buffle
En Afrique, les buffles sont les seuls grands mammifères à présenter de telles variations de taille, de couleur et de cornes. Cousins des bisons, des buffles d'Asie et des bovins domestiques, ils arpentent encore les savanes, mais leur survie est incertaine dans plusieurs régions.
Introduction
Autrefois, les scientifiques différenciaient jusqu'à 92 espèces de buffles d'Afrique, à cause de leur apparence très variable selon les régions. Après bien des controverses, on ne distingue plus aujourd'hui qu'une seule espèce, le buffle d'Afrique, Syncerus caffer, même si deux savants, J. Dorst et P. Dandelot estiment que le buffle africain est vraisemblablement « issu de deux types bien différents, entre lesquels on observe tous les intermédiaires ».
Selon les régions du continent africain où il vit, le buffle diffère en couleur et en taille. Dans les forêts d'Afrique occidentale et centrale, il est petit et porte une robe rouge et de petites cornes droites, écartées à la base ; en Afrique du Sud, au contraire, il est brun foncé, et l'envergure de ses cornes massives dépasse parfois 1,60 m ; dans les savanes arborées, autour des forêts du Congo et de la Côte-d'Ivoire jusqu'au lac Tchad, sa robe présente toutes les nuances de rouge et de noir ; du Tchad jusqu'en Éthiopie, il est plus fin et ses cornes sont de plus faible envergure qu'en Afrique du Sud.
L'ancêtre des bovidés actuels vivait déjà à l'éocène, il y a 45 millions d'années. De petite taille, il possédait quatre doigts aux membres antérieurs et postérieurs, mais n'avait pas de cornes. Le premier vrai bovidé serait Eotragus, apparu en Asie il y a environ 15 millions d'années. Ses cornes, petites et circulaires, étaient dressées vers le haut.
Plusieurs lignées ont évolué à partir de Eotragus, dont celle des buffles à longues cornes, comme Simatherium et son descendant, Pelorovis, qui, d'après l'aspect de ses dents, devait se nourrir de plantes aquatiques.
À la fin du pléistocène, Pelorovis céda la place à Homoioceras, grand buffle chassé par les hommes préhistoriques d'Afrique du Nord. Celui-ci disparut il y a 12 000 ans.
Ugandax, ancêtre direct du buffle d'Afrique actuel (Syncerus caffer), est apparu il y a environ 5 millions d'années. À la fin du pliocène ou au début du pléistocène, il donna naissance au genre Syncerus, dont les premiers spécimens seraient originaires des plaines de l'est de l'Afrique ou des régions montagneuses d'Éthiopie. À l'ère quaternaire, le buffle était absent du nord du Sahara ; c'est l'auroch, ancêtre de notre bovin domestique, qui y occupa sa niche écologique. Aujourd'hui, Syncerus caffer, le buffle africain, vit dans toutes les savanes au sud du Sahara (buffle des savanes) et dans les forêts d'Afrique occidentale et centrale (buffle nain).
La vie du buffle
Des familles autonomes réunies en troupeau
Dans les forêts, les buffles vivent en groupes de 3 ou 4 individus, alors que ceux des forêts claires et des savanes se rassemblent en troupeaux d'une dizaine à plusieurs centaines de têtes.
Pendant la saison sèche, le troupeau se divise en groupes autonomes plus petits. Ces « troupeaux de base » comprennent de 30 à 60 animaux. Plus grands qu'un simple clan familial, ils constituent, selon M.J. Mloszewski, la plus petite formation sociale. Chacun de ces groupes, très stable, est essentiellement formé de femelles et de leurs veaux, et d'animaux âgés de 1 à 4 ans. Parmi les bufflonnes, il existerait des lignées de femelles soumises ou dominantes. Les femelles expérimentées et énergiques se placent à l'avant ou sur les flancs du groupe.
Quelques taureaux adultes évoluent autour du groupe, mais plus de la moitié d'entre eux se rassemblent en petits clans de 5 à 10 animaux. Les mâles plus âgés peuvent s'éloigner du troupeau pour toute la saison sèche jusqu'à ce que l'herbe repousse.
Le troupeau comprend aussi d'autres groupes composés soit de juvéniles conduits par une solide femelle adulte, soit d'invalides, soit de bufflonnes avec de très jeunes veaux, qui restent à l'arrière.
Le grand troupeau constitue un ensemble homogène où mâles dominants et guides sont acceptés à l'unanimité. En dehors de la saison de reproduction, les combats sont très rares. Si un buffle coupe la route à l'un de ses supérieurs, ce dernier s'avance en grognant, tête baissée. Si le subordonné ne s'éloigne pas aussitôt, l'autre le charge, lui heurtant l'arrière-train de ses cornes. Le dominé s'écarte, pousse un beuglement, puis se tient immobile, tête à l'horizontale, dos voûté et queue entre les pattes. Ce genre d'affrontement ne débouche jamais sur un combat.
Le troupeau en marche
Le troupeau en marche
Un ou plusieurs guides, mâles ou femelles, se relaient à la tête du troupeau. Il ne s'agit pas toujours des dominants, mais de ceux qui connaissent le mieux la région traversée. Seul le mâle de plus haut rang, devenu guide, ne tolère pas d'être remplacé à la tête du troupeau. Les différents troupeaux de base de bufflonnes et de jeunes marchent séparément, en colonnes. Les invalides et quelques mâles de haut rang, en queue, ne dépassent jamais 9 km/h. Les jeunes mâles célibataires sont sur les flancs. Lorsque les buffles pâturent, en large formation, 30 animaux peuvent progresser de front.
