chouette lapone
L'allure placide et indifférente de la chouette lapone, qui fréquente les forêts et la taïga des régions boréales, cache en fait un redoutable prédateur à la vivacité surprenante.
Introduction
On ne sait pas exactement depuis quand la chouette lapone hante les grandes forêts nordiques de conifères, car aucun reste fossile de l'espèce n'a encore été découvert. Mais les premiers représentants de sa famille, celle des strigidés, ont fait leur apparition voici plus de 20 millions d'années : on connaît notamment des fossiles du genre Strix dès le miocène supérieur.
L'origine des rapaces nocturnes ne fait pas encore l'unanimité. Seuls les liens étroits de parenté unissant tytonidés et strigidés, les deux familles actuelles de l'ordre des strigiformes, sont connus. En revanche, il est impossible de préciser où plongent les racines de leur tronc commun. Selon certains, les strigiformes présenteraient des analogies avec d'autres oiseaux nocturnes, les caprimulgiformes, qui comprennent les engoulevents et les podarges, dont le plumage également velouté leur assure un remarquable camouflage. Mais l'existence de ces liens fait l'objet de controverses.
Les plus anciens fossiles connus de strigiformes, Ogygoptynx et Berruornis, datent du paléocène (54 à 65 millions d'années) ; ils ont été découverts de part et d'autre de l'océan Atlantique, en Amérique du Nord et en Europe. Jusqu'à l'oligocène, il y a 30 millions d'années, plusieurs familles, comme les ogygoptyngidés ou les sophiornitidés, coexistent. Elles sont aujourd'hui éteintes. Du paléocène à l'oligocène, les tytonidés – famille comprenant la chouette effraie – sont les rapaces nocturnes les plus nombreux. Cette préséance cesse pourtant au miocène, quand apparaissent les premiers strigidés. Les chouettes et les hiboux de cette famille se diversifient alors d'autant plus que les espèces de tytonidés diminuent. À l'époque actuelle, les strigidés sont encore nettement plus nombreux que les tytonidés, réduits à une quinzaine d'espèces seulement.
La vie de la chouette lapone
Un habile chasseur, nuit et jour
Comme tous les rapaces nocturnes, la chouette lapone est un prédateur. Elle chasse essentiellement des mammifères, et plus particulièrement des campagnols, l'un des micromammifères les plus abondants des régions subarctiques et arctiques d'Eurasie. D'autres rongeurs, comme les mulots, peuvent également être pris pour proies. En Amérique du Nord, les gaufres – curieux petits rongeurs pourvus d'abajoues et d'énormes incisives – constituent souvent l'essentiel de ses ressources alimentaires. Viennent ensuite des proies capturées au hasard des rencontres, jeunes lièvres, musaraignes ou écureuils. Des oiseaux peuvent compléter ce menu : passereaux ou tétraonidés, tels que les gélinottes ou les lagopèdes.
Postée, à l'écoute des proies
La chouette lapone adopte diverses stratégies de chasse en fonction des nécessités du moment et des conditions météorologiques. Lorsqu'elle chasse pour satisfaire ses propres exigences, elle reste postée, comme figée, sur un perchoir, et guette les bruits et les mouvements. Une fois sa proie repérée, elle plonge rapidement, et en silence.
En période de nidification, la chouette lapone met en œuvre une technique dynamique. Elle sillonne son domaine boisé en se rendant d'un perchoir à un autre, l'œil aux aguets. En revanche, quand les conditions météorologiques se dégradent, elle reprend son attitude postée. À l'occasion de chutes de neige importantes, l'oiseau préfère rester perché plutôt que de voler, augmentant ainsi l'effet de brouillage visuel dû aux flocons. Lorsque la neige cesse de tomber, son ouïe aiguisée lui permet de repérer les rongeurs qui circulent à l'abri sous l'épais manteau neigeux. Après un vol d'élan, elle percute violemment la neige, souvent la tête la première. Dans ce cas, elle s'empare de sa proie à l'aide de son bec, sinon elle utilise ses serres.
Grâce à ses excellentes capacités visuelles, la chouette lapone chasse volontiers à l'aube et en soirée, quand la faible lumière a tendance à défavoriser certaines de ses proies sans la pénaliser elle-même. Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, elle peut chasser en pleine lumière sans être incommodée.
La vision binoculaire
La vision binoculaire
La chouette lapone bénéficie d'une vision binoculaire due à la position frontale des globes oculaires. La conjugaison des champs visuels de chaque œil permet une bonne perception du relief, et donc des distances. En revanche, le champ visuel total est restreint, faible sur les côtés et nul vers l'arrière. Ce handicap est largement compensé par une remarquable mobilité de la tête, capable de pivoter sur elle-même quasiment à 360°.
