autruche

Autruche
Autruche

L'autruche est le plus grand et le plus gros des oiseaux actuels. Ses ailes, aux immenses plumes, ne lui servent qu'à parader, à s'éventer ou à protéger ses petits : elle est incapable de voler. Mais elle court très vite, avec ses longues pattes aux cuisses rebondies. Victime de la désertification, elle a disparu d'une grande partie de l'Afrique et s'est réfugiée surtout au sud de l'équateur.

1. La vie de l'autruche

1.1. Une vie nomade à la recherche de plantes grasses, de fruits ou d'eau

En dehors de la période de reproduction, l'autruche consacre la plus grande partie de la journée à la recherche de sa nourriture. Ce n'est guère étonnant vu sa taille et son poids (2 m et plus, pour 65 à 150 kg). D'autant qu'elle se nourrit principalement de végétaux, dont l'apport énergétique est médiocre. Pour compenser, elle en consomme d'énormes quantités, et, afin de tirer le meilleur parti possible des plantes herbacées, des arbustes et des arbres qu'elle rencontre, elle en picore aussi bien les graines, les feuilles, que les racines, les bourgeons, les pousses, les fleurs ou les fruits. Elle peut ainsi manger des figues, des pousses de mimosa, des graminées du désert telles que Stipagrostis uniplumus ou Crotalaria saharae, ou les feuilles juteuses d'une plante parasite de l'acacia, Oxystelma bornouense, qu'elle est un des rares animaux à atteindre grâce à sa taille.

À l'instar d'autres oiseaux qui consomment des végétaux – par exemple, les pigeons –, l'autruche ingurgite aussi régulièrement des éléments minéraux pour faciliter la trituration des végétaux et la décomposition de leur cellulose. Elle absorbe ainsi quotidiennement la valeur de plusieurs poignées de graviers et de cailloux.

Bien que son régime soit à dominante phytophage (à base de végétaux), l'autruche est néanmoins omnivore. Elle ne dédaigne pas les insectes, qu'il s'agisse d'adultes ou de larves. Criquets et termites figurent souvent à son menu, car ils sont abondants, notamment lors des pullulations cycliques de criquets migrateurs. Dès que l'occasion s'en présente, l'autruche capture aussi de petits mammifères (des rongeurs, surtout), des reptiles (principalement des lézards), des oisillons et des tortues.

Boire tous les jours

L'autruche a un grand besoin d'eau. Quand elle n'en trouve pas, elle se rabat sur des plantes grasses salées et juteuses (halophytes) et sur des fruits. Mais, dès qu'elle aperçoit un point d'eau, elle le rejoint rapidement et boit abondamment. Pour les jeunes oiseaux, c'est même une nécessité impérieuse. Quand cela est possible, l'autruche boit chaque jour en grande quantité.

Mais elle ne se baigne jamais, préférant les bains de poussière, qui lui servent à compenser son absence de glande uropygienne. Cette glande, située à la base du croupion de la plupart des oiseaux, sécrète une substance huileuse, le sébum, qui, étalée sur le plumage à l'aide du bec, imperméabilise les plumes. Dans le cas de l'autruche, la poussière agit comme un substitut partiel du sébum.

Levée 40 minutes avant l'aurore, couchée 40 minutes après le coucher du soleil, l'autruche peut parcourir de 10 à 40 km par jour à la recherche de nourriture et d'eau, dans un milieu où l'une et l'autre sont chichement dispensées. Elle mène ainsi une vie de nomade, sauf en période de nidification ; elle ne s'installe alors que dans des régions où elle est sûre d'assurer facilement son alimentation.

Plusieurs positions pour dormir

Plusieurs positions pour dormir



En passant ses nuits auprès des autruches, le chercheur K. Immelman a pu observer comment elles dormaient : accroupies au sol, le cou dressé, elles somnolent ; de 1 à 4 fois par nuit et, chaque fois, pendant 1 à 16 minutes, elles tombent dans un profond sommeil, allongeant le cou par terre devant elles, ou le repliant pour le poser le long de leur corps.

1.2. Les mâles paradent, les femelles choisissent

Animal grégaire, l'autruche vit en famille ou en bande, tout au long de l'année. Mais, quand arrive, en septembre, le début de la saison des amours, familles et bandes se disloquent et toutes les autruches en âge de se reproduire se regroupent par sexe. Ces « groupes temporaires » de mâles, d'une cinquantaine d'individus environ dans les régions où l'espèce abonde, et ceux de femelles, moins nombreuses, subsistent jusqu'à la fin des appariements.

Au bout de quelques jours, les groupes se mêlent par intervalles, tandis que commencent les parades de séduction des mâles. Ceux-ci, le pénis sorti, gonflé et vivement coloré, dressent la queue, déploient leurs ailes, les tendent vers le ciel, puis les laissent pendantes, ou bien ils les font battre ensemble ou alternativement. Le plus souvent, les femelles prennent l'initiative. Chacune s'approche de celui des prétendants qu'elle a choisi. Il peut s'agir du même partenaire que l'année précédente, mais sans que cela soit la règle. Pour séduire son élu et lui marquer ses intentions, la femelle parade à son tour. Elle se redresse, ouvre les ailes, puis urine et défèque devant lui. La première tentative n'est pas toujours concluante et chacun retourne alors dans son camp. Si le mâle est réceptif, certaines parties de son corps changent de couleur. Parfois, un autre mâle s'interpose et les deux rivaux se livrent à des simulacres de lutte.

Pour finir, un couple s'éloigne, puis un autre et, l'ardeur sexuelle gagnant de proche en proche, la plupart des mâles parviennent à s'isoler avec une femelle.

