castor

Castor
Castor

Travailleur acharné, organisé, le castor est en perpétuelle activité. Il n'a de cesse d'aménager au mieux son territoire pour y vivre en famille. La qualité de sa fourrure a été la source de ses malheurs. Pourchassé par l'homme, il a été la cause de bien des conflits dans le Nouveau Monde.

1. La vie du castor

1.1. Un grand bâtisseur d'ouvrages aquatiques

Les castors vivent en couple et semblent très fidèles l'un à l'autre. Quatre à huit animaux cohabitent en une colonie : le couple reproducteur et les jeunes des 2 ou 3 dernières portées. Hormis le mâle et la femelle adultes, les aînés ont rarement plus de deux ans. On peut compter jusqu'à trois colonies au kilomètre carré. Mais la moyenne est plutôt de l'ordre de 0,4 à 0,8 colonie au kilomètre carré. Animal semi-aquatique, le castor aménage son espace autour d'un plan d'eau, lac ou rivière assez lente. Son territoire comporte des sites particuliers, comme la plate-forme de repos ou... le réfectoire ! Souvent, au bord des grandes rivières et si la configuration de la berge le permet, le castor ne construit pas de hutte, mais creuse un terrier dont l'entrée est sous l'eau et dont les réseaux souterrains peuvent atteindre 10 m de long ! Se nourrissant essentiellement d'arbres, le castor, lorsqu'il construit sa hutte, choisit de préférence un cours d'eau aux rives boisées, là où l'eau est profonde et tranquille. La hutte, qui repose sur une accumulation de boue et de grosses pierres, est recouverte de branches. Des branchages et de la boue colmatent l'ensemble, qui peut mesurer 2 m de haut, 12 m de diamètre à la base, au fond de l'eau. Le castor y creuse, au-dessus de la surface de l'eau, une chambre intérieure unique, d'environ 2 m de large sur 0,6 m de haut, dont il tapisse le sol de copeaux de bois secs.

Pour transporter facilement les branches et morceaux de bois qu'il débite sur la berge, il utilise les plus petits affluents de son plan d'eau ; et c'est pour les aménager que ce grand bâtisseur construit des canaux, la plus simple de ses réalisations.

Huttes et barrages sont des constructions très élaborées. Le principe est d'assurer une profondeur d'eau suffisante pour stocker la nourriture au fond sans que la glace n'en condamne l'accès et pour maintenir l'entrée de la hutte sous le niveau de l'eau. Ainsi, les provisions, retenues par des pierres, ne gèlent pas et sont facilement accessibles aux castors qui pourront, au cœur de l'hiver, plonger sous la glace depuis leur hutte et y rapporter les branches dont ils se nourrissent. Le barrage s'appuie généralement sur un obstacle naturel : rétrécissement de la rivière, grosse pierre, tronc tombé. À partir de là, les castors apportent les matériaux de construction : grandes branches orientées face au courant, branchages et boue pour colmater les passages de l'eau. Un barrage mesure en moyenne 22,75 m de long, mais certains peuvent atteindre 600 m !

Un territoire marqué et différencié

Chaque famille défend son plan d'eau et ses ressources de nourriture, mâles et femelles marquant le territoire par une sécrétion huileuse produite par des glandes spéciales situées près de l'anus : le castoréum. Reconnu par tous les membres du groupe, il est déposé sur des monticules édifiés à partir de brindilles et de boue. Tout castor étranger qui rencontre une telle balise rebrousse aussitôt chemin.

Un nid à deux niveaux

Un nid à deux niveaux



Le castor adapte son type d'habitation à son environnement. Il peut « faire un nid » dans une grotte, creuser un terrier ou construire une hutte. L'ouverture externe est toujours immergée. À l'intérieur, le plancher d'habitation est au niveau de l'eau. Le castor s'y sèche. Un deuxième niveau est aménagé avec une litière de copeaux de bois et de brindilles sèches qui sert de couche aux animaux. Le castor garde toujours propre et net son intérieur et renouvelle régulièrement le sol du nid avec des copeaux neufs, débités dans la hutte. Une sorte de cheminée, dans les branchages de la voûte, permet l'aération.

1.2. Le meilleur nageur de tous les rongeurs

Avec ses pattes postérieures palmées, sa large queue aplatie et son épaisse fourrure étanche, le castor peut nager sous la glace en hiver, dans une eau proche de 0 °C. Capable de rester aisément 4 à 5 minutes en apnée, le record pouvant aller jusqu'à 15 minutes, il lui arrive de parcourir 750 m sous l'eau sans réapparaître. Son nez et ses yeux affleurent la surface pour respirer et voir sans être vu.

En surface, le castor nage essentiellement avec des mouvements alternés des pattes postérieures. Sa queue lui sert de propulseur en cas de démarrage brusque et de nage rapide. S'il est poursuivi, le castor à la recherche d'un abri peut avancer à la vitesse moyenne de 5 km/h, mais ses vitesses de pointe sont de l'ordre de 2 m/s, soit 7 km/h. En plongée, il utilise sa queue comme un gouvernail de profondeur.

