antiart

Conception, réalisation d'« œuvres » dont l'aspect dérisoire se veut une négation de tous les canons esthétiques.

Les ready-made de Marcel Duchamp furent la première manifestation d'antiart.

L'art contemporain a remplacé les formes artistiques traditionnelles par des formes nouvelles, mais il a aussi tenté de conquérir une liberté créatrice en dehors même de l'art. On a appelé antiart cette volonté de ne plus se limiter à la création d'œuvres pour promouvoir toutes sortes de pratiques qui, avec le happening, contredisent l'essence de la création artistique en rejetant l'idée de forme et, par conséquent, la valeur esthétique qui, d'ordinaire, s'y rattache. Adoptées dans de nombreux pays, surtout par des plasticiens et quelques musiciens (John Cage, La Monte Young), ces pratiques ne sont pas radicalement nouvelles. Au début du siècle, le mouvement Dada infléchissait déjà la création picturale dans le sens de l'antiart, Marcel Duchamp (1887-1968) faisant tout particulièrement scandale avec ses ready-made, (Porte-bouteilles, 1914), simples objets manufacturés dépourvus à l'évidence de la recherche de la beauté plastique qui, traditionnellement, caractérise une œuvre d'art, sculpture ou tableau.

L'expérience de Duchamp, bien qu'elle ait débouché sur une esthétique de la transgression dont on a vu depuis qu'elle participait encore bel et bien de l'art, n'en exerça pas moins une véritable fascination sur bon nombre d'artistes des générations suivantes, notamment Yves Klein à l'époque où il réalisa son « Exposition du Vide pur et simple », (1958).

Dans les années 1960, alors que se généralisait en France l'emploi du terme antiart (XVIe Salon de la Jeune Peinture, 1965), les critiques distinguèrent divers courants au sein de cette avant-garde internationale qui entendait échapper aux cadres culturels institutionnalisés (la galerie, le musée) et ont contribué à la faire connaître en Europe : art pauvre, principalement représenté par l'Allemand Joseph Beuys et le Suisse Ben ; land art ou earthworks (travaux de la terre) des Américains Michael Heizer (né en 1935) et Dennis Oppenheim (1938-2011), intéressés par la modification (trous, tranchées, etc.) d'espaces naturels ; art corporel (en anglais body art) dont l'apparition, comme celle du land art, s'est faite aux États-Unis en 1968-1969, mais que prolongent en Europe les « expérimentations gestuelles » (séances d'incisions, etc.) de l'Italienne Gina Pane (1939-1990) ou les « examens médicaux » (Enquêtes sur un corps) de Michel Journiac (1935-1995).

À l'intérieur d'un système des beaux-arts désormais sans règles, où l'antiart des années 1970, du fait même de l'absence de règles, a fini par perdre sa fonction transgressive, sont à mentionner des pratiques intéressantes, difficilement classables, telles que les envois postaux (textes, objets, photos retouchées, expédiés par la poste à différents destinataires) de Jean Le Gac et de Christian Boltanski.

En 1981, l'exposition « Ils se disent peintres, ils se disent photographes » (musée d'Art moderne de la de Paris) a montré l'usage subversif que peuvent faire les tenants actuels de l'antiart et de l'art conceptuel en l'assimilant à la peinture : « La photographie, c'est le photo-journalisme ; le reste, c'est de la peinture » (Boltanski).