Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles IX (suite)

 L. Romier, Catholiques et huguenots à la cour de Charles IX (Perrin, 1924). / P. Champion, Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume (Grasset, 1937) ; Charles IX : la France et le contrôle de l’Espagne (Grasset, 1939 ; 2 vol.). / K. Kupisch, Coligny, Eine historische Studie (Berlin, 1951). / G. Livet, les Guerres de religion (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 3e éd., 1970).

Charles X

(Versailles 1757 - Goritz, Autriche, 1836), roi de France (1824 à 1830).



De la cour de Versailles à l’émigration (1757-1814)

L’histoire a d’abord retenu du comte d’Artois (le futur Charles X) les frasques de jeune viveur qui défrayent la chronique des dernières années de la monarchie absolue. Privé de bonne heure de la tutelle paternelle (le Dauphin son père, lui-même fils de Louis XV, meurt en 1765), il reçoit de gouverneurs dévots et de précepteurs rétrogrades un vernis d’éducation intellectuelle, et il est en fait livré à ses caprices.

Avant la Révolution il ne joue qu’un rôle de second plan. Son rang lui vaut d’être désigné à la présidence du deuxième bureau de l’Assemblée des notables (1787-88). Chargé, par son frère le roi Louis XVI, de faire enregistrer les édits réformateurs à la Cour des aides en août 1787, il peut mesurer, par les manifestations d’hostilité dont il est l’objet, l’ampleur de son impopularité. Le comte d’Artois incarne alors la réaction nobiliaire et le maintien des privilèges. Moins avisé que son frère le comte de Provence (le futur Louis XVIII), il croit devoir figurer au premier rang des signataires d’un « Mémoire » des princes du sang adressé au roi en décembre 1788. Les premiers fils de France, porte-parole des intérêts de la noblesse, y fustigent les prétentions du tiers et dénoncent dans les réformes un système d’insubordination. On est loin de l’attitude adoptée naguère par le prince, qui, se piquant de mécénat libéral, accueillait et protégeait Beaumarchais persécuté.

Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1789, il doit fuir et donne le signal de l’émigration. Jusqu’au printemps 1791, fixé au Piémont, il déploie auprès des cours, sans souci des convenances diplomatiques, une intense et vaine activité. L’attentisme prudent des puissances européennes ne voit aucun intérêt à appuyer ses extravagants projets de marche sur Paris ou de démonstrations militaires sur le Rhin. Pour sortir de son isolement, le comte d’Artois devra attendre une aggravation de la situation intérieure française, qui modifiera l’attitude des capitales. Il se voit invité à Pillnitz et participe avec Calonne* aux délibérations d’où sortira la fameuse déclaration (27 août 1791). La guerre saluée avec enthousiasme par les têtes folles de l’émigration ouvre la porte aux initiatives inconséquentes : le prince patronne le manifeste de Brunswick (25 juill. 1792) et conduit la triste équipée de l’armée émigrée jusqu’à Valmy. Le comte de Provence prenant le titre de régent après l’exécution de Louis XVI, son frère devient lieutenant général du royaume (févr. 1793) et, poursuivant sa course obstinée, obtient de Catherine II de Russie des subsides considérables pour financer le débarquement dans l’Ouest. Mais les capacités politiques et militaires du comte d’Artois n’inspirent qu’une médiocre confiance au gouvernement anglais et au comte de Puisaye, responsable des opérations armoricaines. On le tient à l’écart. La courte et stérile expédition qu’il dirige jusqu’à l’île d’Yeu à l’automne 1795 n’infirme guère les jugements que certains milieux émigrés portent sur son sens des réalités. En juin 1795, Louis XVIII est proclamé roi. Désormais s’ouvre pour le comte d’Artois, devenu « Monsieur », une longue période d’inactivité, qu’il consacre seulement à la correspondance avec ses fidèles dans la résidence écossaise d’Holyrood, puis à Londres.


Le règne de Louis XVIII ; le chef des « ultras » (1814-1824)

La campagne de France réveille les espoirs du royalisme. L’heure est venue de sauvegarder les droits des Bourbons, et Monsieur s’y emploie par une succession de démarches auprès des Alliés. Mais, si les efforts personnels du comte d’Artois échouent, les intrigues de Talleyrand, conjuguées aux menées du loyal baron de Vitrolles, aboutissent au protocole de Bar-sur-Aube (mars 1814) : le gouvernement des pays occupés sera remis au roi et l’administration à son frère.

Monsieur entre à Paris le 12 avril et accepte de se voir déférer par le gouvernement provisoire le titre de lieutenant général, en attendant que le roi se soit prononcé sur la forme définitive de la Charte. Une partie subtile s’est en effet engagée entre le Sénat et le gouvernement provisoire, d’une part, et le nouveau souverain, d’autre part, qui pose le délicat problème des prérogatives de l’exécutif et des garanties constitutionnelles. Bien conseillé ou réalisant pour une fois l’importance de la situation, Monsieur fait preuve d’habileté. Il prend l’engagement, au nom de son frère, d’accepter les principales garanties de la Charte, sans préjuger pour cela de l’avenir. Le souverain entend en effet promulguer l’acte en toute indépendance.

Premier personnage de l’État en attendant l’arrivée de Louis XVIII, le comte d’Artois préside le conseil de transition qui, du 17 avril au 5 mai, expédie les affaires urgentes. Écarté à nouveau des responsabilités par l’installation définitive du gouvernement royal et par la défiance qu’il inspire à son aîné, Monsieur devient le chef de l’ultraroyalisme.

Le parti ultra, jailli dans le sillage de la renaissance catholique et du romantisme, voué à la défense intransigeante des principes traditionnels, constitue alors une force appréciable et cohérente. Il a ses théoriciens (Bonald*) et sa presse (la Quotidienne, la Gazette de France, le Drapeau blanc). Son audience est considérable dans le monde des manoirs, mais son influence doit beaucoup à la sympathie active du clergé, maître du Midi et de l’Ouest profond. On peut même parler d’un véritable groupe parlementaire à la Chambre : les affiliés à l’Association cléricale des Chevaliers de la foi ont un programme et un chef, Villèle. Plus inquiétante encore est la force militaire et électorale que constitue la garde nationale épurée, dont le comte d’Artois, colonel général, nomme les officiers. Monsieur entretient même au pavillon de Marsan un véritable gouvernement occulte et une police parallèle, confiée à Montciel. C’est le « cabinet vert ».