Le castor est certainement le rongeur le mieux adapté physiquement et physiologiquement à la vie aquatique. Pour que l'eau ne pénètre pas lorsqu'il est en plongée, les narines et les oreilles sont obturées par des valvules et ses lèvres peuvent se fermer derrière ses incisives. De plus, une troisième paupière, la membrane nictitante, lui assure une vision claire sous l'eau, tout en protégeant ses yeux. Enfin, grâce à la disposition particulière de la partie postérieure de la langue et de l'épiglotte, il peut fermer son orifice commun bucco-pharyngé et respirer ainsi normalement par les narines en restant la bouche ouverte. Cet atout lui est indispensable lorsqu'il construit un barrage, édifie sa hutte, ou stocke ses réserves.

1.3. Des racines aux feuilles, l'arbre nourrit le castor

Grand amateur de bois, le castor en consomme régulièrement toute l'année, et l'hiver, ses provisions d'écorce et de branches constituent l'essentiel de son menu.

À la belle saison, les repas sont nettement plus diversifiés ! Le castor profite de la croissance végétale pour agrémenter son ordinaire de toutes sortes de plantes terrestres ou aquatiques, comme le nénuphar, les lentilles d'eau et les potamots, ou épis d'eau. Mais  son régime reste basé sur les arbres : érables, bouleaux, trembles et peupliers, avec une préférence pour les saules, car il fait ses délices des nombreux rejets qui vont très vite pousser sur la souche après l'abattage. Attaquant le tronc à hauteur de ses incisives, le castor peut abattre seul un arbre de 12 cm de diamètre en une demi-heure, le découpant en pointe. Pour le castor, tout est bon à consommer sur l'arbre : en été, il se nourrit du feuillage frais, de l'écorce, de la partie vivante du tronc et des grosses branches (le cambium), sans dédaigner pour autant les racines. Dès la fin des beaux jours, une partie de la colonie stocke des branches au fond du plan d'eau. En hiver, ces provisions, maintenues au frais grâce à la basse température environnante, conservent leur valeur nutritive et nourrissent jour après jour toute la famille. Prévoyante, une famille de castors peut ainsi accumuler dans sa réserve près de 80 m3 de nourriture !

Les castors s'activent et se nourrissent toute l'année. Cependant, lors de la période des grands froids, il arrive qu'ils connaissent des phases de léthargie et vivent alors sur leurs réserves graisseuses.

Pour digérer la cellulose, en grande quantité dans son régime alimentaire, le castor possède un, intestin dont le cæcum à trois lobes contient des micro-organismes. Il a également la possibilité, tout comme les lièvres et les lapins (qui ne font pas partie de l'ordre des rongeurs), de consommer des excrétions particulières, vertes et tendres, très nutritives, qu'il va chercher directement à son anus et qui sont le produit d'une première digestion. Malgré cela, le castor n'assimile parfaitement que 32 à 33 % de la cellulose ingérée, ce qui est loin des capacités digestives des autres ruminants. Sa véritable supériorité, en ce domaine, réside plutôt dans sa faculté à assimiler les parties les plus nutritives de tous les bois, parfois très fibreux, qu'il consomme.

Un garde-manger toujours fourni

Un garde-manger toujours fourni



Organisés et prévoyants, les castors accumulent, dans une réserve qui prolonge la hutte, des provisions pour l'hiver. À la fin de l'été, les castors débitent sur la rive les branches des arbres provenant du champ d'abattage, puis en acheminent le bois jusqu'au plan d'eau, isolé du cours du ruisseau par un barrage. Les provisions stockées sont maintenues au fond de l'eau par des pierres. En plein hiver, les animaux en prélèvent quelques branches chaque jour, sans sortir de l'eau, et les consomment dans leur hutte ou au réfectoire.

1.4. Une vie de famille exemplaire

Fidèles et constants, les castors choisissent leur compagnon pour la vie, ce qui est assez exceptionnel pour des rongeurs. Chaque année, généralement en hiver, au mois de janvier ou février, commencent les poursuites et les jeux nuptiaux dans l'eau. Il est difficile de distinguer le mâle de la femelle durant ces courses amoureuses, car ils se ressemblent beaucoup ; mais la femelle, généralement plus lourde que le mâle, domine souvent son partenaire et, comme pour beaucoup d'autres activités de l'espèce, c'est elle qui prend l'initiative. La femelle castor a des cycles d'environ deux semaines durant lesquels elle n'est réceptive que pendant une dizaine d'heures. Après maintes poursuites dans l'eau, les animaux s'accouplent face à face, généralement dans l'eau, et parfois même sous la glace.

Cent à cent dix jours plus tard, au mois d'avril ou de mai, naîtront de 1 à 9 petits castors, la moyenne familiale se situant plutôt aux alentours de 2 à 4 jeunes pour cette unique portée annuelle. Des études ont montré que les familles sont plus nombreuses lorsque les castors habitent une région riche, en trembles notamment, et que la femelle est encore assez jeune.