La première élue choisit les concubines

Les deux oiseaux picorent alors rituellement de la nourriture de manière synchronisée. Puis, le mâle s'accroupit et bat des ailes en soulevant la poussière, tout en décrivant des cercles avec le cou et en poussant des cris sonores sur quatre notes, « bou bou bouh hou ». La femelle laisse pendre les ailes et la queue et tient la tête basse. Lorsqu'elle est prête, elle se plaque au sol et le mâle l'enjambe pour l'accouplement.

Quand le nombre des partenaires le permet, les mâles sont polygames et peuvent avoir jusqu'à trois ou quatre concubines de second rang. Mais c'est la première élue qui, ainsi dominante, choisit celles-ci, en s'interposant quand « son » mâle courtise des femelles dont elle ne veut pas.

Les couleurs de la séduction

Les couleurs de la séduction



Les mâles ont les plumes du corps noires, celles de la queue et des ailes d'un blanc pur. Quand ils sont prêts à se reproduire, leurs parties dénudées changent de couleur : celles de la sous-espèce type, Struthio Camelus camelus, deviennent plus vives et le cou passe du rose chair au rouge ; chez la sous-espèce méridionale, Struthio camelus australis, la tête, l'avant du tarse (partie inférieure de la patte) et le dessus des orteils virent du gris-bleu au rouge. Les femelles se contentent d'un plumage uni gris brunâtre et ne changent pas de couleur.

1.3. Les plus gros œufs du monde

Pendant la période de nidification, chaque « famille » d'autruches se définit un territoire, assez restreint, où elle fait son nid et qu'elle protège jusqu'à ce que ses petits aient 3 ou 4 jours. Ce territoire a un rayon qui peut varier de 50 m (en terrain abrité) à 800 m (en zone dégagée). Le mâle et la femelle le défendent vigoureusement (par des cris, des postures, des battements d'ailes) jusqu'au début de l'incubation des œufs. Ensuite, ils laissent les autres autruches y circuler, mais non s'y établir. Autour de ce territoire, s'étend un secteur tampon de quelques kilomètres, qui n'est pas réellement défendu. L'espacement correspond à la zone d'influence (portée maximale de la voix) de chaque autruche mâle. L'ensemble forme le supra-territoire du groupe d'autruches.

C'est le mâle qui choisit l'emplacement du nid, si possible dans une dépression, comme le lit d'un oued à sec. Le même nid peut d'ailleurs servir plusieurs années. Une fois le site retenu, l'oiseau gratte le sol de ses pattes, puis, s'accroupissant, parfait l'excavation par des mouvements du corps. Il forme ainsi une vaste cuvette, bordée par un bourrelet de terre circulaire, d'environ 3 m de diamètre. Son nid achevé, le mâle s'y installe et la femelle commence à déposer sa ponte devant son compagnon qui, à l'aide de son bec, fait rouler les œufs sous lui. Tous les deux jours, le plus souvent en fin de journée, elle vient pondre à nouveau. Si le mâle a un harem, les femelles pondent volontiers ensemble. La femelle principale donne jusqu'à 8 œufs, les autres seulement 3 ou 4, soit, au total une vingtaine d'œufs par nid. Un nid de 60 œufs a même été observé : en ce cas, le pourcentage de perte est très élevé.

Mâle et femelle couvent à tour de rôle

La période de ponte se situe en octobre et novembre, mais peut s'étendre jusqu'en février, ce qui, dans les cas les plus favorables, permet deux nidifications successives. L'œuf de l'autruche a une coquille épaisse et très résistante, d'un blanc crémeux satiné. C'est le plus gros œuf d'oiseau existant. Il mesure, en moyenne, 16 cm sur 13, pèse de 750 à 1 600 g et peut représenter jusqu'à la valeur d'une trentaine d'œufs de poule.

Après avoir apporté leur contribution, les femelles annexes sont chassées du territoire. Mais il arrive aussi que certaines d'entre elles participent, brièvement et de façon très irrégulière, à l'incubation, ou même que l'une d'elles évince la femelle principale et s'enfuie avec le mâle pour aller nidifier ailleurs. La femelle éconduite cherche alors un mâle isolé qui vienne l'aider à couver.

L'incubation ne commence que lorsque la ponte est complète, de sorte que tous les poussins éclosent en même temps et quittent le nid ensemble pour bénéficier d'une sécurité maximale. La couvaison demande de 39 à 42 jours. En général, le mâle couve la nuit et la femelle le jour, son plumage plus camouflé lui permettant d'être moins repérable par les prédateurs.

L'appel du mâle

L'appel du mâle



De tonalité sourde, mais audible de fort loin, l'appel de l'autruche mâle a une triple fonction : séduire sa partenaire, délimiter le territoire et maintenir à distance les autres animaux. En période nuptiale, il retentit de nuit comme de jour. L'autruche expulse vers la bouche l'air contenu dans la trachée, puis, bec fermé, le refoule dans l'œsophage, ce qui produit un gonflement du cou et un son guttural à quatre temps.

1.4. Une vie en groupes bien organisés

Il faut plusieurs jours aux poussins pour sortir de l'œuf et leurs efforts s'accompagnent de petits cris. Dès qu'ils sont à l'air libre, ils sont aussitôt secs et absorbent spontanément des petits cailloux et des aliments végétaux ou animaux. Leurs explorations, d'abord limitées aux environs du nid, les conduisent de plus en plus loin au bout de quelques jours, sous la garde des adultes. Vite indépendants, ils n'atteignent pourtant leur taille définitive qu'à 18 mois, et leur maturité sexuelle n'intervient pas avant 3 ou 4 ans.