Une vie paisible sur un petit territoire
La chouette lapone n'est pas une grande voyageuse. Plutôt sédentaire, elle cherche d'ordinaire à s'installer, lorsqu'elle atteint sa maturité sexuelle (vers 4-5 ans), près du secteur où elle a vu le jour.
Une défense très limitée
Dans des conditions normales, la chouette passe l'hiver dans une zone correspondant à peu près au territoire exploité au printemps et en été, pendant la nidification.
Cette sédentarité des oiseaux adultes est très liée au climat et aux disponibilités alimentaires. Dans l'Ancien Monde, les chouettes de Scandinavie sont plus sédentaires que celles de Russie. En Amérique du Nord, les populations du sud-ouest de l'aire de répartition (Californie, Nevada...) paraissent les plus stables.
En fait, il semble bien que le territoire de la chouette lapone, au sens strict du terme, se limite aux abords immédiats du site de nidification et ne fasse pas l'objet d'une défense très active. Selon des études menées dans les années 1980 et fondées sur l'observation directe, ainsi que sur les indications fournies par des émetteurs radio miniaturisés fixés sur quelques oiseaux, les chercheurs canadiens E.L. Bull et M.G. Henjum ont pu noter que la possession et la défense d'un territoire ne sont pas des notions fondamentales chez la chouette lapone. Cela est d'autant plus surprenant que les autres rapaces nocturnes d'une taille comparable se montrent nettement plus territoriaux et plus agressifs contre tout intrus qui s'aviserait de s'installer sur leur domaine. L'explication fournie par les deux ornithologues canadiens repose sur des différences de régime alimentaire. Les grands rapaces nocturnes septentrionaux d'Amérique du Nord s'attaquent, en règle générale, à des proies assez grosses et relativement peu abondantes. Ils se trouvent donc dans l'obligation de régner sur une portion de terrain suffisamment grande qui leur garantit des ressources convenables. Au contraire, la chouette lapone chasse essentiellement des proies de petite taille, des rongeurs aux effectifs importants et faciles à capturer. Dès lors, elle peut, sans en pâtir, supporter la concurrence modérée de quelques congénères.
Un voisinage souvent pacifique
La densité de la chouette lapone est très variable, et se trouve étroitement liée au degré d'abondance des proies. Elle est en moyenne moins élevée en Europe qu'en Asie ou en Amérique du Nord. À titre d'exemple, selon l'ornithologue suisse P. Géroudet, seuls deux nids (distants de 100 km) étaient connus dans le nord de la Suède en 1964, ce que confirme l'ornithologue suédois Risberg, qui précise que le nombre des couples nicheurs potentiels peut être compris entre 0 et 100. En Sibérie orientale ou au Canada, les densités sont plus fortes. Aux États-Unis, dans l'Oregon, Bull et Henjum ont noté jusqu'à huit couples (reproducteurs ou non) ayant occupé sur cinq ans un secteur de forêt d'à peine 30 kilomètres carrés.
Mais cette bienveillante tolérance n'est pas toujours de mise chez toutes les chouettes lapones à travers leur immense aire de répartition. Certaines ont des prétentions territoriales plus affirmées.
Question de déplacements
Question de déplacements
Les ornithologues disposent d'un éventail de termes précis pour qualifier les oiseaux en fonction de leurs mouvements. Les adultes qui ne s'écartent guère de leur secteur de taïga sont dits sédentaires. Les jeunes avant leur maturité sexuelle et leur première nidification sont dits erratiques tant qu'ils se déplacent à la recherche d'un domaine. Enfin, les mouvements fortement irréguliers auxquels se livrent surtout les jeunes oiseaux immatures en cas de disette prolongée sont nommés irruptions.
Des parades longuement chantées
La saison des amours démarre dès le mois de janvier. Le mâle s'efforce de séduire la femelle par des vols de parade lents et onduleux, auxquels se joint parfois sa future partenaire. Particulièrement attentionné, il peut également offrir une proie à sa compagne. Vers la mi-février, le mâle se met à la recherche d'un nid. Il se poste près d'un emplacement éventuel et commence à chanter. Son appel, qui ne porte guère à plus d'une centaine de mètres, se compose de séries monotones d'une douzaine de « hou » graves, dont le rythme va s'accélérant en même temps que le ton baisse. Lorsque la femelle se montre intéressée, elle rejoint le mâle. Dans le cas contraire, ce dernier poursuit sa recherche.
