roussette

Roussette
Roussette

Habitant les forêts tropicales, les roussettes volent de nuit pour se nourrir de fruits et de fleurs. Leur famille renferme les plus grandes chauves-souris actuelles.

Introduction

Les chauves-souris, qui forment l'ordre des chiroptères, sont divisées en deux groupes : les microchiroptères (16 familles) et les mégachiroptères (une famille unique, les ptéropodidés). Les premiers sont, comme leur nom l'indique, le plus souvent de petite taille. Les seconds, en accord avec leur nom, rassemblent les plus grandes des chauves-souris, mais comprennent aussi des espèces dont la taille ne dépasse pas celle des microchiroptères. Les mégachiroptères ont de gros yeux et une tête qui rappelle celle du chien ou du renard ; ce faciès particulier leur a valu le nom de « renards volants » (en anglais flying foxes) et de « chiens volants » en allemand (flughunde). En français, on les appelle aussi renards volants, mais plus communément roussettes. Ces chauves-souris  habitent toutes les régions tropicales de l'Ancien Monde, se nourrissent de végétaux (essentiellement de fruits et de fleurs) et, à l'exception de trois espèces du genre Rousettus,  ne pratiquent pas l'écholocation, contrairement aux microchiroptères.

L'histoire évolutive des chauves-souris, assez pauvre en témoignages fossiles, est mal élucidée. Il est généralement considéré que l'ensemble des chauves-souris – microchiroptères et mégachiroptères – descend d'un même ancêtre fossile (origine monophylétique), sans doute un petit mammifère arboricole insectivore ayant développé une membrane faisant office d'aile pour se déplacer d'arbre en arbre en planant. L'hypothèse, avancée au début des années 1990, selon laquelle micro- et mégachiroptères ne seraient pas étroitement apparentés (les microchiroptères ayant évolué très tôt à partir de petits ancêtres insectivores, et les mégachiroptères ayant connu une évolution plus tardive à partir d'une lignée de primates), et que l'adaptation au vol serait survenue indépendamment dans chacun des deux groupes, est aujourd'hui abandonnée.

On estime que la lignée des chiroptères n'est, selon toute probabilité, pas antérieure au paléocène. Les plus anciennes chauves-souris connues (Icaronycteris, Archaeonycteris, Palaeochiropteryx, Hassianycteris), trouvées dans des dépôts géologiques européens et nord-américains, datent de la fin du paléocène ou du début de l'éocène, il y a environ 52 millions d'années. Elles présentent de nombreux caractères les apparentant aux microchiroptères. L'espèce Onychonycteris finneyi, apte au vol – mais aussi sans doute capable de marcher et d'escalader –, ne possède pas d'organe d'écholocation, soutenant l'hypothèse que cette dernière capacité est apparue chez les chauves-souris après l'acquisition du vol.

Quand les mégachiroptères sont-ils apparus et quelle est leur position systématique par rapport aux microchiroptères ? La question reste ouverte. Pour certains auteurs, il s'agirait d'une lignée qui se serait séparée de celle des microchiroptères. Pour d'autres, les mégachiroptères seraient en fait proches de trois familles de microchiroptères (les rhinolophidés, les rhinopomatidés et les mégadermatidés) ; selon cette hypothèse, ils sont placés avec celles-ci dans le sous-ordre des yinptérochiroptères – tandis que tous les autres microchiroptères forment le sous-ordre des yangochiroptères. Archaeopteropus transiens, trouvé en Italie dans des dépôts sédimentaires datant de 35 millions d'années, a longtemps été considéré comme le plus ancien mégachiroptère connu, mais est maintenant classé parmi les microchiroptères.

Aujourd'hui, au sein des mégachiroptères, les genres Rousettus et Pteropus rassemblent les plus grandes des chauves-souris. Ces roussettes vivent exclusivement dans les forêts tropicales, notamment dans les îles de l'océan Indien, de l'Asie du Sud-Est et dans le Pacifique occidental, où elles sont menacées par la disparition de leur habitat.

La vie des roussettes

Des colonies bruyantes agglutinées dans les arbres

Comme toutes les chauves-souris, les roussettes consacrent leur journée au repos et s'activent la nuit. Très sociales, elles forment des colonies, de véritables « camps », de plusieurs centaines, voire de plusieurs dizaines de milliers d'individus. Vivant dans les forêts tropicales, elles gîtent en plein air, dans les arbres, suspendues la tête en bas aux branches supérieures, et restent remarquablement fidèles à leurs lieux de repos.

Les colonies de roussettes sont assez hiérarchisées, et chaque individu occupe au sein de la colonie une position déterminée par son sexe, son âge et son rang.

