Suzhou

dite aussi Soochow ou Suchow

Ville de Chine (Jiangsu), sur le Grand Canal, à l'O. de Shanghai.

  • Population pour l'agglomération : 3 248 306 hab. (estimation pour 2010)

GÉOGRAPHIE

Fondée au vie s. avant J.-C., la ville, qui fut, à partir de l'époque Song et jusqu'au xixe s., un centre de lettrés et d'artistes, est parcourue de canaux que traversent de pittoresques ponts, ce qui en fait un grand centre touristique : elle reçoit chaque année environ 10 millions de touristes chinois et plus de 300 000 visiteurs étrangers. Suzhou est également un centre industriel dont les productions comprennent les textiles, la soie, le coton et les broderies, les équipements mécaniques et électroniques et les produits chimiques.

BEAUX-ARTS

Les jardins de Suzhou ne sont pas des jardins impériaux, et leur fonction est différente. Tandis que les premiers étaient une manifestation éclatante du pouvoir des empereurs, qui leur accordaient d'ailleurs une importance telle qu'ils en firent l'art suprême de la civilisation chinoise, les seconds sont plus intimes et participent plutôt des plaisirs simples dont cherche à jouir l'homme lettré et sage, loin de la cour. Témoignages de la philosophie et de la spiritualité chinoises, ils permettent d'approcher l'univers raffiné des grands lettrés où l'architecture s'associait à une nature maîtrisée et conçue comme une œuvre d'art.

L'harmonie exprimée par la nature travaillée à l'extrême de ces jardins repose sur la mise en scène de « montagnes », de « lacs » ou de « fleuves », et bien entendu de végétaux. Le contraste entre la verticalité des montagnes et l'horizontalité des surfaces aquatiques est essentiel dans la composition du paysage. Les montagnes des jardins de Suzhou ne dépassent pas 7 m de hauteur, mais, par contraste avec les eaux qui courent à leur pied, elles semblent massives. Le choix des rochers est fondamental ; les pierres sont souvent extraites du lac Tai, situé au sud-ouest de la ville et dans lequel ou aux alentours duquel se trouvent de nombreux rochers abîmés par l'action des eaux, souvent percés de part en part et striés de profondes entailles. Ce sont ces qualités particulières, ainsi que leur aspect ridé et divers critères de formes, qui ont déterminé leur emploi. L'eau des jardins provient du sous-sol : elle est en effet partout présente dans la ville, les nappes souterraines se rencontrant à trois mètres sous le niveau du sol. Il fallut ensuite canaliser cette eau en des décors sinueux, et placer des ponts sur ces rivières artificielles. Les jardiniers empêchent la propagation des plantes aquatiques s'ils destinent la surface de l'eau à accueillir les reflets des éléments en hauteur du jardin. Enfin, les végétaux sont essentiels, et particulièrement les arbres âgés, comme le gingko biloba millénaire du jardin Liu yuan. On y trouve également des bambous, des bananiers, des fleurs… Enfin, nombre d'ouvrages (pavillons avec ou sans murs, kiosques, ponts…) complètent les paysages.

À partir des divers points de vue conçus par le maître paysager au moyen de palissades ou de murs percés de fenêtres sculptées selon des canons précis, des parcours aménagés permettent d'apprécier la richesse de la construction artificielle ; le promeneur « change de paysage à chaque pas », selon l'un des principes fondamentaux de conception du jardin chinois.

Le Zhuozheng yuan (« jardin de l'Humble administrateur » ou « jardin de la Politique des simples »), au nord-est de la ville, est le plus grand des jardins de Suzhou, avec 52 000 m2. Aménagé de 1506 à 1521, il appartenait à un mandarin renvoyé pour corruption, qui vint chercher là un lieu propice à ses méditations. Il s'inspira peut-être des conseils d'un peintre renommé, Wen Zhengming. Sur une vaste étendue d'eau se trouvent deux îlots montagneux, et un pont corridor couvert de tuiles. Divers pavillons, parfois sans murs, invitent à la contemplation du jardin : « Pavillon où l'on s'arrête pour écouter la pluie », « Pavillon entouré de fleurs et d'oiseaux sauvages », « Retraite à l'ombre des bambous », ...

Le Liu yuan (« jardin Attardez-vous » ou « Jardin persistant ») se trouve au nord-ouest, en dehors de la ville. Construit entre 1522 et 1536, connu tout d'abord sous le nom de Dong yuan (« jardin de l'Est »), il fut agrandi sous les Qing, et s'étend désormais sur 23 000 m2. Autour d'un lac, divers édifices de hauteurs différentes invitent à la promenade méditative, tandis qu'un rocher, le « pic de Guanyin » ou « Pic couronné de nuages » domine l'ensemble. Des gingko biloba couvrent une colline, une autre partie du jardin est plantée de bonsaïs. Le « pavillon des Canards mandarins » est orné de somptueux pavillons de bois sculpté

Le Canglang ting (« jardin du Pavillon des vagues »), d'une superficie d'un hectare environ, fut l'un des préférés de l'empereur Qianlong. Dessiné sous les Song, au xie s., il fut réaménagé en 1873. Autour d'une colline artificielle se dressent divers pavillons reliés par de longues galeries percées de 108 fenêtres ; ces fenêtres (louchouang), souvent « cloisonnées » par des lignes qui dessinent, dans le cadre de l'ouverture, des motifs (écailles de tortue, glace éclatée…), aménagent ainsi le point de vue du promeneur sur telle partie du jardin, et forment des tableaux naturels qui s'apparentent, dans la pensée chinoise, à la peinture de paysage.

Le Wangshi yuan (« jardin du Maître des filets ») date du xiie s., et occupe une superficie d'environ un demi-hectare. Il était alors la retraite d'un lettré cherchant à fuir les sollicitations inopportunes et préférant la compagnie muette des poissons. Plus tard, un important fonctionnaire de la cour de Qianlong en devint propriétaire, et s'y réfugia lui aussi pour fuir les plaisirs mondains. Le jardin comprend divers pavillons propices à la méditation, qui portent les noms évocateurs de « Pavillon pour contempler les pins et goûter la peinture », « pavillon de la Venue de la lune et de l'Arrivée du vent », « salle des Parfums rassemblés »… Du fait de la taille moyenne du jardin, l'ensemble des bâtiments et des plantes sont de dimensions modestes, et c'est l'aménagement général qui procure l'impression d'étendue et d'élégance.

Le Huanxiu (« jardin de la Villa de la montagne étreinte de beauté »), dû à Qing Gu Yliang et à ses disciples, couvre 2 200 m2, et se veut le reflet de l'âme de son concepteur. Une « montagne », qui couvre quelque 500 m2, culmine à 7 m de hauteur ; par son paysage extrêmement sauvage et tortueux, elle parvient, malgré ses petites dimensions, à rivaliser avec la nature. Ce jardin appartint à un académicien royal, Shen Shixing.

Le Canli yuan n'occupe qu'une superficie de 140 m2, mais là encore, l'aménagement permet d'y faire apparaître une mare et une rocaille suggestives au pied d'une colline, ainsi qu'un pavillon au sommet de la colline.