Des bébés précoces

À la naissance, les petits pèsent environ 500 g et ont les yeux ouverts. Leur pelage, qui varie du fauve au noir, peut présenter toutes les nuances de brun. Chaque jour, dès 4 heures du matin, ils réclament le lait maternel et peuvent téter jusqu'à 9 fois dans une journée qui se terminera pour eux aux alentours de 22 h. À chacun de ces repas, qui durent de cinq à dix minutes, les nouveau-nés assimilent un lait riche en protéines et en matières grasses (le lait maternel des 2 mamelles antérieures est de 50 à 75 % plus riche que celui des deux mamelles postérieures). Ce régime leur permet de prendre rapidement du poids, 10 kg en moyenne au cours de leur première année.

Élevés par des frères et sœurs attentifs

Les jeunes castors grandissent dans un environnement très confortable, ce qui explique leur taux de survie élevé. Toute la famille s'occupe d'eux, les parents comme les grands frères et grandes sœurs des portées de l'année ou des deux années précédentes. Chacun leur apporte de la nourriture lorsque, progressivement, au bout de deux ou trois mois, interviend le sevrage. Et les moniteurs de natation ne manqueront pas ! Le petit castor sait en fait nager très rapidement après sa naissance. Mais son premier poil l'empêche de plonger, et il ne peut franchir le siphon de la hutte pendant les deux ou trois premières semaines.

Tout ce petit monde est fort bavard et les plus jeunes échangent en permanence toutes sortes de cris avec leurs aînés. Il leur arrive même de se chamailler, mais les agressions sont très rares ; chaque génération respecte l'autorité de la précédente.

Deux années s'écoulent ainsi dans la hutte familiale avant que les jeunes partent, au troisième printemps, pour fonder à leur tour une famille. Les jeunes animaux, au seuil de leur maturité sexuelle, parcourent alors en moyenne une vingtaine de kilomètres avant de s'installer. Mais il arrive parfois qu'un castor en quête d'émancipation s'éloigne beaucoup plus, puisqu'on cite le cas d'un animal particulièrement aventurier qui avait parcouru près de 250 km avant de construire son foyer ! Si tout se passe bien, le castor vivra ainsi entre 15 et 20 ans en moyenne, rarement plus, même si on connaît un animal qui, en captivité, a atteint l'âge de 24 ans.

Les petits grandissent vite

Les petits grandissent vite



Le lait de castor contient 67 % d'eau et 33 % de matières sèches, dont des protéines (27,3 %), beaucoup de matières grasses ou lipides (60 %), et, en proportions presque identiques, des sucres ou glucides (6,7 %) et des matières minérales (6,1 %). Cet aliment de départ, très riche, permet aux jeunes castors de grossir rapidement. De 500 g, poids moyen à sa naissance, le petit castor passe à un poids compris entre 6 et 12 kg à l'âge de un an. Si les bébés grossissent même lors de leur premier hiver, les jeunes plus âgés ne grandissent pas, pendant cette saison. Ils ne prennent du poids que de juin à novembre, et cela durant leurs quatre premières années. Ensuite, de 5 à 9 ans, les castors se maintiennent pratiquement à un poids constant, entre 14 et 20 kg, mais certains individus atteignent facilement 30 kg, voire un peu plus !

1.5. Milieu naturel et écologie

Avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, des millions de castors peuplaient ce continent, dont ils ont contribué à façonner le paysage, de l'Alaska au Mexique.

La répartition actuelle de l'espèce américaine est très proche de celle de ses origines, même si les densités de populations de castors sont aujourd'hui nettement inférieures. Pourtant, les choses ont bien changé. Plusieurs de ses diverses sous-espèces géographiques n'existent plus. Dès la fin du xviie siècle, l'espèce avait disparu de la région est des États-Unis et du Canada. Au début du xxe siècle, elle ne survivait plus que dans des zones refuges. Grâce à des mesures de protection et de réintroduction, ces derniers survivants ont pu à nouveau se multiplier. Mais, dans les régions où l'on n'a pas tenu compte de leur répartition naturelle, des sous-espèces initiales ont perdu leur spécificité génétique et ont pratiquement disparu.

L'espèce s'adapte pourtant très bien à des conditions climatiques aussi différentes que celles régnant le long des rives du golfe du Mexique et celles de l'Alaska. En Amérique du Nord, le castor se rencontre du niveau de la mer jusqu'à 3 000 m d'altitude. Au Canada, seuls les Territoires du Nord-Ouest et la pointe nord du Québec n'abritent pas de castors. Aux États-Unis, il est absent de la presqu'île californienne et de celle de Floride, ainsi que des zones arides du Texas, du Nouveau-Mexique et du Colorado. Il est également presque inexistant dans la frange la plus septentrionale de l'Alaska, mais aussi, plus au sud, dans l'Indiana, l'Ohio, la partie orientale du Kentucky et la Caroline du Sud. Si les castors n'ont pas colonisé l'extrême nord de l'Alaska ni la toundra canadienne, cela s'explique par la rigueur des hivers arctiques, la maigre végétation et l'absence de zones boisées. Le même phénomène, mais pour des raisons opposées, limite l'implantation du castor au Mexique, au nord de l'État de Chihuahua, et les empêche de coloniser les rivières de la sierra Madre, trop pauvres en sources d'alimentation.