Une branche selon son rang

Chez la roussette géante Pteropus giganteus, par exemple, les mâles dominants se répartissent dans les branchages les plus hauts, au dessus des autres mâles. Les jeunes non pubères s'installent dans les branches basses et assurent le rôle de sentinelles.

Les femelles sont moins liées à une branche déterminée. Elles peuvent se déplacer dans la colonie d'un jour sur l'autre, particulièrement en période de reproduction. Le rang hiérarchique de la femelle dépend alors de celui du mâle auprès duquel elle est accrochée. Au moment des mises-bas, les futures mères ont toutefois tendance à se rassembler dans les branchages supérieurs, juste sous les mâles dominants.

Dans les régions où les roussettes sont chassées, elles s'établissent dans des secteurs d'accès difficile, les mangroves par exemple. Au contraire, en Inde, les colonies s'installent très fréquemment en pleine agglomération.

Les études menées sur le comportement des roussettes dans leurs camps, notamment chez la roussette géante, en Inde, et chez le renard volant à tête grise (Pteropus poliocephalus), en Australie, montrent qu'une colonie n'est jamais totalement au repos : « caquetages » et « babillages » sont pratiquement permanents. Ces animaux communiquent en effet principalement par la voix, et le répertoire est riche : 22 cris aux fonctions différentes ont été dénombrés chez le renard volant à tête grise. Communication, sommeil et toilette rythment donc cette journée de « repos ». Enveloppées de leurs ailes et suspendues par une patte, les roussettes dorment par épisodes (de 30 à 40 minutes) successifs. Entre chaque épisode, elles entretiennent leur corps en se léchant et en se peignant avec les griffes des orteils.

La « marche pendue »

La « marche pendue »



La roussette est très habile pour se déplacer dans les ramures, adoptant ce que l'on appelle la « marche pendue ». Accrochée par les pieds à une branche, tête en bas, elle progresse en plaçant alternativement un pied devant l'autre. Ce type de déplacement, relativement lent, n'est utilisé que sur de courtes distances.

Plus fréquente et plus rapide, la marche quadrupède lui permet aussi bien de progresser suspendue que de grimper sur un tronc : elle s'accroche au support grâce aux griffes des pouces et des orteils, les ailes repliées contre les avant-bras. Elle peut également grimper, assurant alors la prise avec les deux pouces puis ramenant les membres postérieurs. En revanche, saisir au vol une branche pour s'y accrocher n'est pas toujours aussi aisé.

De longs vols de nuit souvent en groupes

Les roussettes commencent à s'activer dès le coucher du soleil. Une fois réveillées, leur premier souci est de faire un brin de toilette. Puis, vingt minutes environ après la tombée de la nuit, elles partent rejoindre des lieux d'alimentation qui peuvent être éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres du gîte. Des bras de mer sont parfois franchis à cette occasion.

Les départs sont assez synchronisés : une colonie d'un millier de roussettes géantes met un quart d'heure pour quitter le camp. Après avoir pris de la hauteur en tournant une ou plusieurs fois en cercle au-dessus de ce dernier, les chauves-souris s'éloignent par petits groupes dans différentes directions ou, dans le cas de grandes populations, se suivent les unes les autres, empruntant chaque soir le même axe de vol, en longues colonnes qui vont en s'amenuisant.

Le vol des roussettes, avec des battements d'ailes lents et amples, rappelle un peu celui des corneilles. Parfois, elles se laissent porter par des courants thermiques ascendants, et planent. Elles s'abreuvent en cours de route en volant au ras de l'eau et en y plongeant la gueule d'un rapide mouvement de tête. Souvent, elles observent également des arrêts de quelques dizaines de minutes pour se restaurer rapidement. Mais elles peuvent rallier leur objectif d'une seule traite.

Arrivées sur place, les roussettes se posent sur les arbres fournisseurs de nourriture, adoptant des techniques « d'atterrissage » plus ou moins élaborées : soit elles freinent avec les ailes dès qu'elles passent au-dessus d'une branche, l'agrippent de leurs griffes pour finalement basculer en avant, la tête la première, soit elles effectuent en vol, juste devant la branche, un retournement acrobatique du corps, de façon à positionner leurs pieds au niveau du point d'accrochage. Les roussettes peuvent exploiter plusieurs jours de suite une aire d'alimentation restreinte. On a même pu observer un mâle de Pteropus alecto se nourrir vingt-quatre nuits consécutives dans le même arbre.

