Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gorki (Maxime) (suite)

Son journal ayant été interdit en juillet 1918, Gorki accepte, cependant, de collaborer avec le pouvoir bolchevique, qui lui offre les moyens de poursuivre sa tâche éducative et culturelle, notamment dans le domaine de l’édition : associé à la fondation des éditions d’État, il peut créer les éditions « Littérature universelle », qui doivent mettre à la disposition du lecteur russe la littérature de tous les temps et de tous les pays ; il rassemble autour de ce programme d’importantes équipes de traducteurs. L’autorité dont il jouit auprès des leaders bolcheviques lui permet de jouer, pendant les années de famine et de violences de la guerre civile, le rôle d’un protecteur des écrivains, des artistes, des savants et d’un défenseur des valeurs culturelles. Cependant, ce rôle finit par indisposer Lénine. Une rechute de tuberculose (mal dont il souffre depuis 1896) fournit un prétexte pour l’éloigner de Russie.

De Berlin, où il réside en 1922, des villes d’eaux d’Allemagne et de Tchécoslovaquie où il est soigné en 1923-24, enfin de Sorrente, où il s’installe en 1924, Gorki essaie, pendant quelque temps, de préserver l’unité de la littérature russe, coupée en deux par l’émigration, attitude qui lui vaut de nombreuses hostilités des deux côtés de la barrière. Il suit avec attention et sympathie les premiers pas de la jeune génération de prosateurs nés de la révolution, « compagnons de route » (c’est-à-dire non communistes) pour la plupart, qui voient en lui un guide et un maître dont l’autorité est à la fois littéraire et culturelle. Il fonde et dirige des revues destinées à faire connaître les résultats de l’édification socialiste (Nachi dostijeniïa [Nos succès] ; SSSR na stroïke [l’U. R. S. S. en chantier]) ou à favoriser l’accès des ouvriers à la création littéraire (Literatournaïa outcheba [l’Étude littéraire]). Il crée des collections encyclopédiques (Jizn zametchatelnykh lioudeï [la Vie des hommes remarquables] ; Biblioteka poeta [la Bibliothèque du poète]). Il prend l’initiative de vastes entreprises historiques (Istoriïa grajdanskoï voïny [Histoire de la guerre civile] ; Istoriïa fabrik i zavodov [Histoire des fabriques et des usines]).

Surtout, il joue un rôle déterminant dans l’adoption, en 1932, d’une nouvelle politique littéraire, marquée par la dissolution de l’Association des écrivains prolétariens (RAPP) et la création de l’Union des écrivains soviétiques, dont le Ier Congrès en août 1934 l’élit à sa présidence. Le ralliement total des « compagnons de route », qui a rendu possible leur amalgame avec les écrivains « prolétariens » au sein d’une même organisation docile au parti, est dû en grande partie à son prestige. L’esthétique du réalisme socialiste, dont le Congrès fait la doctrine officielle de l’Union, s’appuie sur son exemple et rejoint sa conception d’une synthèse nécessaire du réalisme et du romantisme. Gorki la définit, dans ses articles O kotchke i o totchke (De la motte de terre et du point du vue) et O sotsialistitcheskom realizme (Du réalisme socialiste), comme « le réalisme de ceux qui transforment le monde », comme une doctrine qui fait un devoir à l’écrivain de considérer le passé « du haut des nobles fins de l’avenir ».

Ce sont ces principes qu’il applique dans ses dernières œuvres. Seul le drame Somov i drouguiïe (Somov et les autres, 1931), inspiré par des procès politiques où des ennemis du régime ont été condamnés pour sabotage, est situé dans l’actualité. Les drames Egor Boulytchov i drouguiïe (Egor Boulytchov et les autres, 1932), Dostigaïev i drouguiïe (Dostigaïev et les autres, 1933) et Vassa Jeleznova (2e version, 1935) ainsi que le roman Delo Artamonovykh (l’Affaire Artamonov, 1925) reviennent, pour les interpréter à travers la perspective de la révolution, sur les destinées de la bourgeoisie capitaliste issue de la vieille classe marchande et, plus généralement, sur la crise de la vieille société à la veille de 1917. C’est aussi le cas du long roman Jizn Klima Samguina (la Vie de Klim Samguine, 1927-1936), chronique intellectuelle de la vie russe de 1880 à la révolution, centrée sur le personnage falot de Klim Samguine, type de l’intellectuel petit-bourgeois qui suit les courants à la mode, mais dont les idées ne sont que le masque de ses instincts de classe et ne parviennent pas à dissimuler son égoïsme et sa médiocrité foncière. Resté inachevé, ce roman, conçu comme une « messe des morts pour l’intelligentsia russe », présente la révolution comme l’aboutissement naturel de la décadence de l’ancienne société.

Comblé d’honneurs, associé à toutes les entreprises culturelles du régime, Gorki incarne aux yeux de l’Occident le visage humaniste que se donne la Russie stalinienne. Sa mort, survenue le 18 juin 1936, est présentée par Molotov comme « la plus grande perte que l’U. R. S. S. et l’humanité entière aient subie depuis la mort de Lénine ». Attribuée d’abord à une pneumonie, elle est présentée deux ans plus tard comme un « assassinat médical » organisé par Iagoda, chef de la police politique.

M. A.

 E. M. de Vogüé, Maxime Gorky, l’œuvre et l’homme (Plon, 1905). / M. Gorki. Documents et recherches (en russe, Moscou et Leningrad, 1934 ; 4 vol.) ; les Conférences de Gorki (en russe, Moscou, 1940-1964 ; 8 vol.). / A. S. Miasnikov, M. Gorki. Esquisse de l’œuvre (en russe, Moscou, 1953). / N. Gourfinkel, Gorki par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1954). / B. S. Mikhaïlovski et E. B. Tager, l’Œuvre de Maxime Gorki (en russe, Moscou, 1954). / I. A. Grouzdev, Gorki (en russe, Moscou, 1958) ; Gorki et son temps, 1868-1896 (en russe, Moscou, 1962). / Annales de la vie et de l’œuvre de A. M. Gorki (en russe, Moscou, 1958-1960 ; 4 vol.). / F. M. Borras, Maxim Gorky, the Writer (Oxford, 1967). / J. Perus, Maxime Gorki. Romain Rolland (E. F. R., 1968). / J. Perus (sous la dir. de), Gorki en France (P. U. F., 1968).

Gorky (Arshile)

Peintre américain d’origine arménienne (Khorkom Vari, Hayotz Dzore, Arménie turque, 1905 - Sherman, Connecticut, 1948).


De son vrai nom Vosdanig Manoog Adoian, Gorky est la première grande figure, et peut-être la plus rayonnante, de la peinture américaine moderne.