Les mâles solitaires ou âgés vivent à l'écart
Lorsque sa forte corpulence le rend moins mobile, le buffle adulte a tendance à s'isoler du troupeau. Il se sédentarise alors sur un territoire particulier. Seuls le rut, une sécheresse extrême ou un danger le forcent à quitter son domaine.
Ces taureaux solitaires ne sont ni malades ni rejetés par les autres mâles. Ils s'établissent souvent en bordure des pistes empruntées par les troupeaux, auxquels il leur arrive de servir de guide pendant la traversée du territoire.
Lorsqu'ils ont plus de dix ans et que, malgré l'usure de leurs dents, ils sont encore capables de s'alimenter, les taureaux peuvent rester dans le troupeau et suivre le groupe des invalides, mais les dominants les chargent dès qu'ils tentent de saillir une femelle. Lorsqu'ils quittent le troupeau, ces vieux taureaux se rassemblent souvent en petits clans sur des territoires qu'ils ne défendent pas.
Des buffles replets grâce à une alimentation variée
Le buffle est un herbivore strict. Il est surtout brouteur, c'est-à-dire qu'il se nourrit d'herbes, de graminées plus particulièrement, dont il consomme volontiers les repousses après les feux ou les premières pluies. Il accepte même de les consommer à l'état de fourrage grossier. C'est aussi un cueilleur occasionnel, qui peut prélever feuilles et bourgeons sur les arbres. Bien qu'il ait, comme le zébu, impérativement besoin d'eau, il utilise plus efficacement les ressources de la savane. Il suffit pour s'en convaincre de comparer, au cœur de la saison sèche, l'état général d'un buffle replet à celui d'un zébu famélique.
Un buffle adulte consomme chaque jour environ 2 % de son poids en herbe, ce qui représente 10 kg pour une bête de 500 kg. Le professeur H. Gillet, qui a étudié l'alimentation du buffle dans le parc national de Zakouma, au Tchad, a constaté que les buffles de ce parc réservent les heures les plus chaudes de la journée à paître dans les prairies humides ou sur les sols marécageux, mais qu'ils aiment se dissimuler et ruminer parmi les herbes sèches et hautes.
Dans les prairies herbeuses à Paspalum scrobiculatum, comme dans les savanes à Combretum et Terminalia, ils choisissent pendant la saison des pluies les repousses verdoyantes des arbustes. Ils saisissent avec la langue une touffe qu'ils maintiennent entre les dents et l'arrachent. Après avoir cueilli plusieurs touffes, ils les mastiquent longuement, puis avalent cette bouillie, qu'ils rumineront plus tard. Dans les savanes plus touffues parsemées de grands arbres et dans les forêts sèches, ils se nourrissent de feuillages. À la fin d'une saison très sèche, les buffles consomment les feuilles de certains arbres ou de certaines lianes. Comme les éléphants, ils mangent volontiers les jeunes pousses de l'asperge africaine, riches en eau.
À Zakouma, le buffle aime surtout la sétaire, au moment où l'herbe repousse après les feux, ainsi que l'andropogon à la saison des pluies. Dans le parc Kruger, en Afrique du Sud, ce sont le grand panicum, l'andropogon et Themeda triandra et, en Afrique de l'Est, c'est le sporobolus pyramidal qu'il préfère.
D'après H. Gillet, aucun herbivore sauvage du parc de Zakouma n'exploite aussi intensément que le buffle les pâturages de vétivère, graminée aux feuilles rigides et de qualité médiocre qui pousse dans les zones humides.
Chez le buffle d'Afrique, la consommation de feuillage reste modérée. Elle représente, selon M.J. Mloszewski, entre 3 et 14 % de son régime et, selon Lamprey, 6 % dans la réserve de Tarangire, en Tanzanie. Elle n'atteint qu'exceptionnellement des valeurs supérieures. Le buffle apprécie certaines feuilles qui contiennent des nutriments indispensables et des métaux, cueillant délicatement les jeunes feuilles et les rameaux, sans s'attarder sur un même arbre, mais y revenant un peu plus tard.
Mloszewski a observé que les buffles consacrent environ 40 % de leur journée à paître en saison sèche, un peu moins pendant les pluies. L'activité est maximale aux heures plus fraîches, avant le lever du soleil, en début de matinée et en fin d'après-midi.
Au cours de leurs circuits, ils mangent régulièrement la terre des salines, qui contient des sels minéraux indispensables. Il leur arrive aussi de lécher la boue qui recouvre leur corps.
Graminées de toutes sortes
Graminées de toutes sortes
Le chercheur M.J. Mloszewski a mis en évidence l'extrême diversité des plantes consommées par les buffles dans le parc national de Kafue, en Zambie. De décembre à avril, c'est la saison des pluies, et les buffles ont un large choix. Echinochloa pyramidalis est une grande graminée dont ils apprécient la tige fraîche, légèrement sucrée, entre septembre et avril. En revanche, de mai à août, pendant la saison sèche et froide, Vossia cuspidataest très prisée.