Entre deux périodes d'alimentation, au milieu de la nuit, la roussette se repose, accrochée dans un arbre qui lui sert ainsi de gîte nocturne. Mais, toute la nuit, elle reste vigilante et défend activement l'arbre, ou la portion d'arbre, dans lequel elle s'alimente. Si un congénère s'approche, elle signale son occupation du « territoire » par des vocalisations particulières, puis par des battements d'ailes et, si besoin est, elle attaque et poursuit en vol l'intrus.

Avant le lever du soleil, les roussettes regagnent le camp, isolément ou par petits groupes. Ces retours sont généralement plus étalés dans le temps que les départs crépusculaires.

Des fruits et des fleurs en abondance

Les roussettes sont phytophages, c'est-à-dire qu'elles se nourrissent uniquement de végétaux. Leur nourriture est, en fait, constituée du jus de fruits divers et variés – les espèces du genre Pteropus en consomment plus de 70 sortes. Les plus appréciés sont souvent ceux que l'homme exploite pour ses propres besoins : banane, papaye, goyave, mangue, sapotille, fruit de l'arbre à pain... Ce qui explique que les roussettes s'installent généralement près des zones cultivées.

Le plus souvent, le fruit est consommé directement sur l'arbre, et l'animal peut éventuellement l'attirer à lui avec son pouce. À chaque bouchée, il presse vigoureusement la pulpe contre son palais avec sa langue et avale le jus. Il absorbe également la pulpe lorsqu'elle est très molle, comme celle de la banane par exemple. Les matières solides, fibres et grosses graines sont recrachées sous la forme de boulettes.

Les roussettes se nourrissent aussi de nectar et de pollen, qu'elles recueillent en léchant ou en mâchant des fleurs. Celles de manguier, de fromager et d'eucalyptus sont particulièrement appréciées. Certains Pteropus mâchent aussi des feuilles pour en extraire le jus ou lèchent le miellat recouvrant les feuilles des figuiers parasités par des cochenilles. Tous ces aliments sont facilement assimilables et le transit intestinal est rapide, quelques dizaines de minutes.

Le régime alimentaire des roussettes varie considérablement selon les espèces et les régions où elles vivent. En Australie, par exemple, elles se nourrissent surtout de fleurs d'eucalyptus. Peu de plantes produisant des fruits ou des fleurs à longueur d'année, le régime d'une espèce donnée change en fonction des disponibilités alimentaires.

Une naissance des plus acrobatiques

Chez les chauves-souris tropicales, l'époque des naissances est étroitement liée aux variations saisonnières des ressources alimentaires. En effet, pour que les jeunes puissent être nourris convenablement, les naissances ont souvent lieu au printemps, soit de mars à mai dans l'hémisphère Nord et en septembre ou en octobre dans l'hémisphère Sud. En Inde, par exemple, les jeunes de la roussette géante naissent au début du printemps (mars), moment de l'année où la plupart des arbres sont en fleurs. En Australie, la femelle du renard volant à tête grise met bas en septembre-octobre, et la floraison des eucalyptus culmine d'octobre à janvier. L'élevage des jeunes coïncide ainsi avec une période d'abondance, quel que soit l'hémisphère où il a lieu.

Chez le renard volant à tête grise, le mâle est monogame tant que sa partenaire est accompagnée de son jeune de l'année précédente, mais s'intéresse à plusieurs femelles à la fois si elles sont sans descendance. En mars et avril, il recherche une compagne en flairant et en léchant la région génitale des femelles.

Au cours de l'accouplement, qui a souvent lieu au gîte diurne et, parfois, au gîte nocturne, le mâle enserre de ses ailes celles de la femelle, dont il agrippe la nuque avec sa gueule. Puis, après la copulation, chacun procède à une toilette individuelle.

La mise-bas se produit de cinq à six mois plus tard selon les espèces. Les naissances dans une même colonie ont pratiquement toujours lieu en même temps, alors que les accouplements s'étalent sur une plus longue période : cette synchronisation pourrait s'expliquer par l'existence d'un délai de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, entre le moment où les spermatozoïdes sont déposés dans l'appareil génital de la femelle et celui de la fécondation proprement dite.

Une naissance aérienne

Chaque femelle donne en général naissance à un seul petit. Pour le mettre au monde, sa mère se tient pendue par les pattes postérieures, parfois également par un pouce, et se lèche régulièrement. Une heure après les premières contractions, l'embryon commence à sortir la tête la première, les ailes repliées autour de celle-ci : une fois les épaules dégagées, la mère lèche vigoureusement le petit et l'expulse après une violente contraction. Fermement maintenu par la gueule et les ongles d'un pied de sa mère, le nouveau-né est guidé vers une mamelle. Puis la femelle le toilette et, seulement ensuite, coupe le cordon ombilical en le mordillant, et mange le placenta.

