Angkor
Site archéologique du Cambodge, au N. de Siem Reap.
INTRODUCTION
Angkor (du sanskrit nagara, ville, capitale) comprend plus de 80 sites classés, certains considérables, groupés dans le voisinage ou à l'intérieur de l'enceinte d'Angkor Thom. Leurs dates s'échelonnent, environ, entre 650 et la fin du xiiie s. Capitale fondée par Yashovarman Ier (889-vers 900), pillée par les Chams en 1177, reconstruite par Jayavarman VII (1181-vers 1218), elle a été la résidence de presque tous les souverains khmers jusqu'à sa prise par les armées d'Ayuthya (1431). Décrite par l'envoyé chinois Zhou Daguan (vers 1296), signalée par les missionnaires européens dès la fin du xvie s., Angkor a été révélée à l'Occident par les descriptions des voyageurs de la seconde moitié du xixe s. (Henri Mouhot, Adolf Bastian, J. Thomson, etc.) et, surtout, par les premières missions françaises (Francis Garnier, Louis Delaporte, Lucien Fournereau, etc.). Après la cession des provinces de Battambang et de Siem Reap par le Siam (1907), l'École française d'Extrême-Orient, qui y avait déjà créé un centre d'études, s'est vu confier « l'exploration, la conservation et la restauration » des monuments d'Angkor. C'est essentiellement leur étude qui a permis de retrouver l'histoire du Cambodge et celle de son art, que le site suffirait presque à illustrer. Laissés à l'abandon depuis 1973 et souvent pillés, les monuments d'Angkor ont beaucoup souffert des conflits cambodgiens. En 1991, un plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'ensemble des temples a été mis en œuvre sous l'égide de l'Unesco.
LA PREMIÈRE ANGKOR
Parmi les monuments antérieurs à la fondation de la ville, Prasat Ak Yum semble fournir le premier exemple de temple sur pyramide à gradins (« temple-montagne »), type d'édifice caractéristique de l'architecture khmère et réservé aux temples personnels des souverains.
En fondant Yashodharapura (« la ville qui préserve la gloire »), Yashovarman Ier entend garantir la royauté en y affirmant la présence de Siva et en la rattachant aux fondations de sa dynastie par un système complexe : fondation au bénéfice de ses ancêtres dans l'ancienne capitale délaissée ; lien établi avec le Phnom Kulên (où avait été instauré le rituel royal) en détournant la rivière qui y prend source jusqu'à la nouvelle capitale ; création d'un vaste bassin sacré à l'est ; construction au sommet du Phnom Bakheng, « mont central », d'un temple-montagne, dont les 109 sanctuaires soulignent le symbolisme élaboré. Abandonnée de 921 à 944 au profit de Chok Gargyar (aujourd'hui Koh Ker), Angkor sera réoccupée par Râjendravarman II, qui, pour rétablir la continuité, construira deux temples-montagnes, Mébon oriental (952) et Prè Rup (961), l'une des grandes réussites khmères, et commencera le Palais Royal, achevé par son successeur. Du début du xie s., Tà Kèv, premier temple-montagne entièrement en grès, est demeuré inachevé, mais le Baphuon, élevé un demi-siècle plus tard, couvert de bas-reliefs, témoignera d'une hardiesse qui lui a été fatale, exigeant des travaux de reprise totale. Dans le même temps, le creusage du Baray occidental, dédié à Vishnu, plaçait la cité sous une double protection et constituait une réserve d'eau supplémentaire.
ANGKOR VAT (LA CITÉ-MONASTÈRE)
Édifié par Suryavarman II (1113-vers 1150), aussi remarquable par l'équilibre de son plan que par le classicisme de ses proportions, c'est le temple-montagne achevé et le chef-d'œuvre de l'architecture khmère. Bordée par un large bassin-fossé, une enceinte de 5,6 km de tour, avec entrée monumentale à l'ouest, enferme le complexe étagé de trois galeries, avec pavillons axiaux et tours-sanctuaires aux angles des deux étages supérieurs, conduisant au sanctuaire central, d'une admirable élévation. À l'ouest, le cloître cruciforme, qui unit les deux galeries inférieures, est une composition d'une étonnante noblesse. La sculpture est d'une richesse et d'une distinction extrêmes : décors courants des murs, des cadres de portes, avec leurs délicates figures féminines et le jeu savant des rinceaux, et, surtout, tout au long de la galerie du premier étage, le vaste ensemble de bas-reliefs illustrant l'épopée indienne. En raison de son orientation, que sa destination vishnouite pourrait suffire à expliquer, on a souvent insisté sur la destination funéraire d'Angkor Vat. Il a été transformé en temple bouddhique peut-être dès le xve s. ; ses bas-reliefs ont été achevés, avec moins d'art, vers le milieu du xvie s.
ANGKOR THOM (LA CITÉ GRANDE, PUISSANTE)
C'est la nouvelle Yashodharapura, construite par Jayavarman VII pour succéder à celle ruinée par les Chams, que les chroniques et une épigraphie tardive définiront comme la « cité d'Indra ». Enfermant le Palais Royal transformé et embelli (terrasses « des Éléphants », « du Roi Lépreux » …), ainsi que des temples antérieurs, dans une puissante muraille de 12 km de tour, haute de 8 m, entourée d'une douve large de 100 m, dotée en outre d'un important système de canaux, elle est moins une place forte que la cité des dieux par excellence, microcosme centré sur le Bayon, temple où triomphe le symbolisme architectural et où toutes les anciennes divinités du royaume s'intègrent à la perspective mahayanique. Devant cinq portes monumentales protégées par les Gardiens des Orients, des chaussées bordées, sur chaque côté, de 54 géants portant embrassé un naga matérialisent l'arc-en-ciel d'Indra, qui permettra d'accéder du monde des humains au monde des dieux (Paul Mus)… D'autres grandes fondations de Jayavarman VII précisent la signification d'Angkor Thom : Banteay Kdei, en l'honneur du Jina ; Ta Prohm (1186), au bénéfice de sa mère et de son maître spirituel ; Preah Khan (1191), au bénéfice de son père et symbole de la victoire finale sur le Champa ; Neak Pean, garant d'une royauté qui se veut universelle et inviolable…