Le castor modèle le paysage

L'influence du castor sur son environnement est l'une des plus importantes dans le monde animal. Dans tous les milieux qui lui sont favorables, le premier impact du castor concerne son travail de régulation des cours d'eau. Les castors s'installent essentiellement près des rivières dont la pente n'est pas trop forte : dans l'État du Colorado, 70 % des rivières à castors ont une pente inférieure à 6 ‰, et 26 % une pente comprise entre 7 et 12 ‰. Au-delà, le castor ne peut plus installer son territoire. L'aménagement des barrages ralentit le débit des cours d'eau et, lorsque de nombreuses familles se succèdent le long d'une rivière, les crues diminuent d'intensité et l'eau s'écoule plus régulièrement. En aval, les conséquences sur le système écologique sont alors nombreuses : les nappes phréatiques peuvent se reconstituer et la végétation environnante est irriguée naturellement pendant tout l'été. En Louisiane, les castors entretiennent ainsi de véritables clairières artificielles dans les grandes forêts de magnolias ou de chênes d'eau (Quercus niger), favorisant ainsi la diversité des paysages. L'ensemble de la faune sauvage en profite : oiseaux d'eau, poissons, ongulés, lagomorphes ou rongeurs. Peu à peu, les retenues d'eau construites par les castors se comblent avec les alluvions et finissent par se transformer en riches pâturages. Il faut certes de nombreuses générations pour en arriver là, mais les cerfs, wapitis et bisons en profiteront largement, tandis que le castor, lui, devra aller s'installer plus loin.

Écologique sans le savoir

Le travail du castor n'influe pas seulement sur le modelé des paysages. Il joue également un rôle important dans la vie aquatique. Dans les rivières de montagne, son ouvrage accentue la production de plancton, nourriture préférée des truites. Les barrages et retenues d'eau qu'il construit contribuent à relever la température de l'eau en été, ce qui facilite la croissance des poissons, donc le développement des espèces piscivores : hérons et plongeons chez les oiseaux, ou, chez les mammifères, la loutre de rivière du Canada. Ses retenues d'eau favorisent aussi le développement de diverses plantes aquatiques, qui servent de nourriture à divers animaux, dont l'ours.

L'influence bénéfique du castor sur l'environnement ne s'arrête pas là. Il lui est même arrivé de corriger les erreurs écologiques commises par l'homme. Ainsi, au début du xxe siècle, en Alabama et en Géorgie, une mauvaise exploitation agricole des terres avait entraîné une importante érosion des sols. Le travail des castors, dès qu'on les a laissé faire, a permis de stabiliser de nombreuses vallées.

Une proie difficile

Bien que son activité profite à tous, le castor reste une proie potentielle pour de nombreux carnivores. Les loups, parfois les coyotes, s'avèrent être ses pires ennemis. Le castor court le plus de risques dans des zones de végétation clairsemée où il doit s'aventurer loin de son plan d'eau. Pourtant, animal prudent, il s'éloigne rarement à plus de 200 m des berges. Mais il arrive que la recherche de nourriture l'entraîne au-delà. Des études scientifiques pour connaître l'alimentation des loups dans le parc Algonquin, en Ontario (Canada), ont révélé la présence de restes de castor dans 55 % des excréments de loups analysés... Un chiffre élevé qui s'explique par le déclin, durant la même période, des populations de cerfs. En effet, il a été calculé que sur l'île Royale (lac Supérieur), aux États-Unis, célèbre pour ses loups, le castor ne représente que 11 % du régime alimentaire de ces carnivores, qui préfèrent nettement les cervidés et surtout les élans.

L'ours, le lynx, le glouton, voire la loutre affectionnent aussi le castor, mais il n'est pour eux qu'une proie occasionnelle, car difficile à capturer. Le castor, en effet, sait se défendre : ses coups d'incisives sont redoutables ! Si l'ours ou le loup n'ont pas trop de mal à le maîtriser, le coyote ou la loutre s'en méfient. Aux États-Unis encore, le castor peut être parfois victime des mâchoires d'un alligator. Ce dernier a d'ailleurs été réintroduit dans certaines régions du Mississippi pour réguler les populations de castors.

L'appétit de leurs ennemis n'est pas la seule cause de mortalité des castors, qui souffrent aussi parfois de faim ou périssent noyés. Dans la partie nord de leur aire géographique d'implantation (Canada et Alaska), ils peuvent, faute de nourriture hivernale, mourir d'inanition. Leur maintien dans ces régions est conditionné par la durée de la belle saison. Dans toutes les zones montagneuses, il arrive également qu'ils soient victimes des crues et des inondations, assez fortes pour emporter leurs barrages et leurs huttes. Dans ce cas, les animaux sont noyés ou restent prisonniers sous la glace.

Enfin, il ne faut pas oublier que l'homme fut, pendant de nombreuses années, le plus terrible et le plus acharné de ses adversaires.

2. Castor d'Amérique (Castor canadensis)

On l'appelle aussi castor du Canada, et il est d'ailleurs l'emblème de ce pays.

Excepté sa longue queue plate, qui le distingue immédiatement, le castor a une silhouette massive, proche de celle des autres rongeurs. Mais son profil aérodynamique, l'implantation particulière des narines, des yeux, des oreilles presque alignés et placés très haut sur le crâne ne laissent aucun doute sur son milieu de prédilection : l'eau. Grand nageur, le castor progresse rapidement en poussant l'eau vers l'arrière alternativement avec ses longues pattes postérieures palmées. En nage rapide, le castor peut atteindre 7 km à l'heure.