Les couples sont normalement durables.
Un nid chez les autres
Difficile à observer, le déroulement de l'accouplement n'est pas assez bien connu pour qu'il soit possible d'en tirer des conclusions applicables à l'ensemble de l'espèce. En revanche, on sait parfaitement quels sont les critères de choix du nid.
La chouette lapone ne construit pas de nid mais s'adjuge celui laissé vacant par une autre espèce. Situé haut dans un arbre, celui-ci peut être une ancienne aire de rapace diurne (buse, vautour, balbuzard), ou le nid d'un corvidé comme le grand corbeau.
La chouette lapone choisit en principe une construction de branchages assez volumineuse. Mais elle peut aussi se contenter du sommet évidé d'un arbre étêté, voire s'installer sur le sol. Le nid ne possède pas d'aménagement particulier.
Des naissances échelonnées
La ponte peut commencer au début du mois d'avril ; généralement, elle a lieu dans la deuxième quinzaine de ce mois et se poursuit jusqu'au début de mai. Elle compte en moyenne de 3 à 6 œufs, pondus à plusieurs jours d'intervalle. Ce chiffre peut chuter à 1 ou 2 ou, au contraire, s'élever à 9, selon les disponibilités alimentaires. Les échecs – il en existe – se produisent à différents stades. S'ils interviennent peu de temps après la ponte, une seconde ponte, dite de remplacement, peut avoir lieu. Les œufs sont presque sphériques, et d'un blanc immaculé. La femelle assure seule l'incubation. Grâce à son plumage finement tacheté, rigoureusement immobile sur son nid, elle se confond avec son environnement. Ravitaillée par le mâle, elle ne s'accorde que de très brèves pauses, de moins de 5 minutes, et ne perd jamais de vue sa couvée.
L'éclosion intervient, en moyenne, entre le 28e et le 30e jour. Mais, du fait que la ponte se poursuit pendant près de 12 jours et que la femelle commence à couver dès le premier œuf pondu, les écarts de taille entre les poussins d'une même nichée sont très importants. À l'éclosion, et jusqu'à l'âge de 7 jours, les poussins ont les paupières soudées. Leur premier duvet, d'un blanc sale, est ras et clairsemé, laissant deviner la peau rosée. Les oisillons sont alors incapables de se mouvoir.
Des parents exemplaires
La femelle prend grand soin de ses jeunes, qu'elle n'abandonne jamais durant les premiers jours de leur vie. Le mâle est donc en charge du ravitaillement et se livre à de multiples allées et venues pour satisfaire l'appétit des petits. Au début de leur croissance, les poussins reçoivent des morceaux de proie déchirés par la femelle.
Durant cette période d'élevage, les adultes, accaparés par le nourrissage, n'ont guère de temps à consacrer à leur propre alimentation. Il s'ensuit une perte de poids, surtout sensible chez la femelle.
Des oisillons très intrépides
La croissance des jeunes chouettes lapones se déroule par paliers successifs bien définis. Durant les premiers jours, le duvet des poussins est une protection toute relative qui ne permet pas aux petits de se réchauffer par eux-mêmes. Ceux-ci restent donc au chaud, près de leur mère. Au bout de quelques jours, le premier manteau blanchâtre est remplacé par un autre, appelé second duvet. Grisâtre, il est beaucoup plus fourni et garantit ainsi une meilleure isolation. Petit à petit, le disque facial entourant chaque œil se dessine, mais, au lieu d'être à dominante claire comme chez l'adulte, if est gris sombre. Puis apparaissent les plumes de vol, celles des ailes (rémiges) et de la queue (rectrices). Ce ne sont d'abord que des sortes de tuyaux alignés, mais bientôt les plumes en émergent. Enfin, les plumes de couverture (plumes du corps, de la tête, du dessus et du dessous des ailes) poussent à leur tour, masquant progressivement le duvet gris.
Une chute indispensable
Les jeunes quittent le nid avant même de savoir voler. Vers l'âge de trois semaines, en pleine nuit, ils n'hésitent pas à se laisser tomber de plusieurs mètres, sans crainte du vide. Le plus souvent, leur chute est amortie par le sol de la taïga, couvert d'une épaisse couche de mousse et d'aiguilles sèches. Ils ne vont pas plus loin, restant dans les environs immédiats, et se trouvent alors très exposés. D'autant qu'ils signalent aux adultes, par des plaintes appelées « cris de quémandage », leur position exacte pour que ceux-ci puissent venir les nourrir.