Toujours à la recherche de nouveaux points d'eau
Les buffles doivent absorber chaque jour 30 litres d'eau, 40 litres quand il fait très chaud. Pendant la saison sèche, la recherche des points d'eau constitue la raison principale de leurs déplacements. Ils s'abreuvent en général en fin d'après-midi ou tôt le matin. Lorsque la plupart des mares sont à sec, ils parcourent de longues distances pour se désaltérer. Les pâturages situés autour des mares sont souvent épuisés à cause de la fréquentation très régulière des buffles. Pendant que les buffles s'abreuvent, ils sont moins vigilants. Les lions et les crocodiles constituent alors pour eux, immergés aux deux tiers, une menace non négligeable. Pour parer aux attaques, ils s'abreuvent de préférence dans les eaux peu profondes.
Boire trente litres en six minutes
En raison des dangers encourus, le troupeau manifeste toujours une tension élevée au bord d'un point d'eau. Tous les buffles ne se désaltèrent pas en même temps. Quelques individus restent en position d'alerte, tête dressée et naseaux dilatés. Chaque animal boit rapidement. M.J. Mloszewski a calculé qu'un buffle pouvait étancher sa soif en 6 minutes seulement, lorsqu'il s'abreuvait en une seule fois. Dès qu'il a fini de boire, le buffle quitte la rive. Dans le cas où le troupeau n'est pas dérangé, il reste aux alentours de la mare pour pâturer, ruminer et se reposer, puis retourne boire quelques heures plus tard.
Pendant la saison des pluies, les déplacements à la recherche de points d'eau ne sont plus nécessaires. Les mares sont présentes un peu partout au milieu des pâturages des plaines inondables. Les buffles s'abreuvent alors alternativement, à tout moment du jour, avec une préférence pour midi et la fin de l'après-midi. Sauf s'il vit en solitaire, un buffle boit rarement seul : il préfère s'associer à plusieurs de ses congénères. Chaque petit groupe choisit un trou d'eau peu éloigné de celui du groupe voisin.
Les bains de boue : un privilège
Lorsque les buffles viennent boire en troupeau, ils ne s'attardent généralement pas dans l'eau. Il est très exceptionnel qu'un troupeau entier se baigne. Les femelles pataugent rarement. Ce sont surtout les taureaux de statut élevé, qui vivent solitaires ou en petits clans, qui se vautrent des heures durant dans la boue. Ces bains rafraîchissants leur permettent, de surcroît, de lutter contre les parasites externes, surtout les tiques, qui envahissent l'épiderme peu épais à la base des cornes.
Des mâles violents à la saison des amours
En Zambie, au Cameroun et au Zaïre, les buffles se reproduisent toute l'année. Au Serengeti et en Tanzanie, la majorité des naissances a lieu pendant la saison des pluies, lorsque l'herbe est riche en protéines.
Seuls les mâles dominants couvrent les femelles. Leurs attitudes témoignent de leur position hiérarchique. Un buffle menaçant se tient la tête haute, le cou rentré, le mufle dirigé vers le sol et les cornes pointées vers l'adversaire. Un buffle soumis tend son museau parallèlement au sol et fléchit légèrement ses postérieurs, en couchant les cornes. S'il est attaqué, il pousse un beuglement en ouvrant grand sa bouche et en sortant sa langue ou il s'enfuit, puis s'arrête pour regarder, en levant très haut la tête, comme les sentinelles du troupeau en cas d'alerte. Pour montrer son infériorité, il place son mufle entre les pattes arrière du dominant, comme pour téter.
Fort comme un taureau
Les rares combats violents entre mâles surviennent à la saison des amours. Les deux taureaux se campent d'abord face à face. Puis ils tournent l'un autour de l'autre, frappent le sol de leurs pattes, balancent violemment la tête, grattent la terre de leurs cornes et la projettent en l'air. Ces prémices durent une dizaine de minutes. Si aucun des deux ne recule ou ne s'esquive, le combat s'engage. Les buffles se précipitent l'un vers l'autre, leurs fronts se heurtent avec fracas, tête baissée et les muscles du garrot tendus au maximum pour amortir le choc. Selon M.J. Mloszewski, l'impact équivaut à celui d'une voiture lancée contre un mur à 23 km/h et une corne se brise parfois. À peine étourdis, ils reculent de quelques pas, puis chargent de nouveau. Ils s'arc-boutent, tête contre tête, et poussent de toutes leurs forces pendant plusieurs minutes. Le plus faible finit par se tourner sur le côté, exposant ses flancs ; son adversaire tente aussitôt de l'encorner. Le vaincu s'immobilise, grièvement blessé. S'il en a la force, il prend la fuite.
Les taureaux âgés de 8 à 10 ans s'accouplent en priorité. Une bufflonne est prête à se reproduire pendant 3 à 5 jours, tous les 23 jours. Le mâle la flaire, pose sa tête sur sa croupe et la monte si elle ne se dérobe pas. L'accouplement dure quelques dizaines de secondes et se répète au bout de 10 minutes. Le mâle peut accompagner la femelle durant toute la période de réceptivité ou être remplacé par d'autres.
Le bufflon naît à l'écart du troupeau
Après environ 11 mois de gestation, la naissance a lieu, généralement le matin. La femelle s'isole, grogne, balance nerveusement la tête, marche et s'arrête alternativement, puis se couche. Les eaux sortent, les pieds antérieurs du bufflon apparaissent, puis les pattes suivies du museau. La bufflonne tend ses muscles, beugle et le veau sort doucement. La mise-bas dure une demi-heure. Le petit mâle pèse entre 35 et 50 kg, la femelle un peu moins. La mère se lève et lèche son petit. Au bout de 10 minutes, le nouveau-né se dresse sur ses pattes tremblantes, dos voûté. Il fait quelques pas, tombe, se relève. Peu à peu tous deux rejoignent le troupeau.