Vingt petites dents de lait effilées et crochues

D'un poids sensiblement égal au dixième de celui de sa mère, le jeune du renard volant à tête grise est, à sa naissance, recouvert de poils, sauf sur la partie ventrale ; ses yeux sont ouverts, ou s'ouvriront rapidement dans les jours qui suivent. Il possède déjà 20 petites dents de lait effilées et crochues qui, associées à des ongles crénelés, lui seront fort utiles pour rester fermement agrippé à sa mère en toutes circonstances. Car, au cours des trois premières semaines de son existence, celle-ci le porte constamment et l'emmène avec elle lorsqu'elle part à la recherche de la nourriture. Ensuite, le petit renard volant, plus autonome, reste au camp avec les autres jeunes, jusqu'à ce qu'il soit capable de voler, vers l'âge de 3 mois. Quand sa mère revient à l'aube, elle pousse des cris de « recherche » pour reconnaître son petit, et celui-ci répond alors par des cris de « localisation ». Une reconnaissance olfactive achèvera les retrouvailles.

Dès qu'il est sevré, vers 4 mois, le renard volant à tête grise rejoint les jeunes de son âge, à l'écart des adultes. Ces jeunes occuperont leur temps à jouer, imitant les adultes et mimant leurs comportements d'agressivité ou de reproduction. C'est probablement dans ces occasions que s'établit la hiérarchie entre les jeunes mâles. Ils atteignent leur maturité sexuelle à 18 mois (mâles comme femelles) et pourront alors gravir les échelons de la hiérarchie, c'est-à-dire monter aux branches supérieures.

Pour tout savoir sur les roussettes

Roussette géante (Pteropus giganteus)

La roussette géante est l'une des plus grandes chauves-souris du genre Pteropus. Comme toutes les autres roussettes, sa tête rappelle celle d'un chien ou d'un renard aux oreilles simples et relativement petites, au museau effilé et aux gros yeux assez proéminents. Couvert de poils brun sombre, le corps est étroit, la queue absente, et le deuxième doigt est muni d'une griffe. Sur les épaules, une collerette de longs poils fauves accentue la ressemblance avec un renard. Les ailes, très particulières, sont la conséquence d'un allongement considérable des os de la main et du développement d'une double membrane cutanée ; leur structure est donc très différente de celle des ailes des oiseaux. La membrane qui relie les doigts assure la propulsion, et la portion de membrane entre le cinquième doigt et le corps garantit la portance. Mais, relativement courtes et larges, avec une forte charge alaire, ses ailes ne permettent pas aux Pteropus de voler vite et très longtemps. Cette adaptation au vol se traduit également par des particularités morphologiques. Les muscles en rapport avec les membres supérieurs, dont le rôle est d'assurer le mouvement des ailes, sont beaucoup plus développés que ceux des membres inférieurs.

En vol, la physiologie de l'animal se transforme considérablement : le rythme cardiaque double (de 250 à 500 battements à la minute), la fréquence des mouvements respiratoires passe de 90 à 150 par minute, la consommation d'oxygène, calculée sur un déplacement à 25 km/h, est 11 fois plus élevée que chez le même individu au repos. Les roussettes possèdent au niveau du talon une expansion cartilagineuse, appelée « éperon », qui sert d'armature à une membrane peu étendue reliant les deux jambes. La faible surface de cette membrane interfémorale réduit les performances en vol, mais facilite les déplacements de branche en branche.

Grâce à ses gros yeux particulièrement bien adaptés à une vision crépusculaire, la roussette s'oriente aisément en vol.  Des expérimentations en laboratoire ont montré qu'en cas d'obscurité complète ou si elle a les yeux masqués, elle est incapable de voler. L'ouïe est fine. Les oreilles, très mobiles, s'orientent rapidement vers les sources sonores et distinguent parfaitement, au repos, les bruits « alarmants » des bruits ordinaires qui laissent les animaux indifférents. Toutes les roussettes sont particulièrement sensibles aux craquements, annonciateurs d'éventuels intrus.

Enfin, comme chez tous les mammifères, l'odorat tient une place importante dans la vie de la roussette. De chaque côté du cou, on trouve des glandes ovales, beaucoup plus développées chez les mâles que chez les femelles. Leurs sécrétions rougeâtres et huileuses sont à l'origine de la couleur jaune-orangé de la « crinière » du mâle. Elles permettent aux individus de se reconnaître par reniflement mutuel, et servent peut-être à « marquer » le territoire, les mâles frottant parfois le côté de leur cou contre les branches.

