La veille de l'effondrement du régime militaire grec, le 23 juillet, Nicolas Sampson est contraint à céder sa place à Glafcos Cléridès, désigné par la Constitution pour succéder au chef de l'État, en cas de vacance du pouvoir. Bien que Cléridès soit hautement apprécié par les Turcs, ces derniers poursuivent néanmoins leurs opérations militaires — il est vrai sur une échelle limitée. Le 20 août, à l'aube, les forces armées d'Ankara lancent leur deuxième offensive majeure, avec l'évident objectif de s'emparer de toute la partie nord-est de l'île.

Tandis que l'aviation pilonne diverses agglomérations, les troupes d'infanterie et les blindés, soutenus par l'artillerie, foncent vers Famagouste, principal port et troisième ville de l'île par l'importance de sa population (45 000 habitants environ), et l'occupent dans la soirée du 21 août. Le lendemain, environ 40 % de la superficie de l'île se trouvent aux mains des forces d'occupation. Les victimes, en morts et en blessés, se comptent par milliers. Quelque 200 000 Grecs chypriotes (près de 40 % de la communauté), chassés par les envahisseurs ou fuyant les zones de combat, sont réduits à l'état de réfugiés au sud de la ligne Attila. La nouvelle frontière (110 km de long, allant de Lefka à Nicosie et Famagouste) sépare désormais les deux tronçons de l'île, dont l'un, au nord, est placé sous l'administration exclusive des Turcs.

Le gouvernement d'Ankara a arraché par la force ce qu'il n'avait pas réussi à obtenir à la table des négociations. Les deux conférences tri-partites (Grèce, Turquie, Grande-Bretagne), qui se tiennent à Genève du 25 au 30 juillet et du 8 au 13 août, se soldent par des échecs. La délégation grecque, qui s'oppose à la partition de l'île et à l'instauration d'une fédération géographique, préférant à celle-ci une fédération fonctionnelle fondée sur le statu quo démographique, demande, dans la soirée du 13 août, un délai de réflexion de 36 heures. Le gouvernement turc rejette cette requête, la qualifiant de « manœuvre dilatoire ».

Les États-Unis ont été tenus pour responsables de la crise, paradoxalement, par les trois parties en conflit. Dès le 16 juillet, la presse d'Ankara accuse la CIA d'avoir télécommandé le coup d'État et fait mention des pressions américaines pour empêcher la première intervention turque (20 juillet) afin de protéger les putschistes.

La presse d'Athènes, pour sa part, dénonce la passivité de Washington (et de l'OTAN), estimant que les États-Unis ont ainsi donné le feu vert à la deuxième offensive turque (14 août) dans l'objectif de favoriser le partage de l'île, première étape de son intégration dans le système militaire de l'alliance atlantique. Les Chypriotes s'indignent de l'attitude pour le moins équivoque du président Ford, qui ne condamne pas le coup d'État du 15 juillet et attend plus d'une dizaine de jours pour reconnaître explicitement la légitimité du président Makarios.

Le 19 août, l'ambassadeur américain à Nicosie, Rodger Davies, tombe sous les balles tirées par des manifestants qui s'étaient rassemblés sous les fenêtres de son ambassade. Cependant, les relations entre Washington et Nicosie s'améliorent après le retour triomphal à Chypre de Mgr Makarios, le 7 décembre 1974.

Par contraste, l'URSS émerge de la crise sans dommage. Elle a tour à tour condamné le putsch de Nicosie, le « recours à la force d'où qu'elle vienne », bien qu'elle ait approuvé implicitement la première intervention turque contre l'île, tout en soutenant le principe du maintien de « l'unité, de l'indépendance et de la souveraineté nationale de l'État chypriote ». Trois préoccupations paraissent avoir guidé la diplomatie soviétique : empêcher l'île de glisser dans le camp atlantique, se tenir en dehors de tout conflit armé, et entretenir (à l'instar des États-Unis) de bonnes relations tout à la fois avec Athènes et Ankara. N'ayant pas à redouter les pressions de Moscou ou de Washington, la Turquie donne sa caution à la proclamation, le 13 février 1975, d'un « État autonome laïque et fédéré » dans la partie septentrionale de l'île occupée par ses troupes.