Famille, superfamille ou groupe de jeunes

Le plus souvent, les jeunes demeurent en compagnie de leurs parents pendant environ 1 an, mais, en matière de structure sociale, on rencontre toutes sortes de variantes, selon l'importance du peuplement et les conditions alimentaires locales. Dans le nord de l'Afrique, là où les autruches ont vu leurs effectifs décroître progressivement, parents et jeunes restent ensemble, isolés. Dans le Sud, où les densités demeurent convenables, les familles ont tendance à se réunir jusqu'à la nidification suivante. Mais, lorsque la nourriture abonde, les groupes familiaux durent parfois peu de temps. Dès 2 ou 3 semaines, les poussins peuvent être chassés par les adultes, en proie à un second pic d'excitation sexuelle. Abandonnés, ils se rassemblent, par dizaines ou par centaines, et sont adoptés, souvent par deux mâles célibataires (ceux qui n'ont pas trouvé de partenaires lors de la saison d'accouplement) ou par plusieurs adultes accompagnés de subadultes. Les adultes adoptifs sont, ou non, eux-mêmes pourvus de leurs propres petits. Ces regroupements portent le nom de « superfamilles ».

Après quelques semaines, les jeunes sont définitivement livrés à eux-mêmes et forment des groupes errants d'immatures appelés à se maintenir jusqu'à leur maturité sexuelle. Toutefois, si la troupe est trop nombreuse, elle a tendance à se fractionner en unités moins importantes. Au bout d'1 an, plus souvent de 2, des liens peuvent s'établir au sein de ces bandes de jeunes immatures entre certains mâles et une ou plusieurs femelles, mais ils devront attendre encore avant de concrétiser ces ébauches d'unions.

Qu'il s'agisse de familles, de troupes rassemblant plusieurs familles, de superfamilles, de groupes d'immatures ou de groupes prénuptiaux, la vie de l'autruche est donc très largement placée sous le signe du grégarisme. Les formes d'association comprenant des adultes sont socialement organisées, les mâles et les femelles dominants – du fait de leur âge et de leur audace – occupent un rang privilégié et dirigent les activités : déplacements, bains de poussière, parades... De même, au fur et à mesure que les groupes de jeunes approchent de l'âge adulte, apparaît une hiérarchie, certains oiseaux plus vigoureux et plus entreprenants parvenant à s'imposer aux autres.

Les parades de diversion

Les parades de diversion



Pour protéger leurs petits, les autruches – surtout les mâles – ont recours à une ruse : face à un prédateur, une hyène par exemple, l'oiseau se met à courir en zigzag, en laissant alternativement pendre ses ailes. Croyant avoir affaire à un animal blessé, l'intrus se lance à la poursuite de cette « proie » facile qui, soudain, retrouve un comportement normal. Décontenancé, l'assaillant abandonne le plus souvent sa quête.

1.5. Milieu naturel et écologie

Selon les régions d'Afrique qu'elle fréquente, l'autruche peut habiter des milieux sensiblement différents, mais toujours caractérisés par leur aspect dégagé autorisant un champ de vision étendu. Il peut s'agir de plateaux pierreux, d'étendues sablonneuses à végétation clairsemée, mais aussi de la savane semi-désertique de la zone sahélienne, au sud du Sahara, ou de la savane herbeuse, à condition que les arbres et les buissons épars n'y soient pas trop nombreux. L'autruche apprécie également, surtout en période de nidification, le lit à sec des oueds traversant des terrains accidentés. En Afrique du Sud, on la rencontre dans le « veld », terme afrikaans qui désigne une formation herbeuse plus ou moins parsemée de buissons. En général, son habitat se situe en deçà de 100 m d'altitude. Localement, toutefois, l'autruche s'aventure plus haut, par exemple lorsqu'elle entreprend de remonter le lit asséché des cours d'eau. Mais, quel que soit son habitat d'élection, l'autruche évite toujours à la fois la proximité de l'homme et les milieux qu'il a remaniés. En revanche, elle est très attirée par l'eau, qu'il s'agisse de ruisseaux, de rivières, de mares temporaires ou même de minuscules points d'eau situés dans des anfractuosités de rochers.

Une bonne adaptation aux milieux semi-désertiques

Les milieux qu'habite l'autruche, surtout ceux de type semi-désertique, présentent d'importantes variations de température entre le jour et la nuit. Les températures diurnes excèdent souvent 40 °C, alors que les valeurs nocturnes descendent au-dessous 0 °C. Pour lutter contre ces conditions extrêmes, l'autruche dispose d'un plumage fourni et bouffant qui, en emprisonnant l'air, forme un bon matelas isolant. Durant la journée, il empêche le rayonnement solaire d'atteindre directement la peau du corps et, pendant la nuit, il conserve la chaleur corporelle. Ses ailes, agissant à la façon de larges éventails, servent à l'oiseau pour rafraîchir le sang qui circule dans les vaisseaux superficiels de la peau nue des cuisses. Un système supplémentaire de refroidissement est constitué par les palpitations rapides de la peau de la gorge et du haut du cou. Là aussi, le sang circulant dans cette partie du corps est rafraîchi au contact de l'air et contribue à l'abaissement de la température interne.

La pauvreté nutritive du milieu qu'elle fréquente et la difficulté à y trouver de l'eau ont une influence directe sur la stratégie de déplacement de l'espèce, qui parcourt ainsi facilement 10, 20, 30 ou 40 km par jour. Plus les conditions écologiques sont rudes, plus l'autruche nomadise. Elle peut aussi retarder sa nidification, ou ne pas nidifier du tout. L'espèce est équipée pour parcourir sans fatigue excessive des distances respectables, mais des sécheresses prolongées sur des régions étendues peuvent entraîner de sévères baisses des effectifs.

