Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

L’après-guerre


L’évolution des techniques

Les années 1935-1940 tendaient au formalisme : la maîtrise des techniques classiques du béton armé aboutissait à un très rapide enlisement, provoquant des réactions « décoratives » dépourvues de signification profonde. Pourtant, il y a tout un aspect novateur, au seul point de vue technique, dans les productions d’avant guerre. Comme l’a montré Sigfried Giedion, les formes du béton armé se modifient : on abandonne le squelette imité de la charpente traditionnelle au profit des piliers champignons et l’arc au profit de la voûte parabolique. L’œuvre de l’ingénieur suisse Robert Maillart (1872-1940) ou celle du Mexicain Félix Candela (né en 1910) sont tout entières consacrées à l’approfondissement de ces expériences, dont la transposition en architecture est représentée par les piliers des laboratoires Johnson, de Wright, ou par la voûte de la chapelle de Pampulha, due à Oscar Niemeyer (1944).

L’évolution du vocabulaire est donc tout autant une évolution de la technique. On le perçoit dans diverses expériences françaises de construction industrialisée réalisées dans la décennie qui précède la Seconde Guerre mondiale, mais dont les conséquences vont se trouver reportées de plus de vingt ans : la cité du Champ-des-Oiseaux à Bagneux (1932) et celle de la Muette à Drancy (1934), par Marcel Lods (né en 1891) et Eugène Beaudouin (né en 1898), sont réalisées en ossature d’acier avec remplissages en préfabrication* lourde de panneaux de béton armé. En 1935, pour l’école de plein air de Suresnes, puis, en 1937-1939, pour la maison du peuple de Clichy, les mêmes architectes abandonneront la préfabrication lourde au profit des revêtements légers : associés avec Jean Prouvé (né en 1901), ils exécuteront le premier « mur-rideau », en verre et en acier.

Ces expériences, extrêmement novatrices, sont à l’origine de l’architecture des années 50 ; elles échappent entièrement au contexte de l’avant-guerre. Deux tendances, en effet, se partageront le monde après 1945 : la construction métallique — l’âge d’or du mur-rideau — aux États-Unis, la préfabrication lourde en Europe, et particulièrement en France. Les deux formules, d’apparence très opposée, sont issues du même processus d’industrialisation du bâtiment.


L’architecture de verre et d’acier

Le gratte-ciel de verre et d’acier est la grande conquête américaine des années 50. Semblable à celle de l’école de Chicago, l’éclosion du « grand style des années 50 » a été subite : un voyage de Le Corbusier à New York, en 1945, occasion d’un projet (qui sera partiellement suivi) pour le gratte-ciel de l’O. N. U., provoquera l’étincelle nécessaire. Dans le même temps, Ludwig Mies van der Rohe, après l’Institut de technologie de l’Illinois, s’attaque au problème du gratte-ciel : il passera des Lake Shore Drive Apartments de Chicago (1951) au Seagram Building de New York, point d’aboutissement parfait en 1958.

À côté de ces œuvres déterminantes — auxquelles il faudrait encore ajouter le Centre de recherches de la General Motors à Detroit (1950-1955), par Eero Saarinen* (1910-1961) —, la diffusion du style sera facilitée par l’activité de la firme commerciale Skidmore, Owings and Merrill, depuis la Lever House (1952), sur les plans de Philip Johnson (né en 1906), jusqu’à la Chase Manhattan Bank (1960), toutes deux à New York.

La diffusion du gratte-ciel de verre et d’acier s’est limitée en Europe à quelques expériences, les moyens techniques d’une telle réalisation étant difficiles à réunir. Aussi est-ce plutôt dans les années 60 qu’il est transplanté outre-Atlantique : building S. A. S. à Copenhague (1959), par Arne Jacobsen (1902-1971) ; torre Galfa à Milan (la même année), par Melchiorre Bega (né en 1898) ; gratte-ciel Phoenix-Rheinrohr à Düsseldorf (1960), par Helmut Hentrich et Herbert Petschnigg ; tour Nobel à la Défense (Paris, 1966), par Jean de Mailly. La formule européenne du gratte-ciel est beaucoup plus évoluée que l’américaine : aux recherches d’assouplissement du plan, dont témoigne le travail d’Hentrich et Petschnigg, répond l’audacieuse transposition en béton armé tentée pour le gratte-ciel Pirelli de Milan (1958) par Gio Ponti et l’ingénieur Pier Luigi Nervi* (tous deux nés en 1891).


Le logement social

Au gratte-ciel américain s’oppose une expérience typiquement européenne, et particulièrement française : celle du logement social. Les conditions du marché européen, avec les destructions dues à la guerre et l’explosion démographique, imposaient des programmes massifs de logement, à cadence accélérée et sur un long laps de temps. C’est en France, en Grande-Bretagne et en U. R. S. S. que la situation semble s’être trouvée la plus favorable à une initiative publique pour le logement social.

En U. R. S. S., l’industrialisation a été très rapide, mais elle s’est faite au détriment de la qualité architecturale. En Grande-Bretagne, une tradition bien établie dans le domaine de la cité-jardin (Ebenezer Howard) a été à l’origine d’une expérience originale : celle des « villes nouvelles » destinées à la décongestion de Londres.

En France, l’intérêt architectural des immeubles collectifs, réalisés d’une manière assez dispersée, est quelquefois considérable : il n’est que de citer la « Cité radieuse » (1947-1952) de Le Corbusier, à Marseille, pour le constater. Il importe également de mentionner l’activité de l’atelier Georges Candilis-Alexis Josic-Shadrach Woods, auteur de logements sociaux en Afrique du Nord avant de réaliser en France les ensembles très importants de Bagnols-sur-Cèze (1959) et de Toulouse-Le Mirail (depuis 1964).


Un deuxième âge de l’art moderne

Le destin de l’architecture, en dehors de ces deux aspects fondamentaux de l’évolution des programmes et des techniques que représentent le gratte-ciel de verre et d’acier et le logement social, s’est trouvé lié à des expériences certes moins spectaculaires, mais tout aussi profondes.