Comme toutes les chauves-souris (et comme tous les mammifères), la roussette géante est homéotherme, c'est-à-dire que la température de son corps est constante ; elle est toujours comprise entre 37 °C et 38 °C. Ses ailes sont d'un précieux secours pour lutter contre les refroidissements (hypothermie) ou les réchauffements (hyperthermie) excessifs. Lorsque la température est basse, l'animal s'en enveloppe complètement.

La roussette géante a également la faculté de pouvoir limiter la quantité de sang qui circule dans les membranes alaires. En cas de fortes chaleurs, elle compense son incapacité à transpirer en mouillant son corps de salive, voire même d'urine ; l'évaporation qui en résulte lui apporte une fraîcheur superficielle.

          

ROUSSETTE GÉANTE

Nom (genre, espèce) :

Pteropus giganteus

Famille :

Ptéropodidés

Ordre :

Chiroptères

Classe :

Mammifères

Identification :

Grande chauve-souris sombre de 40 à 50 cm, sans queue, avec des gros yeux et un museau de chien

Envergure :

1,40 m environ

Poids :

800 g environ ; femelles plus légères

Répartition :

Inde, Népal, Bangladesh, Sri Lanka, Pakistan, Chine, îles Maldives et îles Andaman

Habitat :

Régions boisées, souvent avec une grande étendue d'eau à proximité

Régime alimentaire :

Fruits mûrs, pollen, nectar

Rythme d'activité :

Essentiellement nocturne

Structure sociale :

Grégaire, forme des colonies mixtes toute l'année

Maturité sexuelle :

Probablement 18 mois

Saison de reproduction :

Mise-bas une fois par an, en février-mars en Inde et en mai au Sri Lanka

Durée de gestation :

De 140 à 150 jours

Nombre de jeunes par portée :

1 ; 40 cm d'envergure et 80 g à la naissance

Longévité :

31 ans et 4 mois (en captivité)

Effectifs :

Inconnus ; globalement en diminution

Statut :

Espèce non menacée (statut sur la liste rouge des espèces menacées 2008 : « préoccupation mineure »)

 

Signes particuliers

Griffes

Chaque pied possède cinq orteils de taille semblable, pourvus de griffes particulièrement développées. Comprimées latéralement, crochues et acérées, elles sont indispensables à l'animal dès son plus jeune âge pour s'agripper à sa mère. Pour rester suspendu par les pieds pendant de longues heures, la roussette géante dispose d'un mécanisme d'accrochage automatique qui ne lui demande aucun effort musculaire. Le tendon rétracteur des griffes se bloque de lui-même dans une gaine membraneuse, sous l'effet du propre poids de l'animal. Ce système est si efficace qu'un individu mort reste suspendu à son support !

Œil

De taille importante, les yeux des roussettes sont bien adaptés à une vision nocturne. La rétine est uniquement composée de bâtonnets, cellules photosensibles qui ne permettent pas la vision des couleurs, mais facilitent la vue en lumière atténuée. De 20 000 à 30 000 papilles coniques minuscules augmentent la surface de la rétine.

Membres postérieurs

L'adaptation au vol a entraîné des modifications des membres postérieurs : au niveau de la hanche, la jambe est tournée de telle manière que les genoux ne fléchissent pas vers l'avant mais vers l'arrière, et que la plante des pieds soit tournée vers l'avant. Cette disposition est liée à la présence de la membrane alaire, ou patagium, qui est également attachée aux membres postérieurs.

Aile

L'aile des roussettes est composée d'une armature relativement rigide et d'une surface portante. L'armature osseuse du membre antérieur (bras, avant-bras, main) se caractérise par l'allongement du radius et surtout des métacarpes et des phalanges, sauf ceux du pouce. Le cubitus, quant à lui, est très réduit. La surface portante est une membrane double (appelée aussi patagium) et souple, assez résistante malgré son apparente fragilité. Elle est due au développement, à partir des flancs, de minces replis de peau nue. Entre les deux couches de peau court tout un réseau de fibres musculaires, de fibres élastiques et de nombreux vaisseaux sanguins qui peuvent être dilatés ou contractés selon les besoins, et même obturés par des sphincters. En cas de déchirure, le patagium se cicatrise très rapidement.

Les autres mégachiroptères

Les ptéropodidés constituent l'unique famille du sous-ordre des mégachiroptères. Elles comptent autour de 165 à 170 espèces regroupées en 42 genres. Les membres de cette grande famille se rencontrent exclusivement dans les régions tropicales et subtropicales de l'Ancien Monde, de l'Afrique, à l'ouest, jusqu'aux îles Carolines et aux îles Cook, dans le Pacifique, à l'est. Les ptéropodidés sont particulièrement bien diversifiés dans les régions orientales et australes, où se rencontrent 70 % des espèces. Les grands yeux bruns, les oreilles petites et simples, le museau d'aspect canin constituent autant de traits communs et permettent de les identifier aisément.