Des menaces pèsent sur les jeunes mais peu sur les œufs

L'autruche adulte en bonne santé n'a pour ainsi dire pas d'ennemis directs, hormis l'homme. Sa vigilance constante et sa course rapide suffisent normalement à la maintenir à l'abri des mammifères prédateurs. Il n'en va pas de même pour les jeunes qui, malgré la surveillance exercée par les parents, sont souvent la proie des hyènes, des chacals et parfois des lions. Quant aux œufs, la robustesse de leur coquille les protège d'ordinaire. Une exception existe cependant. Le vautour percnoptère, rapace blanc et noir de la taille d'une poule, est en effet capable d'utiliser un outil pour les ouvrir. Saisissant une pierre avec son bec, il la projette vigoureusement sur la coquille et répète l'opération jusqu'à ce qu'elle cède. Dès qu'il a réussi à pratiquer un orifice, il plonge le bec dans l'œuf où il puise une nourriture hautement énergétique.

Un rôle de sentinelle

L'autruche entretient avec d'autres animaux, principalement des grands herbivores tels que les zèbres, les diverses gazelles et la plupart des antilopes, des relations fondées sur une entraide, involontaire certes, mais efficace. Sa grande taille et sa vue excellente en font en effet une sorte de sentinelle dont les animaux qui paissent à proximité tirent profit pour échapper aux dangers. Parallèlement, et toujours grâce à sa taille, l'autruche ne manque pas de remarquer les mouvements des herbivores qui auraient perçu un péril avant elle.

2. Une seule espèce d'autruche

2.1. Autruche (Struthio camelus)

Pouvant atteindre 2,75 m de haut et 150 kg, l'autruche est le plus grand des oiseaux vivants. Les femelles sont, néanmoins, nettement plus petites que les mâles.

Tout ce qui rend possible le vol chez les oiseaux a subi chez l'autruche de sensibles modifications. Les plumes ont une structure bien particulière (voir encadré). Les muscles pectoraux sont atrophiés, de même que le bréchet, cette saillie osseuse du sternum sur laquelle ils s'implantent normalement. Les clavicules ont disparu, le squelette et la musculature des ailes ont subi une simplification. Seuls les fémurs sont pneumatisés : leur structure osseuse alvéolaire les allège sans diminuer pour autant leur résistance.

Comme tous les oiseaux, l'autruche mue, mais on ne connaît ni la périodicité ni les modalités de ces mues en nature.

L'autruche est dotée de membres postérieurs très développés, terminés par deux doigts, fait unique chez les oiseaux. Le doigt interne, plus imposant que l'autre, porte un ongle robuste qui peut être utilisé comme arme contre les prédateurs à l'occasion de puissants coups de pied. La longueur des pattes, leur volumineuse musculature et la conformation particulière des pieds autorisent des déplacements rapides. L'autruche atteint facilement 30 km/h (et même 50 km/h) pendant un quart d'heure, voire une demi-heure. En cas de nécessité vitale, elle peut même pousser des pointes jusqu'à 70 km/h. Une telle endurance suppose un muscle cardiaque puissant et développé. Même les jeunes d'un mois sont déjà capables de courir à 50 km/h ! Championne à la course, l'autruche possède aussi une bonne technique du saut en hauteur. En prenant de l'élan, elle parvient à franchir des obstacles s'élevant à 1,50 m.

La vue et l'ouïe de l'autruche sont toutes deux excellentes. Les yeux, placés à plus de 2 m de haut, constituent un excellent système de repérage, tant de la nourriture que des congénères ou des périls. Le trou auriculaire, largement ouvert, capte les sons les plus ténus et parfait ainsi le système de défense.

Son régime alimentaire à dominante herbivore et les grandes quantités de nourriture qu'elle absorbe ont valu à l'autruche des spécialisations anatomiques. Son estomac a trois lobes pour augmenter la surface de la muqueuse gastrique sécrétant les sucs digestifs, sans pour autant accroître le volume total de l'organe. Quant à l'intestin, il atteint la longueur respectable de 14 m.

En ce qui concerne les organes génitaux, l'autruche présente la particularité, commune avec les canards et avec d'autres oiseaux non volants (comme le nandou ou l'émeu), d'avoir un pénis exsertile : normalement caché dans le cloaque – partie terminale de l'intestin –, il apparaît en se déroulant comme le ferait le doigt retourné d'un gant.

Contrairement à la plupart des oiseaux, et notamment à tous ceux qui volent, l'autruche élimine l'urine sous forme liquide et séparément des excréments. Cela est sans doute en relation avec les énormes quantités d'eau qu'elle absorbe.

Sous-espèces

Quatre sous-espèces d'autruches existent encore :

Autruche d'Afrique du Nord, Struthio camelus camelus, menacée, habite les zones saharienne et sahélienne.

Autruche des Somalis, Struthio camelus molybdophanes, vit dans la corne de l'Afrique, au nord-est du continent.

Autruche des Massaïs, Struthio camelus massaicus, vit en Afrique orientale.

Autruche d'Afrique du Sud, Struthio camelus australis, se rencontre au sud du continent, à partir du fleuve Zambèze.

Les différentes populations ne diffèrent que par la couleur des parties nues, du cou notamment.

Une autre sous-espèce, l'autruche d'Arabie, Struthio camelus syriacus, commune jusqu'au début de ce siècle, est considérée comme éteinte depuis 1941.

