Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chassériau (Théodore) (suite)

Son génie comme sa vocation sont immédiats. Élevé à Paris dès l’âge de deux ans, il entre à onze dans l’atelier d’Ingres*, qui voit en lui le futur « Napoléon de la peinture », débute à seize ans au Salon de 1836, séjourne à Rome (1840) et voyage en Algérie (1846), connaît des succès mondains et sentimentaux et meurt trop jeune, laissant une œuvre interrompue mais où l’essentiel a pu être dit.

Ce que Chassériau apporte, et que ses contemporains mêmes perçoivent dans son œuvre, c’est une qualité poétique, une nostalgie qui lui sont propres et qui donnent à la tradition ingresque une humanité et une inquiétude nouvelles. Des portraits comme celui de Lacordaire (Salon de 1841) ou des deux sœurs de l’artiste (Salon de 1843) [tous deux au Louvre], par l’importance donnée au regard, brûlent de vie intérieure. Le parti vient certes d’Ingres, mais la complication des accessoires chez celui-ci, la recherche raphaélesque de la plénitude, la hardiesse des accords de couleurs font place chez Chassériau à une simplification des effets, à une austérité qui sont la marque du « primitif » et qui expliquent cette progressive incompréhension entre le maître et son disciple, notée par ce dernier dès 1840.

Portraits, scènes mythologiques, bibliques, médiévales, orientales se rejoignent par cette même priorité donnée au mystère des personnages, plongés dans une réflexion ardente ou mélancolique mais toujours contenue. On a pu dire que Chassériau avait créé un type de femme : Esther se parant (1842, Louvre), Desdémone s’apprêtant à se coucher (1850, Louvre), les princesses Belgioioso (1847) et Cantacuzène (1855) montrent chacune « ...une volupté douloureuse, un sourire triste, un regard mystérieux s’allongeant à l’infini » qui « troublaient » Théophile Gautier.

Cette attention portée au secret des êtres distingue l’orientalisme de Chassériau, moins soucieux de la couleur locale et d’une lumière nouvelle que désireux de retrouver la vie de races nobles, disparues ou déchues mais toujours animées de cette fierté barbare que respirent ses héroïnes antiques. On comprend que Chassériau ait pu être un des grands peintres religieux de la période. Face à son condisciple Hippolyte Flandrin (1809-1864), les leçons du préraphaélisme le conduisent à un art non plus irénique et hiératique, mais capable de traduire le mystère de l’appel à la vie religieuse (Vie de sainte Marie l’Égyptienne, église Saint-Merri à Paris, 1841-1843) ou le drame de la Rédemption (Descente de Croix de Saint-Philippe-du-Roule, 1854-1856). Avec les fresques de la Cour des comptes, incendiée en 1871, dont seuls quelques fragments ont été tardivement sauvés, Chassériau donne son chef-d’œuvre : une geste opposant Paix et Guerre, un traité du bon gouvernement immédiatement sensible au spectateur par cette humanité donnée à l’allégorie, dont Puvis* de Chavannes retiendra la leçon.

B. F.

 M. Sandoz, Théodore Chassériau. Catalogue raisonné des peintures et estampes (Arts et métiers graphiques, 1974).

châssis

Assemblage métallique destiné à supporter le mécanisme, les roues, la suspension et la carrosserie d’un véhicule.



Évolution d’une formule

En premier lieu, la technique automobile en matière de châssis s’inspira du modèle adopté en construction de voiture hippomobile, c’est-à-dire du cadre rectangulaire composé de deux membrures longitudinales, ou longerons, réunies par des traverses. La résistance de ces assemblages était excellente dans le plan vertical. Avec des planches de 45 × 150 mm, pesant 4,75 kg/m2, le moment résistant était de 1 640 m/kg, alors qu’il n’est que de 1 320 m/kg pour des longerons en acier embouti, de section 45,5 × 115 mm et pesant 7,3 kg/m2. Le matériau de base était alors du bois d’acacia ou de frêne, renforcé par une tôle repliée sur l’assemblage. Mais la fabrication, onéreuse et délicate, fit adopter le tube d’acier doux avec assemblage par colliers et manchons brasés à la forge. La réalisation était difficile, car il fallait un minimum de 25 passages au feu, effectués par des ouvriers spécialisés pour obtenir un treillis tubulaire que l’on rendait plan sur un marbre. La mise au point de la soudure autogène et de la soudure électrique permet à ce procédé de connaître un regain de faveur pour les châssis de voitures de course, mais la série l’avait abandonné. Pour la construction des wagons de chemin de fer, on utilisait des longerons en fer du commerce de grande section constante et à haut module d’inertie à la flexion. Le procédé n’était pas adaptable à l’automobile, car le taux de travail n’est pas uniforme sur toute la longueur du longeron. On avait pensé à employer des tendeurs, dont chaque extrémité était fixée en un point où le moment fléchissant est nul avec interposition d’une contre-fiche au milieu de leur longueur en un point de contrainte maximale. On ne pouvait les employer qu’au droit des essieux, mais, en raison du porte-à-faux dû à la carrosserie qui s’étend de part et d’autre des essieux, ceux-ci sont des points où le moment fléchissant est maximal. Le cadre-châssis n’atteignit sa forme définitive qu’après la mise au point du procédé d’emboutissage des tôles épaisses, et après que l’on eut résolu le problème complexe de la flexion et de la torsion.

Le premier châssis en tôle emboutie, présenté en 1900 par les Forges de Douai, comprenait uniquement deux longerons, formés de profilés en U et réunis entre eux par deux traverses entretoisées. Cette forme, très simple, devait servir de base, pendant plus de vingt ans, à toutes les réalisations de cadre-châssis avec, toutefois, certaines modifications de détail. Un tel assemblage présente de nombreux avantages : compromis favorable entre la résistance de l’ensemble et son poids ; sensibilité très faible à la corrosion garantissant une longévité exceptionnelle au prix d’un entretien minime ; protection contre les chocs, et réparations aisées après accident ; grande facilité d’habillage ultérieur par des carrosseries de styles divers et, surtout, possibilité de résister aux efforts de flexion tout en conservant une marge de souplesse naturelle suffisante pour que l’ensemble puisse absorber les inégalités de la route et subir les vibrations du moteur sans qu’il en résulte de déformations permanentes appréciables.