Les deux événements de portée mondiale qui illustrent le moins mal cette constatation sont probablement la vogue que connaît la Jesus Revolution et la diffusion par la Fédération protestante de France (FPF) du document Église et pouvoirs ou celle, par l'Église presbytérienne d'Irlande, du rapport intitulé Radical Change, Reform and Revolution, ainsi, bien entendu, que les réactions suscitées par ces deux faits. Le triste événement qui l'illustre le plus mal est l'affligeant conflit irlandais où, pour des raisons sociales et politiques, deux conservatismes s'opposent à mort : le conservatisme protestant détenteur du pouvoir et le conservatisme nationaliste d'un catholicisme minoritaire opprimé.

La meilleure preuve que ce drame échappe à ce propos est que toutes les autorités religieuses d'Irlande, de Rome ou du Conseil œcuménique des Églises (COE) n'ont cessé d'appeler à la réconciliation et de démontrer qu'il ne s'agit pas d'une guerre de religion. Cela n'empêche pas cette guerre civile de jeter le discrédit sur le protestantisme et sur le mouvement œcuménique.

La Jesus Revolution, le Jesus People ou les Enfants de Dieu, etc., sont des mouvements charismatiques nés aux États-Unis, plus précisément à Los Angeles, voici quelques années.

Au cours de ces derniers mois, ces mouvements ont fait leur apparition en Europe occidentale. De facture affective typiquement nord-américaine, nul ne sait si ce courant, issu directement ou non du pentecôtisme, connaîtra dans le vieux continent le succès indéniable qu'il rencontre outre-Atlantique. Conséquence directe d'une société technologique vidée de toute espérance dont les USA sont le plus monumental exemple, la Jesus Revolution attire massivement la jeunesse américaine comme l'attirent encore les phénomènes de refus à cette société que sont le hippisme ou même la drogue. Il s'agit de la découverte, au plein sens du terme, d'une issue aux impasses de ce temps dont Jésus-Christ serait le grand maître. Déjà des équipes pleinement communautaires, sans argent ni logis, sillonnent les routes de Grande-Bretagne, d'Allemagne, du Benelux, de Suisse, ou ont présenté à Paris des spectacles tels que la comédie musicale rock Godspell ou l'opéra rock Jesus Christ Superstar avec le même succès qu'à Londres ou à New York.

Le succès est assurément le signe d'une réaction prévisible aux remises en question globales de ces dernières années, à la théologie de la mort de Dieu et au malaise psychologique provoqué par la révolution technico-scientifique. Aucun être humain ne pouvant vivre indéfiniment dans l'insécurité, chacun est prêt à accueillir avec enthousiasme une solution, fût-elle, comme c'est le cas, individualiste et volontairement coupée des réalités de l'existence humaine. Avec quelques nuances, on peut dire que ce mouvement s'inscrit dans la même ligne que celui qui est suscité par l'évangéliste américain Billy Graham et l'immense fraction protestante, présente sur toute la planète, qui se qualifie elle-même de fondamentaliste évangélique. Ses délégués se sont retrouvés au début de septembre 1971, à Amsterdam, en congrès de l'évangélisation. Les 1 300 participants y entendirent les leaders de cette fraction, dont Billy Graham, et une équipe de la Jesus Revolution venue non pour s'opposer au congrès, mais pour le stimuler.

Dans la même ligne, il faut évoquer de puissants mouvements comme les groupements allemands : Pas d'autre évangile ou le Rassemblement évangélique, qui, au début d'octobre 1971, ont opéré une fusion dans la Conférence des mouvements confessants en Allemagne — plagiant ainsi la célèbre Église confessante née contre Hitler et d'une tout autre orientation — sous la direction du pasteur Rudolph Baeumer et du surintendant Wulf Triel. Il faut encore citer les rencontres continentales d'Églises de confessants et surtout le pentecôtisme, agissant aussi bien dans des pays latins très catholiques comme l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Amérique latine — où leurs adeptes sont passés en quarante ans à plusieurs millions — qu'en Afrique, en Asie et même en Europe de l'Est.