          

AUTRUCHE

Nom (genre, espèce) :

Struthio camelus

Famille :

Struthionidés

Ordre :

Struthioniformes

Classe :

Oiseaux

Identification :

Grand oiseau coureur, à longues pattes et queue en panache ; long cou

Taille :

Femelles : de 1,75 à 1,90 m ; mâles : de 2,10 à 2,75 m

Poids :

De 63 à 150 kg

Répartition :

Afrique

Habitat :

Zones désertiques ou semi-désertiques

Régime alimentaire :

Omnivore à dominante herbivore

Structure sociale :'

Grégaire ; surtout polygame

Maturité sexuelle :

À 3 ou 4 ans

Saison de reproduction :

De la fin septembre à février

Durée d'incubation :

De 39 à 42 jours

Œuf :

De 755 à 1 618 g pour 13 à 16 cm de diamètre

Nombre de jeunes par couvée :

Souvent entre 10 et 20

Longévité :

En moyenne 30 ans ; jusqu'à 70 ans, en captivité

Effectifs :

Inconnus

 

2.2. Signes particuliers

Paupière nictitante

Pour mieux protéger son œil du sable, l'autruche possède une paupière nictitante se fermant horizontalement, de l'intérieur vers le bord externe de l'œil.

Plumes

Les plumes des oiseaux volants ont une structure qui assure leur cohésion et les rend imperméables à l'air. Les barbes, de part et d'autre de l'axe central, ou rachis, portent des excroissances, les barbules, reliées entre elles par de petits crochets, les barbillons. Chez l'autruche, les barbes sont dépourvues de ce système d'accrochage et présentent des barbules molles, indépendantes les unes des autres, ce qui confère aux plumes un aspect gonflant et duveteux.

Tête et cou

De tous les oiseaux, l'autruche est celui qui a le plus long cou. Cette particularité morphologique a deux avantages notables : elle permet à l'oiseau d'atteindre les hauts feuillages qui échappent à de nombreux autres herbivores – notamment aux mammifères de plus petite taille, comme les gazelles –, la compétition alimentaire en est ainsi réduite ; sa tête étant ainsi haut perchée, l'autruche dispose d'un vaste champ de vision qui lui permet de repérer de très loin les dangers potentiels. Ses gros yeux sont bien adaptés à la vie en milieu désertique. De longs cils fournis les protègent des vents de sable. Le large trou auriculaire, dirigé vers l'arrière, est également abrité par un faisceau de plumes formant pavillon.

3. Les autres espèces de struthioniformes

Les grands oiseaux terrestres non volants, connus sous le nom générique de « ratites » (un terme qui n'a plus de valeur systématique), sont l'objet de controverses multiples quant à leur classification. On les groupe souvent en un ordre unique, celui des struthioniformes (organisation systématique retenue ici), mais certains auteurs considèrent qu'ils se répartissent en quatre ordres distincts (les struthioniformes pour l'autruche, les zhéiformes pour les deux espèces de nandous, les casuariiformes pour les trois espèces de casoars, et les dromaiiformes pour l'émeu, et les aptéryformes, qui réunit les quatre espèces de kiwis, ou aptéryx).

Les points communs entre les ratites sont nombreux. Comme tous les oiseaux aptères (qui ont perdu l'usage de leurs ailes), ils ont le bréchet, les ailes et les muscles pectoraux atrophiés – ces derniers étant malgré tout plus développés chez les oiseaux aptères aquatiques, comme le manchot, le canard-vapeur ou le cormoran aptère, qui utilisent leurs ailes pour se mouvoir dans l'eau.

Chez les ratites, les clavicules sont peu développées ou absentes. En revanche, ce sont des oiseaux terrestres et coureurs, qui ont tous des pattes robustes, peuvent se déplacer rapidement. Leur cou est long, sauf chez les kiwis. Leurs plumes, ne leur servant pas à voler, ont une structure lâche et un aspect duveteux. Ils sont tous dépourvus de glande uropygienne qui permet aux autres oiseaux la lubrification de leur plumage. En outre, les ratites possèdent un pénis exsertile et évacuent l'urine séparément des excréments.

3.1. Les nandous

Assez semblables à l'autruche, les nandous s'en distinguent par l'emplumage du cou et des « cuisses », l'absence de queue saillante et la présence de trois doigts à chaque pied. Leur plumage est gris à gris noirâtre.

Les nandous vivent en Amérique du Sud. Les groupes sont constitués de quelques femelles et d'un mâle, ce dernier se chargeant de l'incubation de la vingtaine d'œufs pondus par son harem. Après la saison de reproduction, des bandes temporaires de plusieurs dizaines d'oiseaux se forment parfois.

Nandou d'Amérique(Rhea americana)

Plus petit que l'autruche, il mesure 1,70 m et pèse jusqu'à 25 kg. Les mâles sont plus grands que les femelles.

Taille des œufs : 135 × 95 mm ; poids : de 530 à 680 g.

Répartition : de l'est du Brésil à la moitié nord de l'Argentine, Paraguay, Uruguay.

Habitat : steppes des régions basses (pampa).

Alimentation : omnivore, les éléments végétaux, notamment les graminées, prédominant sur les insectes et les petits vertébrés.

Nandou de Darwin (Pterocnemia pennata)

Il est légèrement plus petit que le nandou américain et mesure 1,60 m pour un poids de moins de 20 kg.

Taille des œufs : 125 × 85 mm ; poids : de 500 à 550 g.

Répartition : la sous-espèce Pterocnemia pennata pennata habite la moitié sud de l'Argentine, jusqu'à la Terre de Feu, cependant que la sous-espèce Pterocnemia pennata garleppi est confinée à une partie de la Bolivie ; Pterocnemia pennata tarapacensis vit dans une zone restreinte juste au sud de l'aire de cette dernière.

Habitat : prairies des hauts plateaux andins, entre 3 500 et 4 000 m.

Alimentation : omnivore, les éléments végétaux, notamment les graminées, prédominant sur les insectes et les petits vertébrés.

