film d'épouvante
Film destiné à susciter chez le spectateur un vif sentiment d'effroi, d'horreur.
Les films d'épouvante relèvent presque tous du genre fantastique, le seul qui, échappant aux contraintes du réalisme et du rationalisme, soit susceptible de visualiser le contenu onirique ou fantasmatique de nos angoisses. On distingue les films d'épouvante des films de suspense comme ceux d'Alfred Hitchcock, ou des films de fantastique pur comme ceux de l'expressionnisme allemand.
Frankenstein
Les premiers grands films d'épouvante américains, Frankenstein (1931) de James Whale, Dracula (1931) de Tod Browning, l'Ile du Dr Moreau (1932) d'Erle C. Kenton, ne répondent à aucun autre but que celui d'éveiller la peur chez le spectateur, leur signification morale ou philosophique éventuelle (comme dans Frankenstein, qui reprend le mythe de Prométhée) n'ayant qu'une importance secondaire ; ainsi le spectateur, fasciné par les évolutions du monstre de Frankenstein, a bientôt oublié le drame de Frankenstein le créateur. Dans le film de Kenton, la fascination naît de l'horreur inspirée par les hommes-animaux que fabrique le savant démiurge, joué par Charles Laughton. Dracula, inspiré, comme le Nosferatu de Murnau, par le roman de Bram Stoker, introduit dans le cinéma d'épouvante une composante érotique qui restera indissociable du film de vampire dont le « baiser » est symbole à la fois d'agression sadique et de possession amoureuse.
Ces films, auxquels il faut ajouter l'admirable King Kong (1933) de Ernest Beaumont Schoedsack et Merian C. Cooper, Freaks (1932) et les Poupées du diable (1936) de Tod Browning, l'Assassinat de la rue Morgue (1931) de Robert Florey, définissent un cinéma d'épouvante fondé sur la représentation obsessionnelle du monstrueux, de l'anormal, du bestial. Cette forme de peur toute viscérale se rattache aux hantises de l'enfance, comme en témoigne la similitude des vampires, des savants fous, des homuncules, des loups-garous, des « monstres préhistoriques » (le Godzilla des bandes japonaises de Inoshiro Honda), avec les ogres, les sorcières, les nains et les dragons des contes de fées. Cette épouvante élémentaire est illustrée notamment par les films du Britannique Terence Fisher (né en 1904) et les films d'horreur, souvent adaptés d'Edgar Poe ou de Lovecraft, de l'Américain Roger Corman (né en 1926).
Le thème du dédoublement
Plus subtile et plus rarement exploitée est une forme de l'épouvante cinématographique qui, sans renoncer à la fascination de l'horreur, joue sur l'expression spectaculaire de l'ambivalence psychologique. Dans son Dr Jekyll et Mr Hyde (1932), adapté de Stevenson, le réalisateur Ruben Mamoulian, en donnant à la caméra un point de vue subjectif, amenait le spectateur à s'identifier à Hyde, le double « monstrueux » de Jekyll. Le thème du double introduit au cinéma la schizophrénie comme source de peur. Citons parmi les meilleurs films d'épouvante basés sur le dédoublement de la personnalité : les Mains d'Orlac (1935), de Karl Freund, Dead of Night (1945, l'épisode tourné par Dearden), Psychose (1961), de Hitchcock, l'Étrangleur de Boston (1968), de Richard Fleisher. Tous ces films décrivent des cas de folie meurtrière où le spectateur peut s'identifier au criminel, tout autant, sinon plus qu'aux victimes, criminel lui-même de ses hantises : M. (1931), de Fritz Lang.
Sadisme et masochisme
La peur se double d'une émotion purement sadique (comme dans les Chasses du comte Zaroff [1932], de Ernest Beaumont Schoedsack, où une chasse à l'homme est pur divertissement), en même temps que le masochisme inhérent au genre (le plaisir de la peur) est renforcé par l'assimilation du spectateur-voyeur au meurtrier, voué lui-même à la destruction : le Voyeur (1959) de Michael Powell.
Le vrai film d'épouvante vise à provoquer cette adhésion double du spectateur : à l'agresseur, initiateur du rituel sadique, et à sa victime, terrorisée et implicitement consentante.
Le chef-d'œuvre du genre reste la Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton, qui reprend des thèmes de conte de fées, l'ogre, la poursuite, l'innocence persécutée, transcendés par l'ambivalence de la relation bourreau-supplicié, chasseur-chassé, et remonte au plus profond des terreurs de l'enfance tout en donnant l'image la plus juste et la plus « inquiétante » de notre ambiguïté psychologique.