La mère produit au moins 5 litres de lait par jour, que le jeune boit en une dizaine de tétées, de 3 à 10 minutes chacune. Le bufflon tète souvent en se tenant entre les pattes arrière de sa mère. La mère l'allaite pendant 5 à 6 mois, tout en lui refusant parfois la tétée dès l'âge de 2 mois, pour l'obliger à manger quelques brins d'herbe. Peu à peu, il commence à jouer et à caracoler avec d'autres petits et devient indépendant. Entre 1 an et 2 ans, seuls les jeunes mâles quittent leur mère et se regroupent avec d'autres jeunes taureaux.
Les veaux perdus sont pris en charge
Les veaux perdus sont pris en charge
Lorsqu'un bufflon a perdu sa mère, il beugle de détresse. En général, plusieurs mères accourent alors, mais se désintéressent de lui lorsqu'elles s'aperçoivent de leur méprise. Dès que la véritable mère a localisé son petit, elle lui répond en grognant et accourt. Il cesse alors de crier. Un jeune bufflon abandonné peut rejoindre d'autres orphelins groupés autour d'une vieille femelle pleine de sollicitude, qui les protège, les dirige et les emmène paître. Il arrive aussi qu'un mâle plus vieux se charge de ce rôle de nourrice.
Pour tout savoir sur le buffle
Buffle d'Afrique (Syncerus caffer)
L'aspect des buffles varie selon leur habitat. La couleur de leur robe a tendance à foncer au fur et à mesure qu'on s'éloigne des zones forestières. Les buffles des forêts sont roux, ceux des savanes boisées sont plutôt bruns, ceux des prairies et des savanes peu touffues, brun foncé à noirs. Des taches blanches sur la robe sont très rares. Les veaux sont généralement plus clairs. La taille du corps varie aussi selon les régions. Dans les habitats où l'herbe est riche et abondante, les buffles sont plus hauts.
Les cornes jouent un rôle primordial dans la défense et dans les combats entre mâles. Celles des jeunes animaux ont la forme d'un croissant de lune et leur courbure est moins marquée que celle des adultes. Celles du buffle de forêt sont relativement petites et légères par rapport à sa taille.
Les buffles s'expriment par le corps tout entier, mais très peu par des expressions faciales.
Malgré son aspect lourd et pesant, le buffle se déplace avec aisance, même sur terrain détrempé, évitant avec soin les petits obstacles au lieu de les enjamber.
Couvert de parasites, le buffle est suffisamment leste pour gratter l'avant de son corps avec l'un des sabots postérieurs. Il mordille sa peau irritée par les piqûres ou se frotte contre les troncs. Le chercheur belge Verheyen a récolté 835 tiques sur une bufflonne et 1 780 sur un mâle, mais aucun de ces parasites ne se trouvait sur le dos et la tête, entièrement nettoyés par les oiseaux pique-bœufs. En plus des bains de boue, très efficaces, les buffles essaient aussi de chasser les insectes qui les assaillent en agitant les oreilles et la queue. Et les vieux buffles solitaires passent des heures vautrés dans la boue des mares peu profondes.
Le buffle repère parfaitement à l'odeur les végétaux comestibles ou celle d'un ennemi portée par le vent. Son mufle renferme un canal recouvert d'une muqueuse olfactive, l'organe de Jacobson. Lorsqu'un mâle flaire la région ano-génitale d'une bufflonne en chaleur ou les herbes imprégnées de son urine, il lève la tête, tend le museau et retrousse les lèvres, découvrant ses dents. Cette mimique permet d'emprisonner plusieurs bouffées odorantes dans l'organe de Jacobson. Aussitôt analysées, elles renseignent l'animal sur l'état de réceptivité de la femelle.
Le taux de reproduction est directement lié à la qualité des pâturages, car les besoins énergétiques des bufflonnes pendant la gestation et la lactation sont élevés. Celles-ci sont pubères à 3 ans, mais la plupart ont leur premier veau à l'âge de 5 ans seulement. De même, si un mâle sur deux est pubère dès l'âge de 4 ans et demi, il ne sera assez fort pour s'accoupler qu'à 7 ans.
Les sous-espèces
Il existe deux sous-espèces principales :
Buffle de savane, Syncerus caffer caffer, de 1,20 à 1,50 m au garrot, pour 320 à 600 kg. Les buffles du Cap sont plus grands (1,80 m pour 800 kg). Troupeaux de 30 à 60 individus, parfois jusqu'à 2 000. Savanes boisées, depuis le sud du Sahara jusqu'au Cap (Afrique du Sud), et jusqu'à 1 000 m d'altitude.
Buffle nain de forêt, Syncerus caffer nanus, de 1 m à 1,20 m au garrot, pour 250 à 320 kg. Troupeaux de 3 ou 4 individus (jusqu'à 10). Forêts d'Afrique occidentale et centrale.