C'est un animal puissant, aux os crâniens solides, et aux fortes mâchoires, où les longues racines des quatre incisives sont bien implantées. Cela lui donne un appui solide lorsqu'il découpe un érable ou même un chêne !

Le castor fait preuve d'une grande dextérité avec ses pattes antérieures pour creuser les canaux ou les terriers, nettoyer son pelage ou porter les aliments à sa bouche. Son habileté est surtout surprenante lorsqu'il fait tourner entre ses doigts une baguette de bois de la taille d'un crayon pour en consommer l'écorce, ou qu'il plie des feuilles trop grandes pour sa bouche. La griffe du premier doigt, plus fine, sert surtout à la toilette de la tête tandis que l'ongle dédoublé des deux premiers orteils sert de peigne pour l'entretien de la fourrure. Celle-ci, objet dé soins constants protège l'animal de l'eau et du froid. Elle est composée de deux types de poils : les poils de bourre, très doux, fins et serrés le long du corps, maintiennent une couche d'air qui l'isole de l'eau ; les poils de jarre, moins denses, sont pratiquement 2 fois plus longs et 10 fois plus épais que les poils de bourre. Cela permet au castor de nager sous la glace en hiver dans une eau proche de 0 °C.

La queue du castor, dont près des trois quarts sont recouverts d'écailles cornées sombres, est unique chez les mammifères. Elle mesure de 25 à 45 cm de long et de 11 à 18 cm de large. Elle permet au castor de se propulser dans l'eau et, sur terre, elle lui sert de trépied lorsqu'il doit se redresser pour couper un arbre ou porter des branches. Enfin, en cas de danger, le castor frappe violemment la surface de l'eau avec sa queue, avant de plonger. Le bruit répercuté agit comme un signal d'alarme et avertit les autres membres de la colonie de la présence d'un ennemi.

C'est le bruit de l'eau qui permet au castor de déterminer la force du courant pour s'orienter au mieux, ainsi que pour déterminer le lieu d'un barrage (là où le courant est le plus fort), ou s'il doit y apporter des aménagements. C'est avec son odorat qu'il reconnaît les limites de son territoire. Chaque territoire d'un groupe familial est en effet marqué par le castoréum, une substance huileuse sécrétée par deux paires de grandes glandes qui débouchent dans l'urètre, puis le cloaque. Le castor tire de multiples informations « en lisant » grâce à son odorat les messages qu'il contient. À terre, où il passe une partie de sa vie, il se déplace dès la fin de l'après-midi d'une marche quadrupède normale. Il peut même galoper, s'il est effrayé, vers son plan d'eau, qu'il rejoindra de toute façon à l'aube pour passer la journée à dormir dans sa hutte.

          

CASTOR D'AMÉRIQUE OU CASTOR DU CANADA

Nom (genre, espèce:

Castor canadensis

Famille :

Castoridés

Ordre :

Rongeurs

Classe :

Mammifères

Identification :

Très gros rongeur, silhouette massive ; queue plate, écailleuse et aux rares poils ; pattes postérieures palmées ; pelage brun

Taille :

Tête et corps : de 60 à 80 cm ; queue : longue de 25 à 45 cm et large de 11 à 18 cm

Poids :

De 12 à 25 kg ; jusqu'à 40 kg ; les femelles sont souvent plus lourdes que les mâles

Répartition :

Amérique du Nord, de l'Alaska au nord du Mexique ; introduit en Argentine (Terre de Feu), Finlande, France, Pologne et Russie

Habitat :

Zones boisées, larges et dégagées, en bordure d'eau

Régime alimentaire :

Herbivore strict (feuilles, rameaux, écorces)

Structure sociale :

Familles monogames, très stables

Maturité sexuelle :

De 1,5 à 2 ans

Saison de reproduction :

Accouplements en hiver, naissances au printemps

Durée de gestation :

De 100 à 110 jours

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 8 ou 9 ; 3 ou 4 en moyenne ; une portée par an

Poids à la naissance :

500 g

Longévité :

De 15 à 20 ans

Effectifs, tendances :

Effectifs inconnus, en augmentation

Statut :

Espèce protégée ; les prélèvements contrôlés sont à nouveau autorisés pour le commerce de la peau

Remarque :

Espèce presque exterminée en 1900

 

Signes particuliers

Dents

Les incisives sont sans doute le plus formidable outil dont dispose le castor. Leurs racines s'enfoncent loin dans le crâne, augmentant encore leur puissance. Les deux incisives supérieures agissent comme des leviers par rapport aux deux incisives inférieures, plus mobiles. Colorées en orange sur leur face externe, elles dépassent généralement 5 mm de largeur chez l'animal adulte. Le castor possède 20 dents, soit 1 incisive, 1 prémolaire et 3 molaires par demi-mâchoire. Comme chez les autres rongeurs, les incisives continuent à croître durant toute la vie de l'animal.

Queue

Au moins deux fois plus longue que large, la queue est recouverte d'un cuir écailleux (parsemé de rares poils) qui protège ses vertèbres caudales. De minuscules vaisseaux sanguins la parcourent en tous sens, les veines plus en surface que les artères, pour éliminer, à travers la peau, l'excès de calories en été ou conserver l'énergie en hiver.