3.2. Les casoars

Les casoars vivent en Australie. Ils sont caractérisés par une crête osseuse qui surmonte leur crâne. Ce « casque », de forme variable suivant les espèces, aide les casoars à se frayer un passage dans la végétation touffue qui constitue leur milieu vital. Animaux trapus à cou moyennement long, les casoars sont les plus gros des oiseaux après l'autruche. Leurs pattes très robustes ont trois doigts, le doigt interne étant porteur d'un ongle long et tranchant utilisé comme arme défensive. De teinte générale brune à brun noirâtre, ces oiseaux ont des replis de peau bleus et rouges à la tête et en haut du cou.

Tous les casoars sont frugivores. En dehors de la période nuptiale, ils vivent en solitaires. C'est le mâle qui couve seul les 3 à 8 œufs pondus par la femelle dans une dépression du sol tapissée de feuilles.

Casoar à casque (Casuarius casuarius)

Mesurant 90 cm au niveau du dos, il peut peser jusqu'à 85 kg.

Casque haut et arrondi. Deux lobes de peau rouge sur le devant du cou.

Répartition : forêt dense ; nord de l'Australie et Nouvelle-Guinée.

Casoar unicaronculé (Casuarius unappendiculatus)

De même poids que le casoar à casque, mais un peu plus grand : 1 m au niveau du dos.

Casque aplati sur l'arrière. Lobe unique, rouge, au milieu du cou. Deux lobes à la base du bec.

Répartition : forêt dense ; nord de l'Australie et Nouvelle-Guinée.

Casoar de Bennett (Casuarius bennetti)

Le plus petit des casoars : 80 cm au niveau du dos.

Casque peu élevé, aplati sur l'avant et l'arrière. Pas de lobe.

Répartition : forêt dense ; nord de l'Australie et Nouvelle-Guinée.

3.3. Les émeus

L'émeu rappelle grossièrement l'autruche, mais possède un cou au plumage fourni et des « cuisses » emplumées. Il a, en outre, trois doigts à chaque pied. Le plumage du corps est brunâtre. La tête, noirâtre, porte sur les côtés des zones de peau bleue.

Le mâle prend en charge l'incubation des 15 à 25 œufs pondus par plusieurs femelles.

L'émeu est très mal vu des éleveurs et des agriculteurs australiens, qui lui reprochent de se nourrir au détriment du bétail et de commettre des dégâts dans les champs de céréales. Ces animosités conjuguées se sont traduites par des opérations de destruction à grande échelle, qui ont entraîné la disparition de dizaines de milliers d'émeus.

Il n'existe aujourd'hui qu'une espèce d'émeu, mais il n'y pas si longtemps, deux autres, exterminées aux xixeet xxesiècles, se rencontraient sur des îles australiennes.

Émeu (Dromaius novaehollandiae)

Taille : 1,80 m (1 m au niveau du dos).

Poids : 55 kg.

Répartition : Australie.

Habitat : steppes buissonnantes.

Alimentation : omnivore ; essentiellement des végétaux.

Émeu noir (Dromaius ater ou dromaius minor)

Cette espèce, découverte en 1802, était endémique de l'île King, située dans le détroit de Bass, entre le sud-est de l'Australie et le nord-ouest de la Tasmanie. Elle a été exterminée avant le milieu du xixe siècle, probablement par les marins qui faisaient des stocks de vivre. Elle mesurait 80 cm au niveau du dos.

Émeu de Baudin (Dromaius baudinianus)

Découvert, comme l'émeu noir, en 1802, l'émeu de Baudin (du nom d'un des naturalistes de l'expédition) était endémique de l'île Kangaroo, au sud de l'Australie. Mais il disparaît peu après sa découverte, probablement dans le courant des années 1820… En effet, un document daté de 1837 indique qu'il n'avait pas été observé depuis dix ans. On pense que l'émeu de Baudin a succombé à la chasse systématique que lui livrait un colon, combinée à la destruction de son habitat par le feu.

3.4. Les kiwis, ou aptéryx

Les kiwis, ou aptéryx, sont les ratites qui ressemblent le moins aux autres oiseaux du groupe. Ils sont nettement plus petits, mesurant entre 35 et 55 cm de haut. Leur cou est à la fois plus court et plus épais. Leur corps est arrondi, sans queue saillante. Leur bec est allongé et entouré, à la base, de longues plumes ayant l'aspect de poils et appelées « vibrisses ». Chaque pied porte quatre doigts. Le plumage est brun, marbré ou non de brun plus clair, selon les espèces.

Les kiwis, qui tirent leur nom commun de l'un de leurs cris, ont des habitudes nocturnes, ce qui contribue à les distinguer encore davantage des autres ratites. Ces mœurs nocturnes vont de pair avec un repérage olfactif des vers et des larves dont ils se nourrissent. Les narines, situées à l'extrémité du bec, sont ainsi mieux à même de détecter les odeurs. L'ouïe est également bien développée, mais les yeux sont petits et la vue peu performante.

La ponte a lieu dans un terrier bien dissimulé et c'est au mâle qu'incombe l'incubation de l'œuf unique ou des 2 œufs. En dehors de la saison de reproduction, les kiwis vivent plutôt isolément. On en connaît 4 espèces. Toutes sont protégées.

Kiwi austral (Apteryx australis)

Longueur : 55 cm, dont un bec de 110 à 206 mm.

Poids : de 2 kg (mâles) à 3 kg (femelles).

Répartition : Nouvelle-Zélande.

Habitat : forêts, jusqu'en altitude.

Statut : vulnérable.

Kiwi (ou aptéryx) de Mantell (Apteryx mantelli)

Proche du kiwi austral, dont il était autrefois considéré comme une sous-espèce.