BUFFLE D'AFRIQUE | |
Nom (genre, espèce) : | Syncerus caffer |
Famille : | Bovidés |
Ordre : | Artiodactyles |
Classe : | Mammifères |
Identification : | Allure du bœuf domestique massif, de couleur rousse, brune ou noire ; mâle et femelle possèdent des cornes |
Taille : | De 1 m à 1,80 m au garrot |
Poids : | De 250 à 800 kg ; le mâle est plus lourd que la femelle |
Habitat : | Forêts denses, surtout forêts secondaires et clairières, rarement forêts primaires, savanes buissonnantes ou boisées et montagnes jusqu'à 4 000 m |
Répartition : | Afrique occidentale et centrale, au sud du Sahara, sauf les régions désertiques |
Régime alimentaire : | Végétarien strict : surtout herbes, mais aussi feuillages et pousses |
Structure sociale : | Troupeaux de mâles, de femelles et de jeunes ; parfois rassemblement de 2 000 animaux ; groupes de mâles |
Maturité sexuelle : | Femelles : 3 ans ; mâles : 4 ans et demi |
Saison de reproduction : | Toute l'année, surtout en saison des pluies |
Durée de gestation : | 330 jours |
Nombre de jeunes par portée : | 1 |
Poids à la naissance : | Mâles : de 26 à 50 kg ; femelles : de 26 à 36 kg |
Longévité : | 20 ans maximum dans la nature |
Effectifs et tendances : | Buffles encore nombreux dans les régions protégées ; effectifs en baisse dans les régions braconnées. Populations à forte vitalité, mais la peste bovine peut encore décimer certains troupeaux. Espèce éteinte en Gambie |
Statut, protection : | Espèce non protégée ; elle n'est pas chassée dans certains pays |
Signes particuliers
Cornes
Couvertes de peau et de poils chez les jeunes, elles en sont débarrassées peu à peu et atteignent leur taille définitive en 4 ans pour la femelle, en 5 ans pour le mâle. On peut différencier les sexes à partir de 2 ans, âge auquel apparaît chez le mâle une protubérance cornée à la base de chaque corne. Parallèlement, l'os frontal qui supporte les cornes s'épaissit. Les deux bosses se rejoignent progressivement et forment un véritable casque qui coiffe la totalité du front. Il est particulièrement massif chez le buffle du Cap. À mesure que le buffle grandit, ses cornes s'allongent, s'écartent puis s'incurvent jusqu'en dessous de la base du crâne, pour remonter ensuite vers le haut. Le chercheur Grubb a montré que la taille des cornes s'accroît depuis les forêts d'Afrique occidentale et centrale, à mesure que l'on se déplace en direction du nord, de l'est et du sud. La tête de la femelle ne porte pas de bouclier corné et ses cornes sont plus plates, plus petites et moins larges.
Oreilles
Comme tous les herbivores, le buffle possède une ouïe très fine. Lorsqu'il entend un bruit, il oriente sa tête en direction des sons pour faciliter sa perception. Il réagit immédiatement par la fuite à l'écoute d'une voix humaine.
Sabots
Chacun des deux doigts de chaque pied est protégé par un onglon ou sabot. Contrairement au bovin domestique, le buffle supporte de marcher longtemps en terrain humide sans que ses sabots en souffrent. La corne des sabots pousse régulièrement et s'use pendant la marche sur les sols durs.
Les autres buffles
En plus du buffle africain, il existe quatre autres espèces de buffles, toutes asiatiques. Le plus connu est le buffle de l'Inde, ou buffle d'eau. Les trois autres espèces sont les anoas, assez voisins du buffle de l'Inde : l'anoa des plaines, l'anoa des montagnes et l'anoa de Mindoro, qui pèsent entre 150 et 300 kg et sont les plus petits des buffles. Toutes les espèces de buffles et d'anoas sont aujourd'hui menacées à l'état sauvage. La destruction de leur habitat, l'explosion démographique, la chasse et le braconnage anéantissent les dernières populations.
Buffle de l'Inde (Bubalus bubalis)
Aussi appelé buffle d'eau, ou arni.
Identification : C'est un bovin puissant, de couleur brune à noire avec des balzanes (taches blanches sur le bas des pattes). Il peut peser jusqu'à une tonne et atteindre 1,80 m de hauteur. Ses longues cornes en forme de demi-cercle sont courbées vers l'arrière et aplaties vers l'avant.
Le buffle de l'Inde a encore plus besoin d'eau que le buffle d'Afrique.
Habitat : Il fréquente surtout les marécages et les hautes herbes, à proximité des rivières, et se nourrit de plantes et d'herbes qui poussent dans l'eau. Dans la réserve de Kaziranga, il fait bon voisinage avec le rhinocéros unicorne de l'Inde. Au centre du pays, on trouve l'arni dans une jungle moins humide, où alternent des zones boisées et des clairières, mais où rivières et mares sont toujours présentes.
Comportement : De tempérament farouche, les buffles d'eau vivent en petits groupes d'une dizaine d'individus, parfois plus. Les femelles accompagnées de leurs petits forment la grande majorité du troupeau. Comme chez le buffle d'Afrique, les mâles restent en général un peu à l'écart du groupe. Lors des déplacements, ce sont surtout les vieilles femelles qui servent de guides. À la fin de leur vie, les vieux buffles quittent le troupeau pour vivre seuls. Les naissances ont lieu toute l'année, avec une fréquence maximale à la fin de la saison humide. La femelle porte son petit entre 10 et 11 mois et l'allaite pendant 6 à 9 mois.
Le buffle de l'Inde, très courageux, est une proie dangereuse pour le tigre. Avant de charger, il gratte la terre de sa patte et tend sa tête en poussant un beuglement puissant. Le tigre évite les buffles adultes et s'attaque plutôt aux jeunes. À l'occasion, l'arni s'attaque aux éléphants domestiques, chevauchés par leur cornac.
