Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Consulat (suite)

En même temps, l’État allège le système fiscal en lui donnant une organisation plus efficace. Cette meilleure assiette de l’impôt est obtenue par la création de contributions directes composées d’une direction générale, des directions départementales, d’un corps de contrôleurs et d’inspecteurs pour la répartition, mais aussi de receveurs et de percepteurs intéressés au recouvrement. Le Consulat s’efforce aussi de faire plus appel pour équilibrer le budget aux sources nées de la guerre de conquête qu’à celle de la fiscalité.


Le Code civil

Facilités dans leurs entreprises par ces créations, les notables se voient confirmer la prééminence sociale par le « monument juridique » qu’est le Code civil, plus tard Code Napoléon (v. codification).

Préparé dès l’été de 1800, il est promulgué en mars 1804. Il ne lait pas table rase du passé. En de nombreux points, comme par exemple les droits renforcés du père de famille, il tient largement compte, dans le droit nouveau des assemblées révolutionnaires, du droit ancien. Mais, au cœur de l’œuvre, il y a la conception bourgeoise de la société. Liberté. Égalité. Propriété. Mais le troisième « droit naturel » accompagné de son corollaire, la liberté économique, déforme partiellement le second. Ainsi l’ouvrier qui, en justice, s’oppose à son patron pour une question de salaire n’est pas cru sur parole, comme l’est celui-ci. Tout un ensemble de lois viennent renforcer cette inégalité ; loi du 22 germinal an XI (12 avr. 1803), qui reprend la loi Le Chapelier, ou celle du 9 frimaire an XII (1er déc. 1803), qui fait réapparaître le livret de l’ouvrier. L’Ancien Régime l’avait créé ; plus d’un demi-siècle d’histoire marqué par les luttes ouvrières s’emploiera à le détruire.


Le règne des notables

Politiquement, c’est aussi pour les notables que le régime semble être construit. Le Code civil dit bien que « tout Français jouira des droits civils », mais il ajoute que « l’exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle ». Or, si celle-ci reconnaît le principe de la souveraineté populaire et rétablit le suffrage universel, elle le tourne dans les faits. Des collèges superposés — communal, départemental, national — érigent une pyramide administrative et politique qui n’est pas l’œuvre de l’élection. Les électeurs se bornent à dresser des listes de candidats, les pouvoirs publics sélectionnent dans ces listes : le critère qu’ils retiennent est, avec la fidélité au régime, la possession d’une propriété.


L’œuvre spirituelle

L’œuvre spirituelle elle-même, le concordat*, peut aussi être regardée comme favorable à l’établissement de la république des notables. Depuis 1791, l’Église catholique condamnait les transformations sociales opérées par la Révolution en même temps qu’elle contestait la valeur des propriétés acquises au détriment des biens de l’Église.

Au-delà de la mainmise possible sur une Église gallicane trop longtemps autonome, Rome est porté à la conciliation avec le Consulat par la volonté de sauver des âmes, dans une France devenue presque un pays de mission. Mais, en signant le concordat de 1801, l’Église catholique se dissocie, qu’elle le veuille ou non, des royalistes. C’est ce que ressent la bourgeoisie, qui interprète le geste comme une reconnaissance de fait de la société nouvelle. Il renforce encore la minorité des nobles qui s’y rallie.


Gouvernement et administration

Cette république des notables se résigne finalement à être dirigée par un homme. Bonaparte a refusé d’être « l’ombre décharnée d’un roi fainéant » que la Constitution de Sieyès lui proposait d’être. Celle qu’il fait plébisciter par 3 011 007 Français lui donne le pouvoir exécutif et l’initiative des lois. Les assemblées ne peuvent lui disputer la réalité du pouvoir. Les nominations, directes ou non, les épurations et le mécanisme des institutions prévues lui permettent de les annihiler.

L’administration et la justice sont elles aussi centralisées et entre les mains du Premier consul. Les préfets et sous-préfets sont, comme les juges, des fonctionnaires de l’État. Ils dirigent la vie des départements et veillent à l’application des décisions du gouvernement.

« Il y a un gouvernement, des pouvoirs, mais tout le reste de la nation, qu’est-ce ? Des grains de sable... Tant que j’y serai, je réponds de la république ; mais il faut prévoir l’avenir. Il faut jeter sur le sol de la France quelques masses de granit. » Dans ses paroles au Conseil d’État perce la crainte d’un individualisme né de la Révolution et néfaste à son pouvoir.

Bonaparte sait la bourgeoisie seule force réelle du pays. Cependant, s’il s’appuie sur elle, il s’en méfie et cherche à contrecarrer l’influence que sa puissance naturelle lui assure dans le reste du peuple. Il transforme le concordat par des articles organiques et veut faire des évêques et des prêtres des fonctionnaires aptes à faire pression sur les consciences.

En même temps, il veut subjuguer. Il crée des corps intermédiaires — ces masses de granit — qui doivent lui assurer une meilleure prise sur la société : ainsi l’institution de la Légion* d’honneur.

« C’est un commencement d’organisation de la nation », dira-t-il au Conseil d’État. En fait, elle rappelle les ordres créés par l’ancienne monarchie pour affermir les liens de fidélité de sa noblesse. Elle repose sur le principe de l’honneur, « vertu » à laquelle Bonaparte, ci-devant et militaire, est sensible. Il estime devoir réutiliser ce ressort social.

Mais ce corps apparaît à certains comme une renaissance de l’aristocratie. En fait, la dignité conférée est toute morale et ne donne pas un des privilèges qu’avait l’ancienne noblesse. C’est une dignité personnelle et que chacun peut acquérir.