Pattes antérieures

Comme les pattes postérieures, les pattes antérieures sont munies de cinq doigts se terminant par de longues griffes plates ressemblant à des ongles. Les pattes avant sont préhensiles : les quatre premiers doigts s'opposent au 5e doigt pour saisir et maintenir la prise. Des coussinets charnus rendent plus efficace encore cette faculté d'agripper et confèrent une grande dextérité au castor.

Pattes postérieures

La silhouette d'un castor se déplaçant à terre trahit la longueur des pattes postérieures : la tête est en effet nettement plus basse que l'arrière-train. Les pieds du castor peuvent mesurer jusqu'à 20 cm de long ! Ils sont palmés, autre adaptation à la vie aquatique : les cinq doigts sont réunis par une palmure de peau sans poils. Si la queue se combine aux pattes pour les déplacements aquatiques, en temps normal, l'essentiel de l'énergie est fourni par les seules pattes arrière. Les curieux ongles des deux premiers doigts sont dédoublés et adaptés au peignage de la fourrure.

3. Castor européen (Castor fiber)

Pendant longtemps, les spécialistes de la classification n'ont pas fait la distinction entre le castor européen, Castor fiber, et son proche cousin le castor américain (Castor canadensis), mais des études chromosomiques et craniologiques ont permis de mettre en évidence quelques différences. La biologie de ces deux espèces reste très proche.

On a cru pendant longtemps que le castor européen, notamment le castor du Rhône, ne bâtissait pas de hutte. Il s'agit en fait d'une adaptation particulière à son environnement et à la nécessité vitale pour lui de rester très discret : activement pourchassé par l'homme, il préfère les terriers, moins repérables que les huttes. Cependant, diverses études montrent bien que le comportement du castor du Rhône est très semblable à celui de son cousin américain : même goût pour les cours d'eau tranquilles, aux rives dotées d'une riche végétation, même structure familiale, stable et solidement implantée sur un territoire de plusieurs kilomètres, régulièrement balisé de castoréum. Sur les rives du Rhône, outre les saules, bouleaux ou peupliers, le castor profite d'une cinquantaine d'espèces végétales ; il lui arrive même de brouter l'herbe tendre... comme une vache ! Il a pu se maintenir près de ce fleuve très aménagé en profitant des bras morts, laissés à l'abandon, mais bénéficiant d'une végétation sauvage très fournie. L'espèce a, de cette façon, remonté les affluents des deux rives, tant que la pente des rivières ne dépassait pas 1 %, s'installant même dans les gorges calcaires de l'Ardèche et du Verdon, où la construction de huttes ou de terriers est souvent impossible, ou dans des grottes !

L'espèce européenne est cependant moins féconde que l'espèce canadienne. Cinq bébés castors au maximum naissent à chaque portée, alors qu'ils peuvent être 8 ou 9 au Canada. D'une façon générale, le cousin américain semble plus costaud, plus agressif et plus dynamique.

Le castor européen possède un pelage plus clair et la différence de ton entre la tête et le corps est nettement plus marquée que chez le castor d'Amérique. De plus, le castor européen a un poil moins soyeux. L'étude au microscope révèle que les poils de jarre de l'espèce américaine sont très réguliers et cylindriques, alors que ceux de l'espèce européenne ont une forme en fer de lance.

Jadis présent dans toute l'Europe et l'Asie jusqu'en Chine, au début du quaternaire, le castor a été chassé très tôt par l'homme. Dès l'Antiquité, on utilise sa fourrure et on consomme sa viande. Il est aussi capturé pour le castoréum, utilisé dans la pharmacopée et en cosmétique. La chasse intensive débute au Moyen Âge et, dès le xiie siècle, il commence à être moins abondant. Mais c'est surtout aux xviiie et xixe siècles qu'il se raréfie de plus en plus, victime de l'industrie chapelière (on fabrique des toques et des chapeaux avec sa fourrure), et disparaît peu à peu de nombreuses régions d'Eurasie.

En 1900, le castor européen, très menacé, ne subsiste qu'en Allemagne, en France (en Camargue), le long d'une partie du cours de l'Elbe en Europe centrale, en Scandinavie et en Russie centrale. Dans certains pays, en Angleterre, en Suisse et en Hollande, il a totalement disparu.

Au cours du xxe siècle, il bénéficie de nombreux programmes de protection et de réintroduction. En Europe occidentale, l'espèce s'est bien rétablie, notamment dans la vallée du Rhône, sur les rives de l'Elbe et du Danube, ainsi qu'en Scandinavie et en Russie occidentale ; le castor a aussi été réimplanté en Belgique, en Suisse, en Autriche… Mais, même si les destructions directes n'existent plus, les menaces que font peser l'aménagement du milieu (canalisations, constructions de barrages et de digues, aménagements divers des berges) et la pollution restent importantes, et altèrent son habitat. Certaines expériences d'introduction sur le territoire européen du Castor canadensis (Finlande, France, Pologne, Russie), se sont par ailleurs révélées assez catastrophiques : mises en présence, les deux espèces ne se croisent pas. Castor canadensis, à la fécondité plus élevée, colonise plus rapidement les milieux, créant ainsi une compétition écologique défavorable au castor européen, qu'il a tendance à repousser, pour finalement, dans les cas les plus défavorables, prendre sa place.