En dépit de leur nom, les mégachiroptères ne sont pas tous de grande taille. Alors que les plus gros individus de la roussette géante, Pteropus giganteus, atteignent facilement 1,6 kg, les plus petits, comme Balionycteris maculata et Macroglossus minimus, ne pèsent que de 10 à 15 g. Tous sont phytophages et se nourrissent de fruits, de nectar et de pollen.

Roussette paillée africaine (Eidolon helvum)

Identification : de 15 à 20 cm pour 80 cm d'envergure et un poids de 250 à 350 g ; pelage fauve avec un collier de poils jaune-orangé, plus nettement marqué chez les mâles.

Répartition : forêts pluvieuses et savanes d'Afrique tropicale, du Sénégal à l'ouest jusqu'à l'Éthiopie à l'est et, au sud, jusqu'à l'Afrique du Sud ; extrême sud-ouest de la péninsule Arabique.

Structure sociale : espèce arboricole, grégaire et commune, sauf en forêt primaire ; colonies atteignant le million d'individus, dans de grands arbres. Cette espèce peut constituer des groupes compacts d'une dizaine d'animaux.

Comportements : après la fécondation (avril-mai en Ouganda), début de développement embryonnaire pendant quelques jours, qui s'interrompt pendant environ 5 mois et ne reprend qu'au moment de l'implantation dans l'utérus, en octobre. Naissances en février-mars, au début de la saison des pluies.

Roussette paillée malgache (Eidolon dupraenum)

Identification : ressemble à la roussette paillée africaine, dont elle a longtemps été considérée comme une sous-espèce.

Répartition : endémique de Madagascar.

Hypsignathe (Hypsignathus monstrosus)

Seule espèce du genre Hypsignathus.

Identification : de 20 à 30 cm ; c'est le plus gros chiroptère d'Afrique avec une envergure proche du mètre ; pelage brun-gris, plus pâle sur le ventre, tache blanche à la base de chaque oreille. Mâles : grosse tête carrée, museau enflé avec des expansions cutanées. Voix très puissante (larynx hypertrophié et présence de sacs vocaux). Femelles beaucoup plus petites, museau fin.

Répartition : forêts équatoriales marécageuses, de la Gambie au Kenya.

Comportements : l'espèce gîte dans les feuillages des arbres, isolément ou en petits groupes d'une vingtaine d'individus. C'est un des rares mammifères connus pour former des « leks », structures sociales originales. Au Gabon, deux fois par an, aux saisons sèches, les mâles se rassemblent la nuit, sur des sites traditionnels, en assemblées de 20 à 135 individus disposés de façon plus ou moins linéaire. Chaque mâle se cantonne sur un territoire d'une dizaine de mètres de diamètre et émet, de 18 h 30 à 23 h et de 3 h à 5 h, un « chant » claironnant, guttural et rythmé, tout en agitant ses ailes partiellement ouvertes. Les femelles visitent ces assemblées et choisissent un mâle. Seul un petit nombre de mâles sont élus et assurent ainsi la majorité des accouplements.

Pteropus

65 espèces, soit près du tiers des espèces des mégachiroptères.

La roussette de Malaisie (appelée aussi grand renard volant), Pteropus vampyrus, longue de 17 à 41 cm et pesant environ 1 kg, est, avec une envergure pouvant atteindre 1,70 m, la plus grande chauve-souris du monde.

Répartition : îles de l'océan Indien, Asie du Sud-Est, Pacifique occidental.

Roussettes stricto senso (Rousettus)

Dix espèces.

Identification : de 9 à 18 cm ; museau assez long ; queue bien développée ; pelage beige.

Grégaires, elles vivent en essaims dans des cavités souterraines ou des édifices pouvant abriter des milliers d'individus.

Répartition : régions tropicales de l'Ancien Monde, jusqu'aux îles Salomon, à l'est, et à Chypre, au nord.

Comportements : trois espèces utilisent un système d'écholocation. L'animal se repère par rapport à l'écho engendré par la réflexion sur les obstacles de ses propres cris, en partie ultrasonores. Ces cris proviennent de claquements de la langue et non des cordes vocales, comme chez les microchiroptères.

Eonycteris (Eonycteris)

Trois espèces.

Identification : de 8 à 13 cm ; museau allongé, langue très longue, collante, avec une structure « en brosse », molaires réduites et étroites. Pas de griffe au 2e doigt. Queue assez développée.

Répartition : cavités souterraines ; Inde du Nord, Philippines et Célèbes.

Alimentation : nectar, pollen.

