connexionnisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Calque de l'anglais connectionism.

Philosophie de l'Esprit, Psychologie

Conception de la modélisation de la cognition qui s'inspire du fonctionnement des réseaux de neurones.

Le connexionnisme, encore appelé théorie des réseaux de neurones, ou traitement parallèle distribué, est une approche de la cognition rivale du paradigme symbolique, qui s'est largement développée à partir des années 1980. Cette approche est issue de la tradition cybernétique, dont les fondateurs, W. McCullogh et W. Pitts(1), ont proposé en 1943 la première modalisation des neurones formels.

Qu'est-ce qu'un réseau connexionniste ?

Le connexionnisme propose une conception de l'activité cognitive inspirée de ce que l'on sait du système nerveux. L'idée fondamentale est qu'un réseau connexionniste est constitué par un ensemble d'unités élémentaires, dont chacune possède un certain niveau d'activation ; ces unités sont connectées entre elles de sorte que les unités actives puissent activer ou inhiber d'autres unités. Le réseau forme ainsi un système dynamique tel que, lorsqu'on lui fournit une entrée initiale, l'activation se propage dans le réseau jusqu'à atteindre un état stable. Les réseaux connexionnistes comportent en outre une méta-dynamique : le poids des connexions entre unités élémentaires peut être modifié, ce qui les rend susceptibles d'apprentissage. Il existe plusieurs types d'architectures connexionnistes, qui sont différents par leurs modes de connectivité entre unité, et par leurs règles d'activation pour les unités. Il existe également différentes familles de méta-dynamiques ou modes d'apprentissage de ces réseaux(2).

Paradigme connexionniste et paradigme symbolique

Ces deux paradigmes peuvent être considérés comme des approches computationnelles de la cognition. Ils mettent toutefois en jeu une conception très différente du calcul. Alors que le paradigme symbolique conçoit la cognition comme un processus de manipulation de symboles en conformité avec des règles, le connexionnisme la conçoit comme un calcul parallèle distribué sur l'ensemble d'un réseau. Le connexionnisme se distingue également par sa conception des représentations. Celles-ci ne sont plus conçues comme des suites de symboles dotés d'une syntaxe et d'une sémantique compositionnelles et ayant un format propositionnel, mais ce sont les états d'activation d'un réseau qui reçoivent une interprétation sémantique. Les représentations ne sont pas discrètes, mais distribuées et surimposées de telle sorte que les mêmes unités ou connexions peuvent remplir de multiples rôles représentationnels plutôt qu'un rôle donné. Enfin l'interprétation assignée à ces états d'activation n'est pas arbitraire, comme c'est souvent le cas dans les systèmes symboliques. Dans la mesure où le réseau est connecté à des entrées sensorielles réelles, où les états d'activation sont le produit d'un apprentissage, l'intentionnalité des représentations peut être considérée comme authentique et non comme projetée par un interprète externe.

Forces et faiblesses du connexionnisme

Les réseaux connexionnistes ont l'avantage d'une certaine plausibilité neurobiologique. Leurs capacités d'apprentissage, de modélisation des processus de catégorisation et de reconnaissance des formes constituent leurs points forts(3). Toutefois, certains critiques voient dans le connexionnisme une résurgence de l'associationnisme, et mettent en cause les capacités des réseaux à modéliser les capacités cognitives supérieures impliquées notamment dans les tâches de raisonnement. Fodor et Pylyshyn(4) soutiennent que ces réseaux, qui n'emploient pas de représentations symboliques dotées d'une syntaxe compositionnelle, ne sauraient rendre compte de la productivité et de la systématicité de la pensée, autrement dit de la capacité à produire et à comprendre des propositions appartenant à un ensemble infini. En réponse à ces critiques, certains connexionnistes essayent de montrer que l'on peut rendre compte de la systématicité de la pensée sans faire intervenir des représentations dotées d'une syntaxe compositionnelle explicite, d'autres admettent la complémentarité des approches symbolique et connexionniste et développent des modèles hybrides.

Élisabeth Pacherie

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ McCulloch, W. S., et Pitts, W., « A Logical Calculus of the Ideas Immanent in Nervous Activity », in Anderson, J. A., et Rosenfeld, F. (éd.), Neurocomputing : Foundations of Research, MIT Press, Cambridge (MA), 1988.
  • 2 ↑ Bechtel, W., et Abrahamsen, A., le Connexionnisme et l'esprit, trad. J. Proust, La Découverte, Paris, 1993.
  • 3 ↑ McClelland, J. L., et Rumelhart, D., Parallel Distributed Processing. Explorations in the Microstructure of Cognition, MIT Press, Cambridge (MA), 1986.
  • 4 ↑ Fodor, J. A., et Pylyshyn, Z. W., « Connectionism and Cognitive Architecture : a Critical Analysis », Cognition, 28, 1988, pp. 3-71.
  • Voir aussi : Horgan, T., et Tienson, J., Connectionism and the Philosophy of Psychology, MIT Press, Cambridge (MA), 1996. McDonald, G., et McDonald, C., Connectionism, Blackwell, Oxford, 1995.

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