En Asie centrale et septentrionale, il survit sous la forme de populations isolées, dont la limite orientale de répartition est la Mongolie. La sous-espèce mongole, Castor fiber birulai, et la sous-espèce sibérienne, Castor fiber pohlei, sont très menacées ; Castor fiber tuvinicus, présent en Russie asiatique, est proche de l'extinction.

4. Origine et évolution du castor

Le castor eurasiatique, Castor fiber, et le castor nord-américain, Castor canadensis, sont les derniers représentants d'une des nombreuses familles de rongeurs, les castoridés.

L'ordre des rongeurs est très bien représenté : sur les 5 400 espèces de mammifères décrites, environ 2 000 sont des rongeurs. Parmi les cousins peu éloignés des castors, on trouve les écureuils et les marmottes (famille des sciuridés), leurs deux familles faisant partie du même sous-ordre, celui des sciuromorphes. Apparue au courant de l'ère tertiaire, la famille des castoridés est connue en Amérique du Nord dès le début de l'oligocène – il y a 38 millions d'années –, en Europe à la fin de l'oligocène (il y a 24 millions d'années) et en Asie depuis la fin du miocène (il y a 5 millions d'années).

Différents genres se sont ainsi succédé ou côtoyés : une vingtaine a pu être identifiée, dont certains étaient d'une stature impressionnante : au pléistocène, Trogontherium, en Europe, et Castoroides, en Amérique du Nord, avaient la taille d'un ours noir et pouvaient peser jusqu'à 200 ou 300 kg ! Ces géants ont dû d'ailleurs cohabiter un temps avec le genre Castor, puisqu'il est apparu en Europe il y a entre 3 et 5 millions d'années, avant de s'installer en Amérique du Nord. L'espèce eurasiatique serait donc plus ancienne que l'espèce nord-américaine, mais toutes deux se ressemblent tant que les chercheurs ont longtemps pensé qu'il s'agissait du même animal. Des études génétiques, notamment la comparaison de leurs chromosomes respectifs, ont toutefois confirmé leur distinction.

Aujourd'hui, le castor est le plus gros rongeur de l'hémisphère Nord, avec un poids moyen de 30 kg. Dans l'autre hémisphère, en Amérique du Sud, ce record est battu par le capybara, ou cabiai, un autre rongeur lui aussi semi-aquatique, de 50 kg.

Les castors nord-américains étaient estimés à 60 millions d'individus à l'arrivée des Européens sur cette partie du continent. L'importance déterminante qu'ils ont eue, génération après génération, dans le modelage de nombreuses vallées est un exemple unique chez les rongeurs. Mais leur influence sur ce continent ne s'arrête pas là. Leur fourrure, provoquant bien des convoitises, a été, au xviiie siècle, une telle source de conflits entre les Européens immigrants, Anglais et Français et les Amérindiens qu'elle peut expliquer une partie de l'histoire récente du Nouveau Monde.

5. Le castor et l'homme

Si largement répandu autrefois que nombre de lieux portent encore le nom de « bièvre » qu'on lui donnait au Moyen Âge, le castor reste un des rongeurs les mieux aimés de l'homme. Pourtant, dans les régions boisées, leurs intérêts sont souvent divergents.

5.1. Une recette appréciée : le ragoût de castor

Les textes anciens rapportent nombre de croyances sur la vie du castor. On le considérait alors comme un poisson et certains disaient que l'ouverture de la hutte était prévue pour qu'il trempe sa queue dans l'eau afin d'y respirer ! Catalogué comme poisson par les hommes d'Église, la viande des castors était alors viande « maigre », et par conséquent consommable le vendredi et les jours de carême. De nombreuses recettes pour accommoder l'animal circulèrent dans toute l'Europe, et, encore au xviiie siècle, des moines, près du Rhône, fabriquaient du saucisson de castor garanti maigre !

La viande de castor fait partie des viandes consommées par les Amérindiens des États-Unis et du Canada. Avec un peu plus de 20 % de protéines, elle est comparable aux viandes rouges. Certains ont même essayé le hamburger à la viande de castor ! Mais bien que l'animal soit chassé (la chasse est possible, bien que réglementée), sa viande n'est pas réellement exploitée.

5.2. Bièvre ou castor

Les Grecs Hérodote et Aristote l'appellent kastôr, les Latins antiques Cicéron, Pline ou Juvénal, castor ou fiber. Mais aux premiers siècles de notre ère, il prend le nom gaulois de bebros. Au Moyen Âge, le castor s'appelle bevero en italien, befre en espagnol et bièvre en vieux français. Ce nom est resté à tous les lieux-dits qui étaient autrefois des rivières à castors.