Répartition : Nouvelle-Zélande, en quelques zones fragmentées de l'île du Nord et sur quelques petites îles proches (jadis répandus dans l'île du Nord comme dans l'île du Sud).

Statut : menacé.

Aptéryx (ou kiwi) d'Owen (Apteryx owenii)

Longueur : de 35 à 55 cm, dont un bec de 75 à 100 mm.

Poids : de 1 à 2 kg.

Répartition : Nouvelle-Zélande, uniquement l'île du Sud.

Habitat : forêts, jusqu'en altitude.

Statut : vulnérable.

Kiwi roa (Apteryx haastii)

Appelé aussi grand aptéryx tacheté.

Proche du kiwi d'Owen, dont il était autrefois considéré comme une sous-espèce.

Répartition : Nouvelle-Zélande, uniquement île du Sud.

Statut : vulnérable.

4. Origine et évolution de l'autruche

Tous les oiseaux ne volent pas... Certains d'entre eux, comme le manchot, les brassemers ou « canards-vapeur », le cormoran aptère, sont tout à fait à leur aise sur l'eau, mais incapables de se déplacer dans les airs. D'autres préfèrent la terre ferme et sont champions à la course, comme les struthioniformes. Ce sont l'autruche d'Afrique, les nandous d'Amérique du Sud, l'émeu d'Australie, les casoars du nord de l'Australie et de Nouvelle-Guinée et les kiwis de Nouvelle-Zélande. Leur histoire évolutive n'est pas élucidée, mais on suppose que tous dérivent d'un même ancêtre commun. Ayant évolué à partir d'oiseaux capables de voler, ils  auraient progressivement perdu l'usage de leurs ailes et acquis de remarquables capacités de coureurs leur permettant d'échapper à leurs prédateurs et de parcourir d'importantes distances pour trouver leur nourriture.

L'observation de fossiles retrouvés laisse penser que l'autruche est issue d'oiseaux coureurs de taille moyenne, des struthionidés, qui parcouraient les steppes de l'Asie dès l'éocène, il y a entre 40 et 55 millions d'années. La lente évolution de ces formes primitives aboutit, au cours du pliocène, voici 12 millions d'années, à l'apparition d'oiseaux géants. Ces espèces démesurées, de quelque 4 m de haut, étendent leur aire de dispersion vers le nord, jusqu'en Mongolie, à l'ouest, en Europe, et vers le sud, jusqu'aux confins de l'Afrique, partout où se trouvent des habitats herbeux ouverts. À mesure que leur taille diminue, elles gagnent en vélocité. Il y a 2 millions d'années, elles ressemblent fort aux autruches d'aujourd'hui.

Après avoir disparu d'Asie et d'Europe, pour des raisons mal connues, les autruches ont longtemps été répandues dans toutes les plaines herbeuses et semi-désertiques d'Afrique et du Proche-Orient. Puis leur aire de répartition a commencé de régresser. Elles ont été victimes des modifications climatiques qui ont transformé en désert le Sahara, vert et boisé il y a 6 000 ans. Soumises à une chasse intensive, elles se sont éteintes en Asie occidentale et dans la péninsule arabique (régions où l'on en rencontrait encore au milieu du xxesiècle) et dans de nombreuses régions du nord de l'Afrique. Aujourd'hui, la quasi-totalité des autruches se rencontre au sud de l'équateur.

5. L'autruche et l'homme

L'autruche fait aussi partie de notre univers familier à travers ds expressions telles « pratiquer la politique de l'autruche » et « avoir un estomac d'autruche ». L'oiseau géant a, de tout temps, impressionné l'homme, qui s'est auréolé de ses superbes plumes et lui a parfois pris ses œufs, sa peau et sa viande.

5.1. Politique et estomac d'autruche : qu'y a-t-il de vrai ?

Personne n'a jamais vu une autruche se cacher la tête dans le sable pour échapper à un péril. Pourtant, la légende a valu au grand oiseau coureur de symboliser le refus de voir le danger dans l'expression « pratiquer la politique de l'autruche ». En réalité, la tactique de l'animal est beaucoup plus subtile. Si elle est menacée, l'autruche peut s'aplatir à terre et, pour dissimuler son long cou, l'allonger devant elle : par un effet de mirage dans les régions désertiques, elle peut ainsi donner l'impression d'avoir disparu du paysage avant même d'avoir atteint l'horizon.

Pour ce qui est de la capacité à ingurgiter des choses surprenantes, l'expression « avoir un estomac d'autruche » ne ment pas. Autopsiant une autruche élevée en captivité, le chercheur P. Dekeyser a retrouvé des clous, des pièces de monnaie, des morceaux de fil de fer, des boucles de ceinture et même... la clé de l'enclos ! D'autres exemples d'ingurgitations improbables ont été répertoriés dans des zoos. Tous les objets brillants, métalliques ou en verre, attirent l'autruche comme la pie. Pourvue d'une plus large cavité buccale, elle est simplement mieux à même de les avaler. Mais les autruches, insatiables, risquent de mourir de perforations intestinales.

5.2. Élevées dans des fermes surtout pour leurs plumes

Immenses et bouffantes, les plumes d'autruche, pour les Égyptiens, symbolisaient la justice et l'équité, car elles sont de largeur égale de part et d'autre de leur axe central (ce qui n'est pas le cas chez les autres oiseaux). Une plume d'autruche surmontait ainsi la tête de la déesse égyptienne Maat, qui présidait à la pesée des âmes. Les chasse-mouches des pharaons et des hauts dignitaires étaient en plumes d'autruche pour rappeler que leur devoir essentiel était la justice.

