Louis XV (styles Régence et) (suite)
La prédominance des courbes dans la composition, trait physionomique du style dit « Louis XV », s’accompagne de la création d’un mobilier nouveau. La vie de compagnie réclame des meubles faits pour l’usage et non plus seulement pour l’apparat ; et comme elle est gouvernée par les femmes, ce sont des meubles destinés aux femmes qui, les premiers, apparaissent dans l’ébénisterie française. Ce sont d’abord les commodes et les « toilettes ». La commode « en tombeau », ventrue, portée par quatre pieds courts, est connue dès le début du xviiie s. ; avant peu, sa silhouette s’allégera, sa massivité s’atténuera, son décor de bronzes dorés aura ses prototypes dans les chefs-d’œuvre de Charles Cressent* et d’Antoine Gaudreaux (1680-1751), exécutés en 1738 et 1739 et conservés en la Wallace Collection de Londres. La toilette est une petite table à trois caissons creux destinés à l’arsenal de la coquetterie ; celui du milieu est couvert d’un panneau qui se retourne d’avant en arrière en présentant le miroir qui double sa face interne ; les deux autres, d’un volet qui se rejette vers l’extérieur. Contemporain de la toilette est le bureau de dame qui se distingue d’elle par le dispositif de son panneau médian : il se tire d’arrière en avant en se redressant pour former pupitre. D’autres créations heureuses apparaissent : le secrétaire « à dessus brisé », couvert d’un abattant déclive (v. 1735) ; la table de chevet ; la chiffonnière à tiroir de flanc, quelquefois pourvue d’un écran vertical qui fait d’elle un « vide-poches ».
Le style des sièges de la première moitié du siècle évolue constamment vers la simplicité. Dans les années 1720, le modèle « Louis XIV » est totalement démodé : le siège, enveloppé dans une courbe continue, se fait mobile ; son ornementation, d’abord chargée de branches fleuries, souvent peinte et laquée, se réduit, vers 1740, à quatre pincées de trois fleurettes, au sommet du dossier, à l’avancée de la ceinture, au sommet des pieds antérieurs. Dès 1760, la moulure nue suffira. Certains modèles sont particuliers à cette époque, notamment le fauteuil de cabinet dont la ceinture se décroche en une forte excurvation, et les grands sièges de repos, appelés duchesses quand ils sont d’un seul tenant, et duchesses brisées quand ils se divisent en deux ou trois parties ajustables. Le dossier des ottomanes, de plan ellipsoïdal, épouse leurs extrémités arrondies ; ce dossier vaut-il « à rien par devant », comme disent les menuisiers, le siège est une paphose ; s’incline-t-il du chevet vers le pied en encadrant ses extrémités, c’est une veilleuse.
Ce sont là, avec les lambris remis en vogue et les « pieds de trumeau » qui les complètent, des ouvrages de bois massif. Le meuble proprement dit du temps de Louis XV (sièges exclus) est essentiellement plaqué ou marqueté, son décor de bronze, abondant à l’origine, se réduisant vers 1745 aux « dentelles » encadrant les compositions marquetées, bouquets, corbeilles ou trophées. Le bronze trouve une application nouvelle et brillante dans le luminaire, sous forme d’appliques à branches multiples, et dans les splendides cartels apposés au mur, dont les plus grands ciseleurs donnent les modèles, témoins Cressent et Jean-Joseph de Saint-Germain.
G. J.
➙ Louis XVI et Directoire (styles) / Rocaille.
P. Verlet, le Style Louis XV (Larousse, 1942). / F. Kimball, The Création of the Rococo (Philadelphie, 1943 ; trad. fr. le Style Louis XV, origine et évolution du rococo, Picard, 1949). / P. Siguret, le Style Louis XV (S. F. L., 1965). / G. Janneau, l’Époque Louis XV (P. U. F., 1967).