Structure sociale : grégaires, les espèces forment des essaims bruyants dépassant parfois les 10 000 individus.

Milieu naturel et écologie

Les roussettes du genre Pteropus occupent exclusivement les forêts tropicales et subtropicales de l'Ancien Monde. Cependant, leur répartition comporte quelques zones d'ombre que les scientifiques n'ont pas encore éclaircies. L'origine du groupe provient sans doute des archipels de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental, où résident plus des quatre cinquièmes des espèces. Le peuplement des îles de l'océan Indien s'est certainement opéré par des vagues de colonisation successives de plusieurs espèces. Mais aucune chauve-souris du genre Pteropus ne peuple le continent africain, alors que plusieurs espèces occupent Madagascar, les Comores et les îles tanzaniennes de Pemba et Mafia. Cette absence est d'autant plus énigmatique que Pemba et Mafia ne sont situées qu'à quelques dizaines de kilomètres du continent.

Se nourrissant et gîtant exclusivement dans les arbres, les roussettes sont étroitement liées aux milieux boisés. Les types de forêts fréquentées sont variés : forêts pluviales, forêts d'eucalyptus, mangroves... La plupart des espèces, comme la roussette géante Pteropus giganteus, s'installent généralement près de grandes étendues d'eau.

Si les roussettes doivent se méfier des grands rapaces, comme les aigles, ou des serpents, notamment le python, elles sont aussi chassées par l'homme comme ravageurs de cultures… mais aussi pour leur chair.

Des pollinisateurs indispensables

L'étude de la forêt tropicale révèle l'extrême interdépendance entre les êtres vivants qui la composent. Les animaux phytophages sont évidemment tributaires des végétaux dont ils se nourrissent, mais ces végétaux dépendent eux-mêmes des animaux pour leur reproduction. Dans ces forêts, les chauves-souris interviennent dans la pollinisation de certaines plantes (dites chiroptérophiles) et participent à la dissémination des graines d'autres, dites chiroptérochores. Entre les végétaux et les chiroptères se sont ainsi établies des adaptations mutuelles étonnantes. Le kapokier et le durian en sont deux bons exemples. Les fleurs de ces arbres tropicaux ont des caractéristiques communes, favorisant leur pollinisation par les chauves-souris, en particulier par les roussettes : ces fleurs ne s'ouvrent qu'en fin de journée et se fanent à l'aube ; elles sont blanches ou rosées et dégagent une odeur forte et aigre de fermentation, ce qui favorise leur repérage pour des animaux nocturnes ; elles sont grandes et bien dégagées du feuillage pour faciliter leur accès ; enfin, elles produisent une quantité relativement importante de nectar.

Selon la saison, les chauves-souris n'exploitent pas les mêmes arbres. Ainsi, dans l'archipel Bismarck, Pteropus conspicillatus et Pteropus hypomelanus visitent les kapokiers en fleur, mais ce sont Pteropus neohibernicus et Dobsonia moluccensis qui en consomment les fruits.

La dispersion des graines par les chauves-souris est doublement avantageuse. Tout d'abord, elle limite les concentrations de graines près de la plante mère, qui attirent les prédateurs et augmentent la compétition entre les animaux. Mais, surtout, elle permet la colonisation de nouveaux milieux. Une étude australienne a mis en évidence le rôle déterminant joué par Pteropus poliocephalus (la roussette à tête grise) et Pteropus alecto dans la dissémination, sur de longues distances, d'arbres et d'arbustes pionniers, acteurs importants dans les premiers stades de régénération de la forêt pluviale. Les fruits de ces végétaux possèdent des graines de quelques millimètres de long, qui sont avalées puis rejetées dans les déjections, tout en gardant leur pouvoir de germination intact. Elles sont disséminées au gré des déplacements des animaux.

Les roussettes et l'homme

Un mets délicat et apprécié

Plus de la moitié des espèces de Pteropus vivent sur des îles de petite taille et sont donc particulièrement exposées au risque d'extinction. Les cyclones, le déboisement des forêts tropicales et la chasse sont autant de menaces pour ces animaux, dont plusieurs espèces sont aujourd'hui protégées.

Victimes de la gourmandise humaine

Dans l'océan Indien comme dans l'océan Pacifique, les roussettes, considérées comme un mets délicat, sont souvent au menu des cuisiniers. Au xixe siècle, le naturaliste français Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, professeur de zoologie au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, connaissant le goût des habitants de l'île indonésienne de Timor pour ces grosses chauves-souris, baptisa l'espèce peuplant cette île Pteropus edulis, littéralement « ptérope comestible » ! Accommodée en rôti ou en civet, en Nouvelle-Calédonie, ou en pâté, comme à Bornéo, la viande de Pteropus s'apparente à celle du lièvre pour les uns, ou à celle du porc pour les autres.