Les plumes d'autruche ont aussi été utilisées pour la décoration des attributs guerriers. Les Égyptiens en ornaient le frontal des chevaux qui tiraient leurs chars de combat ou de parade, et, au Moyen Âge, elles surmontaient souvent le heaume des chevaliers. Plus tard, elles ont servi, notamment, à empanacher le large feutre des mousquetaires.

À partir du xviie siècle en Occident, elles paraient les coiffures des dames de la noblesse et les chapeaux extravagants des premiers artistes lyriques. Mais c'est au cours du xixe siècle que les plumes d'autruche connaissent leur plus grand succès en suscitant un véritable engouement. Les modistes en font une énorme consommation et les revues à grand spectacle, des deux côtés de l'Atlantique, ne peuvent être conçues sans une profusion de plumes froufroutantes. Pour satisfaire une telle demande, la chasse ne suffit plus, sous peine de voir se tarir définitivement la source. Aussi voit-on apparaître des fermes spécialisées dans l'élevage des autruches. La première est créée en 1838, en Afrique du Sud, dans la vallée du Petit Carro, au sud de la province du Cap. La région, fertile et facile à irriguer, permet de planter des champs de luzerne, où les autruches sont lâchées en semi-liberté. Les fermes se multiplient ; en 1875, 2 159 autruches sont élevées dans cette région, et 110 000 en 1914. On voit apparaître des élevages en Algérie, en Sicile et en Floride. Une ferme est même créée en France, à Nice, et une autre en Allemagne, à Hambourg. Dans les années 1910, l'Afrique du Sud exporte 370 000 kg de plumes d'autruche par an, ce qui représente un nombre de plumes considérable. Puis, avec la guerre, tout bascule. La mode changee, les chapeaux se portent moins. Seuls les music-halls ont encore des besoins importants, et aujourd'hui encore, les plumes sont surtout utilisées par l'industrie du spectacle. Les plus recherchées sont celles des mâles, les noires, mais plus encore les blanches, qui se prêtent bien à la teinture. La collecte des plumes se fait tous les neuf mois, peu après la mue, afin qu'elles ne soient pas encore usées. Les plumes ne sont pas arrachées, mais coupées au ras de la peau (ce qui est indolore pour l'animal) et prélevées uniquement sur des autruches de 3 à 12 ans.

Les fermes d'autruches produisent aujourd'hui également du cuir, de la viande (consommée sous forme de steaks, de terrines, etc.) et des œufs. Ces élevages, que l'on peut tous visiter, ont aussi une fonction touristique, en Afrique (où sont organisées des courses d'autruches montées par des jockeys) comme en Europe.

5.3. L'homme responsable du déclin des autruches

Du fait de l'élevage, l'autruche n'est pas menacée en tant qu'espèce, mais, sous la pression de l'homme, elle n'a cessé de voir son aire de répartition reculer. Depuis l'introduction des armes à feu, la chasse en a été un grand responsable. La sous-espèce d'Afrique du Nord (Struthio camelus camelus), autrefois largement répandue, a ainsi vu son déclin s'amorcer au cours de la seconde moitié du xixesiècle. Après avoir disparu d'Égypte et de Libye, elle s'est éteinte en Algérie et au Maroc aux alentours de 1900. Sa situation dans la partie occidentale du Sahara, où elle subsiste aujourd'hui, est extrêmement précaire. Il est à craindre que l'autruche d'Afrique du Nord ne disparaisse totalement, connaissant le même sort fatal que l'autruche d'Arabie (Struthio camelus syriacus). Celle-ci habitait la moitié nord de l'Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie, l'Iraq et l'ouest de l'Iran. Soumise à une chasse intensive, cette sous-espèce a été exterminée d'Arabie vers 1900. Elle est parvenue à se maintenir ailleurs jusque vers 1914. Par la suite, son déclin s'est accentué très rapidement, et la dernière autruche d'Arabie a été abattue en 1941...

Les autres sous-espèces (Struthio camelus massaicus en Afrique de l'Est, Struthio camelus australis dans le sud du continent et Struthio camelus molybdophanes dans le nord-est) sont surtout confrontées à la réduction de leur habitat où la présence de grands troupeaux domestiques perturbe les oiseaux nicheurs. Toutefois, son aire de répartition reste étendue, et elle demeure commune dans les régions où elle vit, raison pour laquelle elle est inscrite dans la catégorie « préoccupation mineure » sur la Liste rouge des espèces menacées.

5.4. Traditions africaines

Les Bochimans, qui habitent le désert du Kalahari, au sud-ouest de l'Afrique, chassent l'autruche à l'arc, pour les quelque 100 kilos de viande que fournit l'oiseau. Les Bochimans recherchent aussi les œufs, dont ils font des omelettes et conservent les coquilles. Coupées en deux, elles servent de bol pour puiser l'eau ; percées d'un simple trou, elles font un récipient ; fragmentées, elles deviennent des bijoux. Les œufs sont aussi des cadeaux funéraires appréciés.

Pour les Massais, l'autruche a, plus encore, une valeur symbolique. Après avoir chassé eux-mêmes l'oiseau mâle, les jeunes guerriers se confectionnent avec ses plumes noires une coiffure auréolant la tête, qu'ils portent lors de l'Eunoto, grande cérémonie initiatique de l'époque guerrière.

L'œuf aux pouvoirs magiques

L'œuf aux pouvoirs magiques



Les Éthiopiens attribuent des vertus particulières aux œufs d'autruche. Dans le sud de l'Éthiopie, on place sur la tombe des guerriers morts autant d'œufs d'autruche que le défunt a tué d'ennemis.

Les roues à 7 branches, sur les églises orthodoxes d'Éthiopie, portent des œufs d'autruche qui symbolisent chacun une vertu. Ils auraient le pouvoir magique de protéger de la foudre.