5.3. Une fourrure au centre de toutes les convoitises

Pendant des siècles, la fourrure des castors a été l'intérêt principal de l'homme pour ce gros rongeur. En Europe, la demande a littéralement explosé lors de la découverte des riches colonies de l'espèce nord-américaine et de l'extrême qualité de son pelage. En 1638, un acte du Parlement anglais interdit même l'utilisation de tout autre fourrure que celle de castor pour la fabrication des chapeaux masculins. Et, jusqu'au début du xixe siècle, tout le monde porte un couvre-chef en feutre de castor. Pour alimenter ce marché formidable, l'espèce est décimée sans vergogne. Et, dans le Nouveau Monde, où Anglais et Français s'affrontent au xviiie siècle, la conquête des « arpents de neige » du Canada signifie aussi la maîtrise du commerce des peaux. Les Anglais vainqueurs exterminent les castors.

Alors que les deux espèces manquent de disparaître au début du xixe siècle, le commerce des peaux a aujourd'hui repris en Amérique du Nord, dans d'autres conditions il est vrai. Une meilleure gestion des populations et des politiques de réintroduction, qui ont permis un excellent rétablissement de l'espèce, autorisent en effet l'abattage d'animaux ; de plus, l'exploitation de la fourrure de castor est dépassée sur le plan économique, ce qui allège de façon considérable la pression exercée sur les populations. En Europe, le nombre moindre des castors ne permet pas encore de grands prélèvements, mais le castor européen ne bénéficie pas du même niveau de protection dans tous les pays.

5.4. Une cohabitation parfois difficile

Les intérêts du castor et de l'homme ne vont pas toujours de pair. Lors des divers programmes de réintroduction du castor, en Europe comme en Amérique, le succès de l'opération se mesurait au nombre de plaintes déposées pour des arbres abattus ! La cohabitation n'est pourtant pas impossible et le castor accepte volontiers la présence de l'homme, s'il ne le menace pas. Mais le retour des castors dans des régions fortement habitées n'a pas été sans surprises. Leurs barrages peuvent engendrer l'inondation de cultures, de prairies, voire de routes ; les arbres abattus ne sont pas toujours ceux attendus ; et les ingénieux rongeurs réaménagent parfois à leur manière des ouvrages hydroélectriques ! Dans le sud-est des États-Unis, les dégâts estimés dans l'industrie forestière sont très importants… quoi que les estimations données soient, il faut l'avouer, difficiles à établir de façon objective.

Le problème est similaire avec le castor européen. En France, depuis 1987, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (O.N.C.F.S.) est chargé d'évaluer les dégâts occasionnés par les castors, d'étudier les solutions possibles, mais aussi d'assurer un suivi de l'évolution des populations de castors et de participer au programme de réintroduction — qui a commencé dans les années 1970. Le castor est présent aujourd'hui notamment le long des berges du Rhône et de ses affluents, dans le sud-est du Massif central, le long des fleuves côtiers du Languedoc, dans le bassin de la Loire et en Alsace. Des difficultés surgissent dans des zones d'arboriculture intensive, comme les vallées de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, de la Drôme, du Gard, de la Savoie et du Vaucluse. Les dégâts constatés, dont l'essentiel survient dans un rayon de 30 m autour des berges, concernent les arbres, et dans une proportion importante, des arbres fruitiers. Les dommages causés aux arbres sont constitués de branches basses coupées, d'arbres abattus ou, moins fréquemment, d'écorçage sur pied. La moitié des problèmes survient le long des cours d'eau de moins de trois mètres de large, qu'il s'agisse de ruisseaux, de fossés de drainage et de canaux d'arrosage ou d'irrigation. La solution la plus simple consiste à prélever quelques castors pour les déplacer et repeupler d'autres régions. Il est également possible de barrer, un peu en aval, le canal conduisant les castors aux arbres à protéger. De même, poser un grillage de 80 cm de haut sur 25 m de long sur chacune des deux rives du cours d'eau, empêchera les castors, trop prudents pour marcher si longtemps, d'atteindre les arbres.

5.5. La fièvre des castors

Il est un parasite que le castor peut transmettre à l'homme. Responsable de la giardiase, Giardia lamblia est un protozoaire présent dans l'intestin de plusieurs espèces de mammifères. La transmission se fait par l'eau. Cette infection, relativement bénigne, inquiète surtout les campeurs nord-américains. De peur d'attraper la fièvre des castors, ou beaver feaver, ils ne partent jamais sans des consignes précises pour décontaminer l'eau de boisson et de cuisine. Apparemment, le castor européen n'est pas cité comme réservoir potentiel du parasite. Les signes cliniques sont le plus souvent des diarrhées, sans augmentation de température. Mais la giardiase est plus fréquente en zone tropicale que dans les régions à castors.

5.6. Une origine légendaire

Les peuples amérindiens des Territoires du Nord-Ouest, au Canada, expliquent ainsi le grand nombre de castors : « Quand le castor apparut sur Terre, il dit : “Autant il y a d'écailles sur ma queue, autant il y aura de castors sur Terre.” C'est pourquoi il y a tant de castors sur la Terre. » Pour ces tribus, Inkfwin-Wétay, le couple fondateur du monde qui crée toutes choses par ses rêves, lança sur Terre, au commencement des temps, une tête de castor. Aussitôt, le castor abonda. Pour les Indiens Ojibwé du Canada, c'est une femme mythique, la « femme du ciel de printemps », qui, transformée en castor, devint la mère de tous les castors.