Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

confucianisme et néo-confucianisme (suite)

La dynastie des Qing (Ts’ing)

Au début de la dynastie, Yan Yuan (Yen Yuan) [1635-1704], un puissant penseur, développe une théorie de l’action. Selon lui, l’étude des Classiques n’est plus suffisante et il faut substituer un « monde de l’action » au « monde des mots » en déclin.

Les lettrés de cette dynastie se rebellent contre les penseurs des Song. Ils condamnent leur tendance métaphysique : « Zhu Xi (Tchou Hi) est un moine taoïste ; Lu Jiuyuan (Lou Kieou-yuan) est un moine bouddhiste. » Ils accusent aussi les penseurs des Song d’avoir interprété les Classiques d’après leurs idées philosophiques.

Ils se réclament de la « discipline Han », en opposition à la « discipline Song ». Ils considèrent qu’à l’époque Han, plus proche du temps de Confucius, les interprétations des lettrés devaient être plus conformes aux idées authentiques du Maître. Leurs études des Classiques sont essentiellement historiques, et philologiques. Avec le même intérêt, ils font des études sur des textes anciens non confucianistes négligés depuis des siècles. Ces travaux constituent la contribution la plus importante des lettrés des Qing (Ts’ing).

Leurs contributions philosophiques sont peut-être moins importantes, mais, à une époque où le peuple chinois est opprimé à l’intérieur par une dynastie étrangère et à l’extérieur par les puissances occidentales, il est naturel que l’élite se préoccupe des problèmes concrets et lie ses idées philosophiques aux réformes politiques.

La plus importante figure des réformateurs est Kang Youwei (K’ang Yeou-wei) [1858-1927]. Influencé par la tendance théologique du confucianisme de la dynastie des Han et par certaines idées de l’Occident introduites à la fin du xixe s., ce philosophe essaie de créer une religion confucéenne. Il décrit avec audace son utopie mondiale de l’avenir, où, « les États nationaux une fois abolis, les distinctions raciales éliminées, et les traditions et les cultures harmonisées, le monde sera en paix ». Mais son programme politique pour l’immédiat est l’établissement d’une monarchie constitutionnelle tout en acceptant le gouvernement impérial mandchou comme légal. Malgré de telles concessions, la réforme politique qu’il dirige en 1898 ne dure que quelques mois. Kang (K’ang) doit fuir à l’étranger, et nombre de ses partisans sont exécutés.


Après 1911

Après la révolution de 1911, de virulentes attaques sont lancées pendant le mouvement littéraire du 4 mai 1919 par le groupe « Nouvelle Jeunesse » contre le confucianisme. Celui-ci est identifié à l’idéologie féodale. Mais la tradition des idées confucéennes est maintenue et même encouragée par le gouvernement nationaliste.

Sun Yat-sen, le fondateur de la République, peut être considéré comme un confucianiste. Si certains éléments de son célèbre livre les Trois Principes du peuple viennent des sciences politiques occidentales, ses idées sur un gouvernement au service du peuple et sur une entente universelle s’inspirent de la doctrine de Confucius.

Une réévaluation et une reconstruction de la philosophie de Confucius sont tentées, d’abord par Liang Suming (Leang Sou-ming), puis par Feng Youlan (Fong Yeou-lan). Celui-ci, professeur à l’université Jinghua (Tsing-houa), écrit d’abord une importante Histoire de la philosophie chinoise, publiée en 1934, puis, dans une série de livres parus pendant la dernière guerre, il expose sa propre philosophie. Il se propose de continuer la tâche philosophique des penseurs des Song, et en particulier de Zhu Xi (Tchou Hi), tout en profitant de la méthode logique et analytique de la philosophie occidentale.

Mais à peine a-t-il achevé son système que le communisme prend le pouvoir en 1949. L’attitude du gouvernement communiste envers le confucianisme est encore plus hostile que le groupe « Nouvelle Jeunesse ». Feng Youlan (Fong Yeou-lan) doit renier sa philosophie « réactionnaire » dans ses autocritiques publiques et entreprendre une nouvelle version de son Histoire de la philosophie chinoise, interprétée du point de vue marxiste. Deux premiers tomes paraissent en 1962 et en 1964.

Confucianisme et Occident

Ce furent les missionnaires jésuites qui, dès le début du xviie s., introduisirent la pensée chinoise en Europe. Les rapports enthousiastes qu’ils firent alors portèrent essentiellement sur deux points : le confucianisme en tant que philosophie et le système de gouvernement en cours qui était censé en être inspiré. Sur ce deuxième point, certains philosophes, tels que Montesquieu et Diderot, restèrent sceptiques et critiquèrent le caractère « despotique » du système. Quant à Confucius et à sa doctrine, l’intérêt resta vif à leur propos tout le long du Siècle des lumières. Leibniz et Voltaire exprimèrent sans réserve leur admiration. L’esprit universaliste de Confucius ainsi que son souci constant de l’intérêt du peuple contribuèrent à renforcer l’idée de démocratie chez les penseurs de cette époque.

Aujourd’hui, l’attitude souvent indifférente ou hostile des Chinois envers le confucianisme contraste avec l’intérêt que lui portent certains Occidentaux. Là où les jeunes Chinois ne voient qu’abus et hypocrisies engendrés par une tradition deux fois millénaire, les Occidentaux découvrent, derrière la doctrine, la figure d’un humaniste engagé dans son temps, plein d’une exigence intérieure et préoccupé du problème éthique.

C.-H. C. et P. M. H.

➙ Chine.

 R. Wilhelm, Kung-tse, Leben und Werk (Stuttgart, 1925). / L. Eul-sou Youn, Confucius, sa vie, son œuvre (Maisonneuve, 1942 ; nouv. éd., 1948). / A. Rygaloff, Confucius (P. U. F., 1946). / H. G. Creel, Confucius, the Man and the Myth (New York, 1949). / Liu Wu-chi, Confucius, his Life and Time (New York, 1955) ; A Short History of Confucian Philosophy (New York, 1956 ; trad. fr. la Philosophie de Confucius, Payot, 1963). / R. Étiemble, Confucius (Club français du livre, 1956 ; 4e éd., 1968). / C. Chang, The Development of Neo-Confucian Thought (New York, 1957-1962 ; 2 vol.). / P. Do-Dinh, Confucius et l’humanisme chinois (Éd. du Seuil, 1958). / D. Lisle, Confucius (Seghers, 1962). / A. Cavin, le Confucianisme (Garnier, 1969).