Pendant les jours qui suivent, les petits s'essaient à battre des ailes et commencent à voleter. Vers un mois, les jeunes chouettes savent voler mais restent dépendantes jusqu'à 4 ou 5 mois.
Pour tout savoir sur la chouette lapone
Chouette lapone (Strix nebulosa)
Ce grand oiseau gris tacheté de noir possède toutes les caractéristiques des rapaces nocturnes prédateurs. Son plumage duveteux lui assure un vol silencieux, indétectable par ses victimes. Ses serres puissantes sont munies d'ongles arqués et acérés, et garantissent une prise ferme. Enfin, son bec crochu peut, tour à tour, donner le coup de grâce ou déchirer les chairs. La chouette lapone est un des plus grands rapaces nocturnes. Mais son volume n'est qu'apparence. Le plumage masque un corps à la morphologie plutôt délicate. Pour une envergure comprise entre 1,35 m et 1,60 m, cette chouette ne pèse en fait que 845 g en moyenne pour les mâles et 1 140 g pour les femelles.
La silhouette de la chouette est très typique. Elle adopte souvent une attitude dressée, presque verticale. Sa tête, ronde et volumineuse, porte deux grands yeux. L'iris jaune vif confère à son regard une intensité particulière. Les yeux sont placés côte à côte sur le même plan et orientés vers l'avant. Cette disposition permet à la chouette de bénéficier d'une bonne perception du relief par recoupement du champ visuel des deux yeux. Mais ceux-ci ne pivotent pas dans leur orbite. Pour pallier cette particularité gênante, la tête est extraordinairement mobile, elle bascule d'avant en arrière et pivote sur elle-même, la rotation avoisinant 270° grâce à la conformation originale des vertèbres cervicales. La chouette lapone peut ainsi se retrouver avec le bec en haut et les yeux en bas ou bien tourner la tête presque totalement pour regarder derrière elle.
Chaque œil est entouré d'un disque de plumes nommé « disque facial », qui agit comme un réflecteur chargé de diriger les sons vers les cavités auriculaires. Celles-ci, munies de deux « pavillons » de plumes raides et bien serrées les unes contre les autres, sont très ouvertes. Le premier pavillon est placé en avant du méat auditif et le second en arrière. Chacun étant mû par un système musculaire indépendant, la chouette peut choisir de porter son attention sur un son venant de l'avant, de côté ou même de derrière. Dans ce dernier cas, les pavillons arrière sont rabattus pour laisser passer les sons, alors que ceux de l'avant sont redressés afin de les arrêter et de les diriger vers l'oreille.
Le bec est partiellement caché par les vibrisses, courtes plumes raides de la face. Il est assez important et nettement crochu. Les vibrisses ont une fonction sensorielle et permettent à la chouette lapone de localiser facilement des objets très proches. Les chouettes, comme les hiboux, sont en effet hypermétropes : elles distinguent bien les objets éloignés mais ont des difficultés à percevoir ceux qui sont à proximité immédiate.
Chaque patte possède quatre doigts, deux vers l'avant et deux vers l'arrière. Cette disposition, dite « zygodactyle », que l'on retrouve chez quelques autres oiseaux, est idéale pour bien agripper un perchoir ou une proie. La prise des serres est d'ailleurs améliorée par la présence, sous les doigts, de callosités bombées, que l'on appelle les « pelotes », sortes de crampons antidérapants. Les ongles, développés et pointus, sont des armes redoutables dont l'efficacité est renforcée par la pression même des doigts qui provoque rapidement la mort des proies.
Gonflant et épais, le plumage de la chouette lapone offre, à l'évidence, une isolation thermique optimale, car il emprisonne, au niveau du duvet, une couche d'air réchauffé au contact du corps. Ce n'est pas là son seul avantage. Les teintes qu'il arbore assurent un remarquable camouflage. Les plumes n'ont pas une surface lisse mais veloutée, et la partie antérieure des premières rémiges (longues plumes des ailes) est en forme de toutes petites dents de peigne. Ces deux adaptations garantissent un vol silencieux en évitant les sifflements d'air.
La chouette lapone ne possède pas de jabot, puisqu'elle n'a pas besoin de stocker les aliments pour les redistribuer aux jeunes par régurgitation. Les éléments indigestes, non assimilés, sont recrachés par la cavité buccale sous forme de cylindres ovales appelés « pelotes de réjection », et contiennent de précieuses indications pour mieux connaître le régime alimentaire de l'espèce.