Statut : À l'époque préhistorique, l'arni était très commun dans la péninsule indienne et jusqu'en Chine. Plus à l'ouest, son aire de répartition atteignait l'Afrique du Nord. Aujourd'hui, l'espèce, en voie de disparition, (moins de 4 000 individus au total) est protégée et classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) depuis 1996. Peu d'individus vivent encore en liberté totale. En Inde et au Népal survit au plus un millier d'individus sauvages. En Thaïlande, il en reste environ une quarantaine. En Birmanie, en Indochine, en Malaisie, au Sri Lanka et à Bornéo ne subsistent que quelques noyaux de populations éparses.
Braconnés par certains habitants pour leur viande, leur peau et leurs cornes, qui peuvent atteindre 2 m d'envergure, ils sont aussi croisés avec des buffles domestiques. Moins grands mais dociles, résistants et capables de rester immergés durant des heures dans l'eau stagnante des marais, ce sont des montures et des bêtes de trait et de bât idéales pour les travaux dans les plaines inondables et les rizières.
Anoa des plaines et anoa des montagnes (Bubalus depressicornis ; bubalus quarlesi)
Ces deux espèces d'anoas habitent respectivement les plaines et les montagnes de l'île de Sulawesi, en Indonésie. Ils sont souvent considérés comme deux races géographiques de la même espèce. De trois à quatre fois moins imposants qu'un buffle d'eau, les anoas ont des pattes plus frêles et une allure plus vive. Ils ressemblent au buffle nain africain. Leurs cornes courtes, dirigées vers l'arrière, font moins de 40 cm de long.
Habitat : Ils occupent les zones forestières et marécageuses, où ils se nourrissent de feuilles, de fruits et d'herbe. L'anoa des montagnes se rencontre jusqu'à 1 800 m d'altitude.
Comportement : Ils s'éloignent rarement des points d'eau, car ils ont besoin de boire régulièrement, de se baigner et de patauger dans la boue. Comme beaucoup d'animaux forestiers, ils sont timides, discrets et vivent le plus souvent seuls. La gestation dure de 9 à 10 mois. L'unique petit est couvert, à la naissance, d'une abondante toison dorée.
Effectifs : avec moins de 2 500 individus chacune, les deux espèces sont en voie d'extinction, car les forêts où ils vivent font l'objet d'un défrichage intense.
Statut : chassés pour leurs cornes, leur viande et leur peau, ils sont désormais protégés par la législation indonésienne. Les parcs nationaux Lore Lindu et Bogani Nani-Wartabone ainsi que les réserves naturelles de Tanjung Peropa et de Lambu Sango en abritent plusieurs populations. Espèces classées « en danger » par l'U.I.C.N. et inscrites à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction).
Anoa de Mindoro ou tamarau (Bubalus mindorensis)
Le tamarau est à peine plus grand que l'anoa et porte les mêmes marques blanches sur la tête. On le trouve exclusivement sur l'île de Mindoro, aux Philippines.
Comportement : Pendant la saison des pluies, de juin à octobre ou novembre, le tamarau se nourrit de courtes herbes en croissance, dans les prairies en bordure des forêts. Dès que la saison sèche s'annonce et que les plantes herbacées s'allongent et se durcissent, il complète son régime avec de jeunes pousses de bambou.
Des points d'eau sont toujours présents à proximité de ses pâturages.
Selon L.M. et M.H. Talbot, l'animal a adopté un mode de vie plutôt solitaire, en raison de la chasse « sportive » dont il était victime.
Effectifs : Autrefois, le tamarau occupait toute la forêt dense qui recouvrait la majeure partie de l'île. Au cours des dernières décennies, ses populations ont considérablement chuté, d'abord à cause de l'épidémie de peste bovine de 1930, mais surtout à cause du déboisement intensif, associé au développement de l'agriculture et de l'élevage. Aujourd'hui, l'espèce, protégée, compte trois sous-populations pour un effectif total de moins de 300 individus, pour la plupart dans la réserve du mont Iglit (8 000 ha). Classée dans la catégorie « en danger critique d'extinction » par l'U.I.C.N., elle est inscrite à l'Annexe I de la Cites.
Milieu naturel et écologie
Les buffles peuvent vivre dans presque tous les types de végétation, hormis les régions arides : forêt dense, forêt de montagne, savane humide, savane sèche et plaine herbeuse.
Suivant la période de l'année, ils fréquentent des zones différentes de leur domaine. Pendant la saison des pluies, ils recherchent les herbes abondantes et riches dans les vastes prairies des plaines inondables. Au fil des semaines, l'eau s'évapore et les nutriments (éléments directement assimilables) s'enfoncent dans les racines des plantes, où ils restent stockés pendant la saison sèche. Les buffles se rapprochent alors des points d'eau où la terre conserve plus longtemps son humidité et où la végétation n'est pas encore complètement racornie.
Au début de la saison sèche, le sol contient encore des réserves d'eau et la température nocturne reste assez fraîche. C'est le moment où les feux de brousse allumés par les paysans provoquent un choc thermique sur la végétation aérienne, tout en épargnant racines et bourgeons. Les plantes reverdissent et leurs repousses sont très appréciées par les buffles et par les antilopes.
Sauf en cas de très forte canicule, les buffles restent en zone découverte pour se reposer. Ils évitent ainsi tout déplacement inutile et toute dépense supplémentaire d'énergie. Ils sont également moins gênés par les mouches tsé-tsé que sous le couvert des galeries forestières.
