Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lawrence (sir Thomas)

Peintre anglais (Bristol 1769 - Londres 1830).


Ce portraitiste dont la réputation s’étendit à l’Europe entière était le petit-fils d’un clergyman et le fils d’un aubergiste ; enfant prodige, il dessinait en quelques minutes le portrait des clients de son père. À Bath, où ce dernier s’installe en 1782, il étudie chez le peintre d’histoire William Hoare (v. 1707-1799) et s’imprègne du climat d’élégance et de sophistication de cette ville d’eaux à la mode.

Dès 1786, il est à Londres, où son premier portrait en pied, celui de Lady Cremorne (1789, coll. Wyndham), retient l’attention de la reine Charlotte. Il expose cette même année à la Royal Academy treize ouvrages, dont le portrait de la souveraine (National Gallery, Londres) et celui de l’actrice Miss Farren (Metropolitan Museum, New York), vedette des pièces de Sheridan, qui connaît un vif succès. Choisi comme peintre du roi à la mort de Reynolds* (1792), il devient en 1794 membre de cette Royal Academy dont, en 1820, il sera élu président à l’unanimité. Il est anobli en 1815.

Son succès comme interprète des beautés de l’époque subit une légère éclipse en raison des rumeurs suscitées par le divorce de la princesse de Galles, Caroline de Brunswick, qui l’avait appelé près d’elle en 1801. Le régent s’adresse à lui pour perpétuer le souvenir des hommes d’État et des généraux ayant contribué à abattre Napoléon ; leurs effigies seront conservées dans la salle Waterloo du château de Windsor. Un premier voyage en France, en 1814, est interrompu par les Cent-Jours, mais ensuite un périple en Europe (1818-1820) permet au peintre de faire poser les plus célèbres participants du congrès de Vienne, collection complétée en 1825 par les portraits de Charles X et de sa famille. Certaines de ses œuvres sont exposées au Salon parisien de 1824, évoquant pour Stendhal la « négligence du génie », mais enthousiasmant Delacroix, qui écrira plus tard, après avoir visité l’atelier de l’artiste, à Londres, en juillet 1825 : « On n’a jamais fait les yeux, des femmes surtout, comme Lawrence, et ses bouches entrouvertes d’un charme parfait. Il est inimitable. »

Peuplé de femmes invariablement élégantes et élancées, d’enfants aux yeux étonnés, d’hommes assurés, le monde de Lawrence paraît un peu trop édénique et ne rencontre plus de nos jours la faveur qu’il connut au temps où le peintre passait pour le Titien anglais. Il y a cependant beaucoup de charme dans les éclaboussures d’argent et de lilas qui griffent les toiles, beaucoup d’autorité dans la touche rapide et heurtée ; et parfois, comme dans le portrait de l’ambitieuse et ravissante Princesse de Lieven (Tate Gallery), une psychologie pénétrante. Le style brillant de Lawrence utilise encore les mises en pages du xviiie s., mais en abaissant la ligne d’horizon pour détacher ses personnages sur des fonds de ciels nuageux. Le choix de certains sujets, Rolla, Satan, Hamlet, la splendeur des rouges et l’abandon de la pose dans le Red Boy, Master Lambton (coll. priv.), tant admiré par les Parisiens de 1824, dénotent chez le dernier des grands portraitistes anglais un romantisme plus nonchalant que pathétique, mais dont il convient d’admirer l’élégance.

S. M.

 K. Garlick, Sir Thomas Lawrence (Londres, 1954) ; A Catalogue of the Paintings, Drawings and Pastels of Sir Thomas Lawrence (Londres, 1964).

Lawrence (David Herbert)

Écrivain anglais (Eastwood, Nottinghamshire, 1885 - Vence 1930).


Le mouvement littéraire qui révolutionne les structures du roman anglais dans les premières décennies du siècle ne s’accomplit pas sans remous, voire sans scandale. Enveloppant l’œuvre de D. H. Lawrence, une tenace odeur de soufre en constitue le singulier témoignage. Application de l’« Obscene Publications Act » de 1857 à The Rainbow (1915), rejet de sa suite Women in Love (1920), fermeture de l’exposition de ses peintures à Londres (1928), le procès même de 1960 levant l’interdiction qui pèse sur Lady Chatterley’s Lover depuis 1928 jalonnent son histoire comme autant de pointes de fièvre du mal dont il va mourir. Ni patient ni diplomate, il dit, notamment à travers nombre de traités et d’essais (Fantasia of the Unconscious, 1922 ; Psychoanalysis and the Unconscious, 1921 ; A Propos of Lady Chatterley’s Lover, 1930 ;...), sa méfiance à l’égard de la science, du cérébral, condamnant également sentimentalisme, idéalisme en amour aussi bien que la dissection de l’élan sexuel à la Freud. Tôt attiré vers la poésie par un goût qui ne l’abandonnera jamais (Complete Poems, 1957), il proclame ici — préfigurant l’œuvre poétique de Ted Hughes et du « Group » — la primauté de la sensation directe, de l’instinct, de la même manière qu’au sujet de la critique littéraire (Studies in Classic American Literature, 1923 ; A Study of Thomas Hardy, 1936) il écrit : « La pierre de touche est l’émotion, pas la raison » (Essay on Galworthy). Dans Apocalypse (1931), il s’attaque au christianisme, religion dépourvue à ses yeux du sens de la vie. Enfin, il stigmatise la machine, « l’eunuque d’entre les eunuques, et qui, à la longue, nous émascule ». Deux expériences affectives influent profondément la vie de ce fils d’une institutrice et d’un mineur des Midlands. Sons and Lovers (1913), roman autobiographique qui lui vaut la notoriété, témoigne de la force des attaches le liant à sa mère, comme Look ! We have come through ! (1917) porte la marque de son amour pour Frieda Weekley, épousée en 1914. Quant à l’union disparate de ses parents, elle resurgit dans ses romans (The White Peacock, 1911 ; The Lost Girl, 1920 ; Lady Chatterley’s Lover, 1928 et 1960) et ses nouvelles (The Ladybird, 1923 ; The Princess, 1925 ; The Virgin and the Gipsy, 1930), où, fascinées, des femmes se donnent à des hommes différents d’elles, de milieu, d’éducation ou de pays. Mal à son aise dans une Angleterre scandalisée par son œuvre et lui reprochant son indifférence patriotique au cours de la Première Guerre mondiale, D. H. Lawrence commence une longue errance que seule la tuberculose interrompra à Vence en 1930. Il en rapporte romans, nouvelles, essais et récits de voyage. De l’Italie, Sea and Sardinia (1921) ; Aaron’s Rod (1922) ; Twilight in Italy (1916) et Etruscan Places (1932). D’Australie, Kangaroo (1923). Du Mexique, The Princess et The Plumed Serpent (1926), Mornings in Mexico (1927) et The Woman who rode away (1928). Ses déceptions et sa colère se soulagent dans ses vers de la fin, Pansies (1929), Nettles (1930), More Pansies (1932). Mais, au-delà des brouilles, des exagérations, des amertumes, et une fois terminé le long séjour dans « l’enfer », le succès de l’œuvre va croissant depuis les années 50, et l’écran s’en empare. Car le génie de Lawrence appartient à la sorte qui demeure. Vivant et nécessaire. Comme celui de William Blake* au xviiie s., celui de Thomas Carlyle* au xixe.