CHOUETTE LAPONE |
|
Nom (genre, espèce) : |
Strix nebulosa |
Famille : |
Strigidés |
Ordre : |
Strigiformes |
Classe : |
Oiseaux |
Identification : |
Grand rapace nocturne gris à iris jaune ; tête ronde ; disques de plumes autour des yeux |
Envergure : |
1,45 m en moyenne |
Poids : |
De 645 à 1 900 g |
Répartition : |
Nord de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord |
Habitat : |
Forêts de conifères, pures ou mêlées de feuillus |
Régime alimentaire : |
Surtout petits rongeurs, oiseaux |
Structure sociale : |
Monogame durable |
Maturité sexuelle : |
Entre 2 et 4 ans |
Saison de reproduction : |
De mars à juillet-août |
Durée d'incubation : |
30 jours environ |
Nombre d'œufs par ponte : |
De 3 à 6 |
Longévité : |
6 ans constatés mais en théorie plus élevée |
Effectifs, tendances : |
Effectifs variables ; estimés à 63 000 individus en 2003 |
Statut, protection : |
Préoccupation mineure pour l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) ; espèce inscrite en Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) |
Signes particuliers
Disques faciaux
Constitués par cet ensemble de plumes entourant l'œil, ils sont ornés de cercles concentriques. Le disque facial est composé de plumes dont la structure lâche favorise le passage des sons, et agit à la façon d'un réflecteur, qui guide les ondes sonores vers l'oreille qu'il masque.
Pelotes
Les éléments indigestes des proies sont agglomérés sous forme de pelotes et recrachés par le bec plusieurs fois par jour. Les pelotes de la chouette lapone sont allongées, mesurent environ 65 × 25 mm et contiennent les restes de 2 à 10 proies.
Œil
Le globe oculaire est de forme allongée, presque tubulaire. Cette structure permet un grossissement des images à la manière d'un télescope. Les grandes dimensions du cristallin et de la rétine renforcent la précision de l'image. Les nombreux bâtonnets de la rétine assurent une bonne vision.
Les autres chouettes et hiboux
La chouette lapone appartient à la très grande famille des strigidés qui, avec celle des tytonidés (les effraies), compose l'ordre des strigiformes. Les strigidés réunissent les chouettes et les hiboux. Quelle que soit la famille à laquelle ils appartiennent, les rapaces nocturnes présentent des caractéristiques très homogènes. La famille des strigidés rassemble près de 200 espèces réparties en une trentaine de genres.
Petit duc scops (Otus scops)
Identification : 21 cm ; brun-gris vermiculé et rayé ; iris jaune.
Répartition : niche dans le sud de l'Europe et dans le nord-ouest de l'Afrique.
Petit duc de Gurney ou hibou de Tweeddale (Mimizuku gurneyi)
Identification : très proche du précédent.
Répartition : certaines îles des Philippines.
Statut : vulnérable, effectifs en baisse.
Grand duc d'Europe (Bubo bubo)
Identification : de 62 à 72 cm ; brun roussâtre à beige, larges taches noires ; iris orange.
Répartition : Europe, Asie, nord de l'Afrique.
Grand duc d'Amérique (Bubo virginianus)
Identification : de 43 à 53 cm ; brun-gris rayé ; disques faciaux roussâtres ; iris jaune.
Répartition : Amérique du Nord et Amérique du Sud.
Harfang des neiges (Bubo scandiacus)
Identification : de 53 à 66 cm ; blanc avec marques noires en nombre variable ; iris jaune.
Répartition : régions arctiques.
Kétoupa brun (Ketupa zeylonensis)
L'un des quatre hiboux pêcheurs du genre. Identification : de 54 à 57 cm ; brun et beige, raies noires ; larges aigrettes hirsutes ; iris jaune ; tarses totalement dépourvus de plumes.
Répartition : Moyen-Orient, Inde et Sud-Est asiatique.
Chouette pêcheuse de Pel (Scotopelia peli)
L'une des trois chouettes pêcheuses existantes.
Identification : de 51 à 61 cm ; roussâtre, barres brunes ; iris sombre ; tarses dépourvus de plumes.
Répartition : Afrique subsaharienne.
Chouette à lunettes (Pulsatrix perspicillata)
L'une des trois espèces du genre.
Identification : de 43 à 46 cm ; brun chocolat, ventre blanchâtre, « masque » blanc autour des yeux ; iris jaune.
Répartition : du sud du Mexique au sud du Brésil.
Duc à aigrettes (Lophostrix cristata)
Seule espèce du genre.