Pendant la saison des pluies, au contraire, ils ont plus tendance à se reposer dans les zones boisées, moins détrempées que les prairies, et se dissimulent parmi les arbres dans les régions où ils sont beaucoup chassés.
Le buffle coupe les graminées avec ses incisives, à 5 cm du sol. Mais, contrairement au bovin d'élevage, qui exploite un pâturage jusqu'à épuisement total, le buffle prélève des plantes variées selon la saison, le moment de la journée et l'endroit où il se trouve. Même s'il est moins sélectif qu'une antilope, il consomme lui aussi des parties différentes de la plante selon son stade de maturation. Il broute avec délicatesse, saisissant les feuilles une à une.
L'alimentation du buffle est complémentaire de celle d'autres herbivores et ongulés sauvages. Alors que certaines antilopes, comme les kobs, choisissent de préférence les herbes basses, les buffles mangent les végétaux plus grands, mais aussi le feuillage comme d'autres antilopes (céphalophes), qui cueillent surtout les feuilles, les bourgeons et les nouvelles pousses des arbrisseaux. Chaque espèce animale favorise les conditions alimentaires d'autres espèces en modifiant le milieu. L'éléphant et l'hippopotame créent de larges coulées dans les hautes herbes et consomment les plantes moyennes à grandes. Ils permettent ainsi le développement de végétaux plus petits et plus tendres, très recherchés par les buffles, dont les troupeaux agrandissent encore les trouées. Dans cette végétation aérée, les plantes rampantes, attirent à nouveau les hippopotames.
Les buffles sont des herbivores moins sélectifs que les gnous. À la saison sèche, ils sont les premiers à regagner les alentours des rivières, où ils se nourrissent de plantes assez grossières. Après eux, les gnous consomment plutôt les herbes courtes, suivis par les gazelles, qui broutent une végétation au ras du sol.
Un seul prédateur : le lion
Même si les hyènes, les lycaons et les léopards s'attaquent parfois aux bufflons, les lions sont les principaux prédateurs du buffle. Selon Schaller, les buffles représentent 62 % des proies des lions dans le parc national de Manyara. Selon M.J. Mloszewski, ils composent 30 % de l'alimentation des félins du parc Kafue, en Zambie. Les lions attaquent surtout les individus placés à la périphérie du troupeau. Les mâles adultes, seuls ou en petits groupes, et les invalides sont donc plus vulnérables que les femelles.
Les buffles sont souvent très prudents. Lorsqu'ils traversent une zone dangereuse, plusieurs sentinelles se tiennent en alerte, cherchant à détecter un prédateur éventuel par la vue et l'odorat. De temps en temps, un adulte se poste à un endroit privilégié et surveille intensément l'arrière du troupeau en marche. En cas de danger présumé, la sentinelle part au galop, imitée par le troupeau.
Dans un troupeau en alerte, les buffles s'orientent dans des directions différentes, afin de les surveiller simultanément.
Les buffles sont capables de charger les fauves qu'ils ont repérés derrière les hautes herbes. Ils cherchent alors à les éventrer de leurs cornes. Schaller rapporte le cas de lions qui venaient de tuer un buffle. Les autres membres du troupeau avaient alors attaqué les félins, les empêchant ainsi de manger la carcasse de leur congénère. En revanche, des buffles chargés par un troupeau d'éléphants s'enfuient sans résistance.
Le buffle et l'homme
Un animal « irascible » très docile en réalité
Si l'éléphant est réputé être le plus gros mammifère terrestre et la gazelle le plus gracieux, le buffle garde la réputation d'être le plus irascible. À force d'être pourchassé par l'homme, cet animal de nature calme a en effet appris à défendre sa peau... et ses cornes de la convoitise des hommes.
Le buffle ne charge pas tous ceux qu'il rencontre
Il y a encore 150 ans, les buffles étaient répandus dans les savanes et les forêts de l'Afrique, au sud du Sahara. Mais, dès le milieu du xixe siècle, les colons exterminèrent des populations entières de buffles pour leur viande. Ils en nourrissaient à peu de frais les manœuvres des chantiers de construction et les ouvriers agricoles. À la même époque fut lancée la mode de la chasse « sportive ». Beaucoup de chasseurs attribuèrent alors au buffle l'image d'un bovin agressif, qui attaque et tue aveuglément. Fort heureusement, les observateurs scientifiques ont démenti depuis ces affirmations non fondées. La plupart des buffles considérés comme dangereux se sont révélés être des grands mâles solitaires, dont l'impressionnant trophée excitait la convoitise des chasseurs. Une fois blessés, ces individus au tempérament d'ordinaire très paisible s'en prenaient furieusement à leurs agresseurs.
Dans les zones où le braconnage est fréquent, lorsque les sentinelles d'un troupeau repèrent l'approche d'un homme à une centaine de mètres, elles s'agitent et balancent leur tête. Dès qu'elles perçoivent l'odeur de l'homme, elles deviennent très excitées, et le groupe entier s'ébranle au moindre signal. Les mâles de haut rang cherchent parfois à décourager l'intrus par une charge d'intimidation.
Un buffle n'attaque jamais sans raison. Dans les zones où la croissance démographique est importante, où l'agriculture et l'élevage se développent, les rencontres avec l'homme sont plus fréquentes et aussi plus risquées, car le buffle y est en général couramment chassé. En revanche, dans les régions où l'homme se présente comme simple touriste, venu admirer les grands bovins, les charges sont exceptionnelles. Au bruit d'une détonation, ces buffles-là se contentent de se déplacer de quelques mètres pour observer avec attention la suite des événements. S. Verheyen a pourtant vu deux mâles tentant de relever un congénère tué d'une balle. En cas de rencontre fortuite entre un promeneur et un buffle, c'est, bien sûr, le second qui rebrousse chemin au galop !
