Montañés ou Martínez Montañés (Juan) (suite)
Les retables sont parfois des compositions modestes, qui constituent un cadre pour la niche où est placée la statue du titulaire. On aura de bons exemples de cette formule avec les quatre retables latéraux (1625-1630) de l’église conventuelle de Santa Clara de Séville, dédiés à l’Immaculée Conception, à saint François, à saint Jean l’Évangéliste et à saint Jean-Baptiste. Lorsque le retable est destiné au maître-autel, il forme un ensemble monumental, qui combine, en plusieurs registres et en plusieurs corps, des sculptures en ronde bosse dans des niches, des bas-reliefs et même des peintures. L’exemple le plus représentatif est celui de San Isidoro del Campo de Santiponce (1609-1613), avec les statues des deux saints Jean et quatre bas-reliefs, dont l’élément le plus impressionnant demeure un saint Jérôme agenouillé, vu de profil sur le bas-relief du fond. On citera également les retables majeurs de l’église paroissiale de San Miguel à Jerez de la Frontera (1617), du couvent de Santa Clara, déjà cité (1621-1626), et de l’église paroissiale sévillane de San Lorenzo (1632).
Ce sont les statues — statues de retables et statues isolées — qui offrent le témoignage le plus fidèle du génie de Martínez Montañés. Parti du maniérisme, le sculpteur aboutit au baroque, mais, par ailleurs, il posséda une si parfaite connaissance du corps humain qu’on a pu qualifier son art de réaliste. Cette richesse d’expression stylistique trouva son unité dans un tempérament d’artiste exceptionnellement puissant, qui sut équilibrer les diverses tendances. Son réalisme fut tempéré par la noblesse classique et l’élégance maniériste ; une dignité naturelle lui fit éviter les outrances auxquelles conduisait fréquemment un art aussi populaire que le sien. À l’Espagne* du temps, qui vivait intensément la réforme religieuse du concile de Trente, il offrit une sculpture de dévotion riche de vie, mais en même temps pleine de retenue et de concentration intérieure.
Le rayonnement de Martínez Montañés fut immense. Les peintres autant que les sculpteurs (tels Juan de Mesa et A. Cano*) admirèrent et imitèrent ses créations iconographiques, tour à tour poignantes (Christ de la Clémence, 1603-1606), ingénues et charmantes (Enfant-Jésus tendant les bras, 1607), graves et belles (Immaculée Conception, 1628-1631). Ces trois œuvres appartiennent à la cathédrale de Séville. Nul mieux que Montañés ne mérita le nom de dios de la madera (dieu du bois) que lui donnèrent ses contemporains.
M. D.
M. E. Gómez Moreno, Juan Martínez Montañés (Barcelone, 1942). / J. Hernández Díaz, Juan Martínez Montañés (Madrid, 1949) ; El Maestro imaginero Juan Martínez Montañés a los cuatrocientos años (Santander, 1968).