Identification : longues aigrettes bicolores.
Répartition : Amérique du Sud.
Duc à crinière (Jubula lettii)
Seule espèce du genre.
Identification : 35 cm environ ; aigrettes frappantes ; ondulations blanchâtres sur la partie supérieure de la tête ; yeux jaunes.
Répartition : Liberia, sud de la Côte d'Ivoire ; centre ouest de l'Afrique.
Chouette épervière (Surnia ulula)
Seule espèce du genre.
Identification : de 36 à 39 cm ; dos brun, dessous gris clair rayé ; longue queue.
Répartition : nord de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord.
Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum)
L'une des treize espèces du genre.
Identification : de 15 à 17 cm ; dos brun, dessous blanchâtre strié de brun ; iris jaune.
Répartition : Eurasie septentrionale.
Chevêchette brune (Glaucidium brasilianum)
Identification : 16 cm environ ; plus rouge que la chouette chevêchette.
Répartition : du Mexique et du Texas jusqu'au sud de l'Amérique du Sud.
Chevêchette nimbée (Xenoglaux loweryi)
Seule espèce du genre.
Identification : encore mal connue.
Répartition : Pérou.
Statut : en danger, effectifs en baisse.
Chevêchette des saguaros (Micrathene whitneyi)
Seule espèce du genre.
Identification : le plus petit rapace nocturne : de 13,5 à 14,5 cm ; dos brun-gris, épaules blanches, ventre pâle, sourcils blancs ; iris jaune.
Répartition : sud-ouest des États-Unis, Mexique.
Chouette bobouk (Ninox novaeseelandiae)
Identification : dos brun, dessous pâle maculé de brun ; iris jaune.
Répartition : Australie, Tasmanie, Nouvelle-Zélande et îles voisines.
Ninoxe rieuse (Sceloglaux albifacies)
Chouette à dos et ventre brun foncé à taches ocre ; disque facial blanc à rayures fines, jadis endémique de Nouvelle-Zélande.
Éteinte au xxe siècle (des observations ont été rapportées jusque dans les années 1960). Seule espèce du genre, désormais éteint.
Ninox papoue (Uroglaux dimorpha)
Seule espèce de ce genre.
Identification : 34 cm ; dos brun, ventre blanchâtre à rayures foncées.
Répartition : Nouvelle-Guinée.
Chouette chevêche ou chevêche d'Athéna (Athene noctua)
L'une des trois espèces du genre.
Identification : de 21 à 23 cm ; dos brun taché de blanc, dessous blanc maculé de brun ; iris jaune.
Répartition : Europe, nord de l'Afrique, Moyen-Orient, Asie.
Chevêche des terriers (Athene ou speotyto cunicularia)
Identification : de 18 à 25 cm ; dos brun-gris taché de blanc, dessous blanc avec écailles brun-gris ; iris jaune.
Répartition : ouest des États-Unis, Floride, Amérique centrale, Amérique du Sud (sauf bassin de l'Amazone).
Chouette hulotte (Strix aluco)
L'une des dix-huit espèces du genre.
Identification : plumage variable, brun, roux ou gris ; iris sombre.
Répartition : Europe, Afrique du Nord, Asie occidentale, Chine, Corée.
Hibou moyen duc (Asio otus)
L'une des six espèces du genre.
Identification : dos brun, dessous beige rayé de brun ; iris orangé.
Répartition : Europe, Afrique du Nord, nord de l'Asie, Amérique du Nord.
Hibou de la Jamaïque (Pseudoscops grammicus)
Une des deux espèces du genre.
Identification : de 30 à 36 cm ; beige maculé de brun ; iris jaune.
Répartition : Jamaïque (endémique).
Hibou des îles Salomon (Nesasio solomonensis)
Seule espèce de genre.
Identification : semblable au hibou brachyote ; pas d'aigrettes ; iris jaunes.
Répartition : uniquement sur les îles Bougainville, Choiseul et Santa Isabel.
Statut : vulnérable, effectifs en baisse.
Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus)
L'une des quatre espèces du genre.
Identification : de 25 à 27 cm ; dos brun taché de blanc, dessous blanc maculé de brun ; disques faciaux blanchâtres ; iris jaune.
Répartition : nord de l'Eurasie.