Mais un buffle blessé est capable de poursuivre un homme et de le mettre à mort. Sa charge est l'une des plus meurtrières qui soit. La tête en avant, à peine plus bas que le garrot, les yeux fixés sur la victime et les naseaux orientés vers elle, pour ne perdre ni son odeur ni le moindre de ses mouvements, il s'élance, tête baissée. Une fois qu'il a atteint l'homme, il relève la tête et l'encorne.
En Asie, l'homme a domestiqué les arnis, ces cousins du buffle africain, mais qui sont de tempérament plus docile. Depuis des siècles, leurs descendants aident l'homme pour cultiver sa terre ou transporter ses biens dans cette région du monde.
La peste bovine
Les effectifs de buffles, limités en 1900 à quelques troupeaux épars dans différents pays, continuèrent à chuter à la suite du défrichement intensif. L'introduction massive de bovins domestiques européens réduisit encore les surfaces de pâturage disponibles.
À la fin du xixe siècle, la fréquence croissante des contacts entre les buffles et le bétail domestique contribua fortement au développement de l'épidémie de peste bovine. Cette maladie originaire d'Asie touchait déjà les bovins européens au ve siècle. Elle fut véhiculée en Afrique par les troupeaux des Italiens, qui envahirent l'Éthiopie en 1889 et elle atteignit le sud du continent en 1896. Buffles, girafes, zèbres, gazelles et gnous payèrent alors un lourd tribut à cette maladie. Les buffles se sont vite trouvés au bord de l'extinction.
La peste bovine est une maladie virale très contagieuse, qui atteint les bovins de tous âges. Elle se caractérise par une poussée de fièvre, une conjonctivite et des lésions inflammatoires dans les voies digestives, qui provoquent une diarrhée hémorragique. Si l'animal survit, sa convalescence est longue. Des formes moins typiques de peste bovine entraînent l'apparition d'une sorte d'« eczéma » sur la peau.
Le programme de vaccination appliqué de 1964 à 1970 sembla éliminer la peste bovine d'Afrique. Mais l'arrêt de cette campagne déclencha l'apparition de nouveaux foyers au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Tchad et au Nigeria. D'autres cas surgirent au sud-est du continent. À partir de 1981, les deux noyaux de l'épidémie se rejoignirent au Cameroun, où les populations sauvages furent anéanties.
Il a été prouvé que ce sont les excrétions des bovins domestiques (salive, sécrétions nasales, bouses...) qui contaminent les animaux sauvages. La maladie se propage surtout autour des mares où les deux types de troupeau s'abreuvent. Dans le parc Kruger, en Afrique du Sud, la peste parmi les bovidés sauvages a disparu après la vaccination du bétail domestique.
La situation actuelle reste préoccupante. La maladie sévit toujours à l'intérieur de la zone intertropicale, de la Mauritanie à la Somalie, malgré la mise en œuvre d'une lutte prophylactique.
L'élevage
Depuis des millénaires, les Africains chassent les buffles pour leur viande. De cette pratique est née l'idée du « game ranching ». Cette exploitation rationnelle de la faune sauvage consiste, dans ce cas, à protéger l'habitat des troupeaux et à prélever un certain pourcentage de buffles destinés à l'alimentation humaine. La mise en valeur de l'intérêt économique des animaux est un excellent moyen d'assurer leur protection.
L'élevage de buffles sauvages est plus rentable que celui des bovins domestiques. Grâce à ses habitudes alimentaires modulables, le buffle supporte mieux des conditions de vie difficiles. Il est bien plus résistant à la soif qu'un bœuf de race améliorée Hereford et réagit mieux qu'un zébu aux fortes chaleurs. De plus, il ne contracte pas les maladies du bétail comme la trypanosomiase, transmise par la mouche tsé-tsé, ou d'autres affections dues aux tiques.
Même si la bufflonne a une gestation plus longue que la vache zébu, elle donne, en moyenne, naissance à plus de petits durant sa vie. Le bufflon nouveau-né est plus lourd qu'un petit de zébu, qui ne pèse pas plus de 20 kg. Et s'il faut 5 ans au zébu mâle pour atteindre 300 kg, le buffle pèse le même poids au bout de 2 ans seulement.
Les zébus élevés sur des pâturages naturels ont un rendement en viande voisin de 40 % de poids vif, alors que celui des buffles est de 50,5 %. La viande de buffle, succulente, renferme peu de graisse. Elle peut être consommée fraîche, cuite ou découpée en morceaux, qui seront salés, séchés ou fumés.
L'élevage de buffles sauvages permet aussi d'exploiter des zones où les troupeaux domestiques ont beaucoup de mal à survivre. Pour qu'un milieu supporte une charge pastorale maximale, il est judicieux d'associer plusieurs espèces, de type brouteur comme le buffle et le zèbre, de type cueilleur comme la girafe et de type polyphage comme l'éléphant.
Dans le ranch de Galana, au Kenya, les buffles sont apprivoisés en quelques semaines. Les bêtes capturées sont enfermées dans un local sombre et capitonné, où on leur apporte nourriture et eau. Relâchées petit à petit au sein d'un troupeau, elles s'habituent à aller chaque jour vers les pâturages, guidées par un berger.