L'administration de faibles doses donne naissance à des lignées de cellules résistant à la chimiothérapie. Ce mode de traitement a déjà été essayé sur des cancéreux dont on voulait prévenir les rechutes. Dans la grande majorité des cas les résultats ont été décevants, voire contraires à ceux qu'on attendait — peut-être parce que, entre autres inconvénients, ces médicaments affaiblissent les réactions immunologiques de l'organisme.

Or, c'est précisément dans la stimulation de certaines de ces réactions immunologiques que l'on voit maintenant le traitement préventif, ou curatif, de l'avenir. Le 15 novembre 1971, le professeur B. Halpern, directeur de l'Institut français d'immunobiologie, présente les résultats qu'il a obtenus par injection de corynébactéries.

Pour être inoffensifs, ces microbes n'en sont pas moins reconnus comme étrangers par l'organisme et ils réveillent les mécanismes immunologiques défaillants. Sans être spécifiquement anticancéreuse, la stimulation a un effet bienfaisant. Sur 71 malades sans espoir (cancers divers) traités par l'injection de corynébactéries, en plus de la chimiothérapie classique, 13 sont encore en vie depuis plus de deux ans.

Des recherches semblables se poursuivent à l'Institut de cancérologie et d'immunogénétique de Villejuif (professeur Mathé) et aussi à l'Institut Pasteur, où l'on cherche à isoler les substances stimulantes produites par des bactéries.

Mais pourquoi les cellules anarchiques d'un cancer qui prend ne sont-elles pas reconnues, elles aussi, comme étrangères par l'organisme alors que les organes transplantés sont rejetés ? Sans doute les réactions immunologiques sont-elles beaucoup plus complexes qu'on ne l'a cru.

Au premier Congrès international d'immunologie de Washington, en août 1971, le docteur Guy Voisin (hôpital Saint-Antoine, Paris) a présenté la réaction de rejet (d'une tumeur ou d'une greffe) et la réaction de tolérance (d'une tumeur ou d'une greffe de rein, par exemple) comme les deux éléments fondamentaux de toute réaction immunologique. Elles existent parallèlement chez tout individu, mais, selon les circonstances, l'une ou l'autre peut prédominer et tous les intermédiaires sont possibles entre une réaction de rejet accélérée et une tolérance presque complète.

Cette hypothèse présente le mérite d'être compatible avec à peu près tous les faits observés en immunologie.

Les lymphocytes B et T semblent être les agents de ces réactions de rejet ou de tolérance.

Les lymphocytes B sont formés dans la moelle osseuse : bone marrow en anglais, d'où l'initiale B. Les lymphocytes T ont la même origine, mais ils passent par le thymus avant d'acquérir leur compétence immunitaire. On pense que ces lymphocytes T interviennent seuls dans la réaction de rejet. Ils possèdent à leur surface des récepteurs qui sont des anticorps ou, du moins, des molécules qui leur ressemblent.

Ces récepteurs peuvent dépister les antigènes de greffes ou les antigènes qui apparaissent à la surface des cellules qui se cancérisent. Les lymphocytes T se multiplient alors et, par libération de médiateurs ou par effet direct, détruisent les cellules tumorales ou greffées. À ce stade, les lymphocytes B peuvent intervenir en fabriquant des anticorps qu'on appelle facilitants, parce qu'ils se fixent sur les sites antigéniques des cellules de la greffe ou de la tumeur et les protègent de l'action des lymphocytes T. Aussi faut-il être très prudent : favoriser l'accroissement des anticorps circulants risque d'être néfaste car, dans les tumeurs en évolution, ceux-ci sont plus souvent facilitants que protecteurs.

Par contre, stimuler la prolifération des lymphocytes T a plus de chance d'être bénéfique : certaines observations le prouvent, ce qui laisse espérer que le jour où l'immunologiste sera capable de maîtriser à son gré la réaction immunologique et de la diriger dans le sens d'une réaction de rejet ou d'une réaction de tolérance, les deux problèmes des greffes et du cancer seront au moins partiellement résolus.

Une enzyme contre l'infarctus

Dans les pays industrialisés, les maladies du cœur et des vaisseaux sont responsables de 45 % des décès. Au total, dans le monde, environ 171 transplantations cardiaques, dont 50 par le seul professeur Norman E. Shumway (Stanford, Californie), créateur de la technique opératoire, ont été réalisées avec des résultats comparables à ceux des greffes du rein, devenues courantes. Trente-huit survivants montrent que si, au début, le problème a été abordé avec précipitation, l'arrêt des greffes du cœur, en France, ne peut être que transitoire.