Milieu naturel et écologie
Occupant la partie septentrionale de trois continents, l'aire de répartition de la chouette lapone est immense. En Europe, en Asie et en Amérique, ce grand rapace aime s'installer dans les zones boisées de conifères et dans les régions de basse altitude ; toutefois, en Amérique du Nord, on le trouve à des altitudes plus élevées, subalpines ou même franchement montagneuses, du moins dans le sud de son aire de répartition, à cet endroit assez étroite. En fait, la chouette lapone est avant tout une espèce de la taïga, cette formation végétale caractéristique qui vient se heurter, dans sa limite septentrionale, à la toundra arctique. Dans l'ouest paléarctique, elle fréquente une taïga composée surtout de pins (Pinus) et de sapins (Abie), mêlés parfois de bouleaux (Betula). En Finlande, l'espèce est souvent associée aux peuplements d'épicéas (Picea). En Amérique du Nord, on la rencontre également dans les formations d'épicéas ou de pins.
Un nid façonné par d'autres
Paradoxalement, la chouette lapone n'utilise pas systématiquement les essences dominantes pour installer sa nichée. Comme elle occupe, dans la majorité des cas, d'anciens nids d'autres espèces, elle doit se plier au choix des occupants précédents. Ainsi, en Sibérie, elle niche souvent dans les peupliers (Populus) ; en Amérique du Nord, dans les peupliers et les mélèzes ; et, en Europe, les nids sont fréquemment situés dans des pins. Mais, quels que soient les arbres concernés, il s'agit toujours d'essences forestières parvenues au stade adulte, qui peuvent offrir des sites de nidification convenables.
Des clairières pour chasser
Les arbres sont essentiels dans l'habitat de la chouette lapone. Mais les zones dégagées lui sont tout aussi indispensables pour pouvoir chasser plus commodément. Ces zones, dites ouvertes, sont en premier lieu des clairières naturelles, des tourbières ou des landes. En Amérique du Nord, c'est aussi ce que l'on appelle le muskeg, formation végétale basse et humide, parsemée de quelques conifères, où domine la mousse. Ce sont également des secteurs dégagés par l'homme : coupes, brûlis, prairies, champs ou friches. La fréquentation de ce type de milieu intervient plutôt dans le sud de l'aire de répartition de l'espèce, ou lors de déplacements erratiques imposés par une recherche de nourriture.
Des proies dont l'abondance est cyclique
Si la chouette lapone est très liée à la taïga, elle l'est aussi à ses proies. Les prédateurs des régions boréales, sous les latitudes élevées, sont souvent en étroite corrélation avec les petits mammifères dont ils se nourrissent. La démographie de ces rongeurs est en effet sujette à des cycles et leurs effectifs sont tantôt très bas, tantôt pléthoriques. Les pics d'abondance reviennent environ tous les trois ou quatre ans. La chouette lapone est soumise à ces fluctuations, sur lesquelles elle calque son propre comportement reproducteur. Que les campagnols abondent, et les couples nicheurs sont nombreux, avec des pontes plus importantes. En Eurasie, si les campagnols se font rares, au point de disparaître pratiquement, les chouettes lapones ne songent même pas à nicher, ou commencent à le faire puis abandonnent. Elles ne pourront en effet ravitailler une nichée dans ces conditions de pénurie. Les effectifs de la chouette lapone sont donc régulés par ceux de ses proies. L'ensemble du phénomène est d'ailleurs bien équilibré : quand la reproduction des chouettes (et celle des autres prédateurs de la taïga) a été faible ou nulle, les petits mammifères restants auront moins d'ennemis à craindre l'année suivante et pourront se reproduire dans de bonnes conditions. L'année d'après, le « stock » reproducteur, bien étoffé, pourra alors amplifier le redressement et offrir une nourriture abondante aux prédateurs.
De rares ennemis
Le manque de proies est en fait le facteur négatif principal que doit affronter la chouette lapone, car ses ennemis ne sont guère nombreux. Les plus agressifs sont souvent les autres rapaces nocturnes, de grande taille, qui peuvent s'attaquer tant aux jeunes qu'aux adultes : la chouette rayée, Strix varia, la chouette tachetée, Strix occidentalis, ou le grand duc d'Amérique, Bubo virginianus, en Amérique du Nord ; en Eurasie, il s'agit du grand duc d'Europe, Bubo bubo. Certains mammifères carnivores arboricoles, le pékan (Martes pennanti) ou la zibeline (Martes zibellina, s'en prennent aux jeunes, particulièrement exposés après avoir quitté le nid.
La chouette et l'homme
Un prédateur protégé
Avec ses ululements nocturnes, ses vols feutrés et ses regards fixes, la chouette a toujours beaucoup inquiété l'homme, qui l'a étroitement associée à la mort et, en conséquence, largement persécutée.
