouvre au travers d'une plate-forme carbonatée générale de tout le domaine alpin.
À la fin du crétacé inférieur
Un processus de subduction s'installe au front de la marge sudalpine, traduit par les chevauchements précoces du futur austro-alpin. Il se poursuit au crétacé supérieur et s'accompagne d'un métamorphisme de haute pression. Dans les Alpes occidentales, il provoque le charriage du domaine Pennique interne (nappes piémontaises et leurs unités ophiolitifères). Le front sud-alpin est partiellement impliqué dans cette subduction (zone d'Ivrea).
À la fin de l'éocène et au début de l'oligocène
Un nouveau régime de contraction s'installe. S'intensifiant dans les parties profondes de la chaîne, il provoque une structure à double déversement faisant apparaître les « rétro-charriages » alpins, à vergence est ou sud, qui affectent tout l'empilement des nappes penniques. À la fin de cette période apparaît le volcanisme andésitique de la partie interne du domaine helvétique, dont les débris alimentent le flysch de Taveyannaz.
À partir de l'oligocène moyen et pendant tout le néogène
Une dernière série de contractions affecte surtout la zone helvétique, qui est plissée, écaillée et même charriée tandis que ses unités internes sont englouties sous le front des nappes plus internes. L'ensemble des Alpes se soulève en un vaste pli de fond qui, avec l'érosion concomitante, fait culminer les Alpes simplo-tessinoises, les Alpes penniques et les fenêtres des Alpes orientales (Engadine, Tauern). Les chaînes jurassiennes et subalpines se plissent et s'écaillent, chevauchant respectivement la Bresse et la couverture de la chaîne provençale (par exemple les chevauchements de Digne, des Baous, comme celui de Saint-Jeannet dans les Alpes-Maritimes). Un volcanisme calco-alcalin s'installe (andésites des chaînes subalpines et de l'avant-pays niçois, porphyre bleu de l'Estérel et des Maures). Au messinien (– 7 Ma) la collision Afrique-Europe est achevée, et la Méditerranée est fermée et asséchée.
Au pliocène
L'ouverture du détroit de Gibraltar permet un retour partiel et temporaire de la mer le long du Rhône. La surrection se poursuit, des serrages provoquent des décrochements et des diapirs dans l'arc de Nice. Au début du quaternaire (– 1,8 Ma), le réseau hydrographique actuel, qui commence à se mettre en place, est temporairement perturbé par les glaciations. Des mouvements verticaux essentiellement isostasiques tendent à donner à la chaîne son aspect actuel.
La mise à sec de l'ensemble de la chaîne, qui s'accompagne de la disparition des derniers phénomènes de sédimentation marine et de la généralisation du processus d'érosion des reliefs, signifie que le système alpin est achevé. Toutefois, le jeu décrochant de certains accidents et la surrection des massifs cristallins externes se poursuivent actuellement, comme l'attestent les mesures géodésiques de nivellement et la sismicité très importante.