cinéma fantastique
Le pionnier du cinéma fantastique est assurément le prestidigitateur du théâtre Robert-Houdin, Georges Méliès, dont l'un des premiers sujets s'inscrit d'emblée dans le fantastique puisqu'il s'agit de l'Escamotage d'une dame (1896), truc classique du music-hall, mais auquel le cinéma apporte un pouvoir d'illusion beaucoup plus fort.
Presque tous les films de Méliès peuvent ainsi être rattachés au genre, des Quatre Cents Farces du diable (1906) à la Conquête du pôle (1912).
Un fantastique européen et littéraire
Bien que Méliès ait été copieusement pillé par les réalisateurs de la firme Pathé, notamment par Ferdinand Zecca (Tempête dans une chambre à coucher, 1902), et par les Américains, c'est le cinéma scandinave qui pose un nouveau jalon dans l'histoire du fantastique avec la Sorcellerie à travers les âges, de Benjamin Christensen (1921), extraordinaire catalogue des situations sadomasochistes, inspiré par les tableaux de Bosch et de Bruegel.
La troisième source importante du cinéma fantastique est le courant expressionniste allemand, notamment avec les films qui mettent en scène des psychiatres fous (le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene, 1920), des criminels comme Mabuse, voire le personnage de la Mort elle-même (les Trois Lumières, de Fritz Lang, 1921) et toutes sortes de monstres, dans les films de Paul Leni (le Cabinet des figures de cire, 1924), de Paul Wegener (le Golem, 1920) ou de Murnau (Nosferatu le vampire, 1922).
Hollywood et ses monstres
Hollywood commença par s'inspirer des chefs-d'œuvre de la littérature fantastique pour en exploiter la poésie visuelle en adaptant, dès 1910, le Frankenstein de Mary Shelley, et, dès 1913, Docteur Jeckyll et Mr. Hyde, de Stevenson.
Cependant, le fantastique américain des années 1920 s'incarne essentiellement en un acteur, Lon Chaney, et en un réalisateur exceptionnel, Tod Browning. Le premier, « l'acteur aux mille visages », contorsionniste à l'origine, rencontre le second en 1921 ; ils réalisent ensemble l'Oiseau noir (1926), Londres après minuit (1927), l'Inconnu (1927), À l'ouest de Zanzibar (1928), films où des éléments mélodramatiques se mêlent aux thèmes du double, de l'amputation et du travestissement et où l'opposition des valeurs diurnes et nocturnes prend une ampleur exceptionnelle.
Paul Leni, arrivé aux États-Unis en 1927, signe notamment la Volonté du mort (1927), le Perroquet chinois (1927) et un surprenant Homme qui rit (1928). Puis le genre va connaître un essor considérable avec le parlant. En 1931, deux films marquent le début de deux cycles qui se révéleront productifs jusqu'à l'époque contemporaine à travers des séries de suites et de remakes : Dracula de Tod Browning et Frankenstein de James Whale.
Dès l'année suivante, et malgré les contraintes du code de la censure (Code Hays), les écrans américains voient déferler les réussites les plus audacieuses : les Masques de cire (1933) de Michael Curtiz, servi par l'usage du Technicolor, les très sadiennes Chasses du comte Zaroff (1933), d'E. B. Schoedsack, avec un Leslie Banks aussi raffiné que terrifiant, l'Île du docteur Moreau (1932) d'E. C. Kenton, et surtout l'extraordinaire Freaks ou la Monstrueuse Parade (1932), dans lequel Tod Browning dirige de véritables phénomènes de cirque, afin de démontrer qu'ils sont plus humains que la belle écuyère Cléopâtre (Olga Baclanova), qui séduit crapuleusement le nain Hans.
Le genre atteint son apogée avec l'aventure de King Kong (1933), de M. C. Cooper et E. B. Schoedsack, où le singe géant entreprend d'effeuiller la belle Fay Wray au sommet de l'Empire State Building et ne sera dompté que par une nuée d'avions.
Les années 1950 verront le mariage monstrueux du fantastique et du burlesque. Les comiques Abott et Costello rencontrent alors Frankenstein. Il faut attendre Roger Corman pour que le genre connaisse un nouveau souffle avec des adaptations des œuvres d'Edgar Poe, notamment l'Enterré vivant (1962) et le très original Masque de la mort rouge (1964).
La production britannique
C'est toutefois le cinéma britannique qui renouvellera le genre grâce à Terence Fisher, qui réalise des remakes assez personnels de Frankenstein (Frankenstein s'est échappé, 1957) et de Dracula (le Cauchemar de Dracula, 1958), avec deux acteurs anglais que ces rôles rendent célèbres : Peter Cushing et Christopher Lee. Michael Powell signe pour sa part l'un des films les plus pervers de l'histoire du cinéma, le Voyeur (Peeping Tom, 1960), histoire d'un opérateur qui filme l'agonie de ses victimes féminines, tuées par sa caméra.
La production italienne
Les Italiens, pour un temps, vont concurrencer le fantastique anglo-saxon. Mario Bava adaptant Gogol signe un Masque du démon (1960) à la plastique très soignée et le Corps et le Fouet (1963), d'inspiration sadomasochiste, pendant que Riccardo Freda et Antonio Margheriti retrouvent la veine gothique du genre : l'Effroyable Secret du docteur Hichcock (1962), la Vierge de Nuremberg (1964).
Visions de cauchemar et classiques du genre
Le cinéma fantastique va cependant évoluer de plus en plus nettement vers un suspense satanique (Rosemary's Baby, 1968, de Roman Polanski), et vers le cauchemar du film d'épouvante (Shining, 1980, de Stanley Kubrick). Par cette fissure béante s'échappent des créatures suscitées par des peurs archaïques (l'Exorciste, 1973, de William Friedkin) ou par les angoisses provoquées par le sentiment que les créations scientifiques et techniques commencent à s'affranchir de l'homme, leur initiateur imprudent (la Mouche, 1986, de David Cronenberg), quant ce n'est pas l'homme qui est asservi (Edward aux mains d'argent, 1990, de Tim Burton). Ces voies étant ouvertes, certains réalisateurs renouent avec les références premières du genre, de Dracula (1992), de Francis Ford Coppola, à Entretien avec un vampire (1994), de Neil Jordan et Vampires (1998), de John Carpenter.