Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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bibliothèque (suite)

En France, la Direction des bibliothèques a créé, en 1945, pour alimenter en livres les zones rurales, les « bibliothèques centrales de prêt » desservant par bibliobus de nombreux dépôts. À l’heure actuelle, cinquante-quatre départements sont dotés d’un service, et le prêt direct apparaît à titre expérimental dans le Pas-de-Calais et le Bas-Rhin. Les progrès sont encore très insuffisants, et la nécessité s’impose de multiplier les bibliothèques fixes. Le nombre des bibliothèques municipales classées (fonctionnant avec l’aide de l’État) continue de croître. Après Tours, où la bibliothèque municipale sinistrée a été remarquablement reconstruite, des villes comme Chartres, Lille, Le Havre, Saint-Dié ont été dotées de bibliothèques modernes avec fonds en accès libre.

La politique d’incitation à la lecture permet d’enregistrer certains progrès : trois cents villes dépensent actuellement plus de 2 F par habitant pour leur bibliothèque. Trop de municipalités cependant n’ont pas pris conscience de leurs responsabilités. Quant à la région parisienne, elle reste encore sous-équipée, bien qu’un effort ait été fait pour la bibliothèque du XVIIIe arrondissement et que la création d’une « bibliothèque des Halles » permette d’espérer qu’une bibliothèque moderne d’information et de rencontre comblera une lacune au cœur même de Paris.

En banlieue, certaines bibliothèques, comme celle de Sarcelles, sont déjà très vivantes, et, en 1970, la bibliothèque d’application de l’École nationale supérieure de bibliothécaires a été ouverte à Massy. Appliquant les normes proposées par l’organisme central devenu la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, les bibliothèques publiques nouvelles assurent la gamme d’activités susceptibles de convenir à toutes les catégories d’usagers (bibliothèques de prêt d’adultes, d’adolescents et d’enfants, salles de travail, discothèques, salles d’exposition, documentation locale, éventuellement réserves d’ouvrages anciens). Elles prennent progressivement conscience de leur rôle dans l’éducation permanente, et l’animation culturelle est à l’ordre du jour. Constatant le retard des bibliothèques françaises, le rapport du groupe d’étude sur la lecture publique a posé, en 1968, les principes d’une politique de la lecture, et le VIe Plan offre une occasion nouvelle de développer la construction et l’équipement des bibliothèques publiques.

Plus complexe, l’évolution des bibliothèques d’étude et de recherche échappe encore dans une large mesure aux données de la prospective.

Dès 1895, la collecte et l’organisation de la « documentation » faisaient, à Bruxelles, l’objet des préoccupations de Paul Otlet (1868-1944) et d’Henri Lafontaine (1854-1943), fondateurs de l’Institut international de bibliographie, dont la Fédération internationale de documentation est l’héritière. On y fit prévaloir des méthodes normalisées (adoption de fiches de bibliothèque 75 × 125 mm, mise au point de la classification décimale universelle). Le développement des sciences et des techniques entraînait la création de bibliothèques et de centres spécialisés, comme par exemple la bibliothèque du musée de l’Homme et, récemment, la maison des Sciences de l’homme, qui offre, sur l’emplacement de la prison du Cherche-Midi, une des réalisations européennes les plus audacieuses dans le domaine des bibliothèques de recherche. Des bibliothèques spécialisées de types divers se sont créées : centres et services de documentation officiels, bibliothèques d’instituts, d’universités, bibliothèques et centres de documentation industriels.

Ces organismes doivent non seulement recueillir, mais aussi exploiter les livres et surtout les périodiques, mémoires et rapports indispensables à l’information scientifique. C’est surtout dans le domaine des sciences exactes que la rapidité et l’exhaustivité de l’information se présentent sous un jour quasi dramatique : plus de 50 000 titres sont répertoriés dans la World List of Scientific Periodicals ; les Chemical Abstracts, qui analysent des articles intéressant les sciences chimiques, publiaient en 1966, pour ce seul domaine, plus de 181 715 résumés.

L’évolution des bibliothèques universitaires, rattachées dès 1945 à la Direction des bibliothèques, est significative. Encore encyclopédiques après la Seconde Guerre mondiale, elles ont éclaté comme les structures universitaires elles-mêmes en collèges universitaires et en sections multiples : Aix-Marseille, par exemple, qui forme une unité administrative, ne compte pas moins de 3 sections scientifiques, chacune pourvue d’une bibliothèque très fonctionnelle. Des secteurs spécialisés en libre accès sont mis en place, dès 1962, dans les constructions nouvelles, avec application de la classification décimale universelle pour le classement des ouvrages et pour les catalogues systématiques. Toutefois, l’orientation actuelle de la recherche, le développement de domaines pluridisciplinaires peuvent entraîner ultérieurement d’autres transformations radicales de la structure des bibliothèques universitaires. En Angleterre, aux États-Unis, en Europe, on prévoit des types de constructions « modulaires », une flexibilité accrue des cloisonnements intérieurs, des dispositions pouvant être très rapidement modifiées afin de prévoir des bibliothèques mieux adaptées aux besoins des chercheurs.

Aucune bibliothèque, si riche et si bien équipée soit-elle, ne pouvant aujourd’hui répondre à toutes les demandes, le recours à l’entraide est de rigueur, et la collaboration s’exerce sur divers plans : emmagasinage de l’information ; recherche de l’information ; accès aux documents. Jusqu’à une époque récente, chaque bibliothèque a tenté de résoudre ces divers problèmes par les moyens traditionnels : catalogues d’auteurs et de matières dits « conventionnels », devenus pléthoriques dans les grandes bibliothèques, acquisition et stockage, dans des locaux généralement insuffisants, de livres, de périodiques et plus récemment de microfilms et de microcartes. Le développement des techniques nouvelles permet désormais de résoudre plus efficacement l’emmagasinage et la recherche de l’information. Ici encore, l’Amérique bénéficie de son avance et de la puissance de ses moyens : dès l’après-guerre, elle entreprenait d’appliquer les calculatrices au traitement de l’information. Peu à peu, l’ordinateur primitivement conçu pour d’autres tâches s’adaptait à la gestion des bibliothèques, mais surtout à la mise en mémoire de l’information préparée (mots clés et indices de classification), et permettait non seulement d’enregistrer, mais de restituer cette information en répondant à des questions précises. Dès 1957, la « Conference on Scientific Information » de Washington se préoccupait des possibilités offertes par les méthodes nouvelles. Une des réalisations les plus significatives concerne la « National Library of Medicine » de Washington, qui traite électroniquement les données de l’information médicale, diffuse une bibliographie courante et met rapidement à la disposition de sa clientèle internationale des bandes magnétiques exploitables par les centres et les spécialistes abonnés.