bastide
(ancien provençal bastida)
Petite ville fortifiée et à plan régulier, créée de toutes pièces au Moyen Âge dans le sud-ouest de la France.
Les bastides sont les cités fortifiées construites dans le Midi de la France, à partir du xiiie s., et qui se multiplièrent pour répondre à des intérêts à la fois stratégiques, politiques et économiques. En 1152, en effet, le mariage d'Aliénor et d'Henri Plantagenêt, comte d'Anjou, duc d'Aquitaine et bientôt roi d'Angleterre, ouvre pour l'Aquitaine une longue période de conflits. D'où la nécessité des bastides, places fortes situées aux endroits stratégiques.
Pour leurs fondateurs, Alphonse II, comte de Poitiers, frère de Saint Louis, et les sénéchaux de Toulouse ou les sénéchaux d'Angleterre, il s'agit de consolider les positions et de s'implanter sur la frontière mal définie de l'adversaire. Pour répondre à cet objectif militaire, les bastides anglaises ou françaises sont construites sur un plan régulier, dans une enceinte carrée ou rectangulaire. À l'opposé des bourgades moyenâgeuses aux venelles tortueuses et enchevêtrées, les rues se coupent à angle droit selon un plan en échiquier. Au milieu de la ville s'ouvre une grande place, la cornière, entourée de galeries couvertes, les couverts. Les rues principales aboutissent aux portes de la ville, défendues par des tours, et par une enceinte à partir du xive s. Souvent l'église fait partie du système de défense et apparaît comme le donjon de la forteresse.
Cette importante urbanisation correspond aussi au désir de mettre le pays en valeur. Aussitôt l'emplacement de la nouvelle ville choisi et le plan d'ensemble déterminé, les crieurs publics parcouraient la campagne à la recherche de « candidats habitants ». Les volontaires qui s'engageaient à construire et à résider recevaient un terrain à bâtir, les matériaux de construction et un terrain pour le jardin potager, ou casal, à l'extérieur du mur d'enceinte. Par contrat, un certain nombre de garanties leur étaient offertes : des libertés, un régime d'impôt déterminé. Ils pouvaient disposer de leurs biens et marier librement leur fille. Devenus « bourgeois », ils choisissaient eux-mêmes leur administration municipale, les consuls, et payaient l'impôt au bayle, le représentant du roi sur place.
Caractéristiques de l'Aquitaine, ces « villages neufs » du Moyen Âge forment, encore aujourd'hui, le réseau des bourgs et marchés du Sud-Ouest. La plupart ne sont plus des villes closes, mais ceux qui n'ont pas effacé en grandissant leur plan primitif, témoignent d'un urbanisme médiéval rationnel et harmonieux où « tout semble avoir été conçu pour l'homme, à l'échelle de l'homme ».