Avant de consommer une chauve-souris, il faut la chasser, et la capture de cet animal volant n'est pas aisée : il est en effet méfiant, et les méthodes traditionnelles se révèlent aussi ingénieuses qu'aléatoires. À Madagascar, les roussettes étaient autrefois capturées en vol dans de grands filets tendus sur leur passage. Dans les îles Samoa, les chasseurs tentaient de les surprendre au cours de leur repas et d'entraver leurs ailes en les frappant avec une longue perche de bambou garnie de rameaux épineux à son extrémité. Les Australiens de la côte orientale enfumaient les colonies de chauves-souris et les assommaient avec leurs boomerangs. Aujourd'hui, le fusil est un moyen beaucoup plus destructeur. Cette consommation, qui ne conduisait jusqu'à présent qu'à des prélèvements locaux et ne perturbait pas l'équilibre démographique des populations, est malheureusement devenue aujourd'hui un enjeu commercial, particulièrement dans certaines îles du Pacifique.

Étant donné la fragilité de ces espèces insulaires, particulièrement exposées en raison de leur aire de distribution limitée et de leurs effectifs réduits, ce commerce a pris des allures de catastrophe. En effet, l'ampleur croissante des destructions a conduit à classer, à partir de 1987, toutes les espèces de Pteropus en Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extionction)). Toute chasse commerciale de ces animaux nécessite désormais l'octroi d'une autorisation, celle-ci étant difficilement délivrée.

Des chauves-souris rarissimes… voire éteintes

La roussette de Rodrigues, Pteropus rodricensis, est une chauve-souris de 250 g en moyenne, qui vit uniquement sur la minuscule île Rodrigues (110 km2), dans l'océan Indien. En 1955, ses effectifs étaient estimés à un millier d'individus ; environ vingt ans plus tard, en 1979, ne subsistaient que 70 spécimens. Un effondrement imputable d'une part à la destruction de son habitat par la déforestation, d'autre part aux cyclones. Devant le risque d'extinction imminent de l'espèce, un projet de reproduction en captivité est alors mis en place par le Jersey Wildlife Preservation Trust et le gouvernement de Maurice (dont fait partie Rodrigues). En 1976, 18 chauves-souris (6 mâles et 12 femelles) sont capturées vivantes et réparties en deux groupes, l'un maintenu en volière à l'île Maurice (8 individus), l'autre à Jersey (10 animaux).

Le maintien puis le développement de ces deux colonies permettent la réintroduction d'individus dans la nature et l'approvisionnement de divers zoos à travers le monde. En dépit d'un sensible accroissement de la population sauvage de roussettes sûr l'île Rodrigues grâce à ce programme, l'avenir de ce chiroptère reste sombre ; l'espèce est en danger critique d'extinction. Non seulement sa localisation est très réduite, mais les forêts n'occupent plus aujourd'hui que quelques pourcents de la surface de l'île. De plus, les tempêtes tropicales, fréquentes dans cette région du monde, ont des effets désastreux sur les chauves-souris Pteropus, car la morphologie de leurs ailes en fait de médiocres voiliers en présence de vent ;celles qui ne sont pas emportées au large par l'ouragan ne peuvent plus se nourrir, les arbres étant dépouillés de leurs fleurs et de leurs fruits. Ainsi, alors que la population sauvage de roussettes de Rodrigues avait dépassé 5 000 individus au début des années 2000 (5 076 selon une étude publiée début 2003), elle a perdu environ 1/5e de ses effectifs à cause du passage d'un cyclone en mars 2003 – en 2006, le nombre total de roussettes de Rodrigues était estimé à environ 4 000.

Pteropus aruensis, endémique des îles Aru, dans les Moluques, est encore plus rare et menacée que la roussette de Rodrigues ; elle est peut-être même déjà éteinte. En effet, aucun spécimen n'a été collecté par des scientifiques ni même observé depuis le xixe siècle ; toutefois, une mâchoire trouvée en 1992 pourrait appartenir à l'espèce. De même, Pteropus tuberculatus, de l'île de Vanikolo, dans le sud de l'archipel des Salomon, pourrait elle aussi ne plus exister (les spécimens connus ont sans doute tous été collectés avant 1930).

Par ailleurs, au moins trois espèces de roussettes insulaires se sont éteintes au xixe siècle (celles de Maurice, de Palaos et de l'île Percy [Australie]). La roussette de l'île de Guam, Pteropus tokudae, s'est éteinte au cours de la seconde moitié du xxe siècle (le dernier spécimen avéré a été tué par un chasseur en 1968).