Éternel symbole de la mort
D'une manière générale, les rapaces nocturnes ont été considérés plutôt de manière négative, d'une part à cause de leur mode de vie nocturne et, d'autre part, à cause de leur voix, qui peut paraître inquiétante. En Égypte, le hibou était associé à la nuit et à la mort. On le retrouve aussi en bonne place dans l'écriture hiéroglyphique, où son image aurait comme correspondance phonétique la lettre « m ».
C'est également à la mort qu'était lié le hibou dans la mythologie grecque, puisqu'il était le messager d'Atropos, celle des trois Moires chargée de couper le fil du destin de chaque homme.
Dans la Chine antique, où il occupait une place prépondérante, le hibou était redouté, et l'on craignait souvent son influence néfaste. En revanche, pour les Amérindiens des grandes plaines, il était parfois une entité protectrice œuvrant pendant la nuit. Par rapport au hibou, la chouette n'est guère mieux lotie !
Considérée par les Aztèques comme l'animal symbolisant le dieu des Enfers, elle incarne souvent la mort, tant en Asie que dans le Nouveau Monde, et elle est représentée comme étant la gardienne des sépultures. Sa seule représentation positive est celle qui, dans la mythologie grecque, fait d'elle l'oiseau de la déesse Athéna, le symbole de la sagesse et de la clairvoyance.
Proches des hommes
Les rapaces nocturnes comptent dans leurs rangs quelques espèces commensales de l'homme, c'est-à-dire adaptées à la vie auprès de celui-ci.
En Europe comme en Amérique du Nord, la chouette effraie niche plus souvent dans des granges, des monuments, des greniers ou des ruines que dans des trous d'arbres ou des cavités rocheuses. Toujours en Europe, la petite chouette chevêche s'installe auprès des fermes, dans des trous de murs, ou dans des vergers composés de vieux arbres pourvus de cavités. Ces espèces tirent un immense profit de la pose de nichoirs artificiels. Dans bien des régions, cette aide à la nidification compense la disparition de sites naturels, notamment celle des arbres creux. Malheureusement, ces sites disparaissent aussi : raréfaction des granges, travaux de fermeture des greniers et des clochers, etc.
Exposés à de multiples périls
Outre la déforestation et la disparition des cavités naturelles, les périls affectant les chouettes et les hiboux ne sont que trop nombreux. Certains de ces périls sont liés au mode de vie nocturne de la plupart de ces oiseaux, d'autres sont en relation avec leur position de prédateurs. C'est ainsi que la circulation automobile fait de véritables ravages. Des études ont montré que ce sont, parmi les oiseaux, les rapaces qui paient le plus lourd tribut à la circulation routière et, parmi eux, la chouette effraie, dont les habitudes de vol (entre 1,5 et 3 m du sol) la rendent particulièrement vulnérable aux collisions avec les véhicules. En France, ces dernières représentent 50 % de la mortalité de l'espèce, et il a été estimé qu'en moyenne une effraie meurt chaque année par kilomètre d'autoroute.
Les heurts avec les câbles électriques sont également meurtriers. Dans le midi de la France, par exemple, ceux-ci causent chaque année la disparition de plusieurs grands ducs, une espèce rare et menacée. Entre les années 1950 et 1980, les rapaces, tant diurnes que nocturnes, ont eu à supporter les effets désastreux de l'utilisation des pesticides organochlorés, dont le DDT. Concentrés au long de la chaîne alimentaire, ces produits toxiques aboutissaient aux prédateurs, empoisonnés par leurs proies. On a ainsi constaté une baisse de la fécondité des espèces concernées et une chute parfois inquiétante des effectifs. Avec l'arrêt de l'utilisation des substances incriminées, la situation s'est améliorée et l'on observe une tendance au retour à la normale.
Un autre point positif est la protection légale dont chouettes et hiboux bénéficient depuis plusieurs décennies. Celle-ci a permis, dans plusieurs pays européens, la disparition des chouettes clouées aux portes des granges et la mise à l'index d'un type de piège meurtrier : le « piège à poteau ». À lui seul, cet appareil à mâchoires d'acier, tirant parti de l'habitude qu'ont les oiseaux chasseurs de se poster à l'affût sur les poteaux de clôture, causait chaque année la perte de milliers de rapaces nocturnes et de dizaines de milliers d'oiseaux de proie diurnes. Malheureusement, les chouettes et les hiboux souffrent de la déforestation, qui réduit leur habitat et diminuent les sites de nidification potentiels.