Nicolas Machiavel

en italien Niccolo Machiavelli

Nicolas Machiavel
Nicolas Machiavel

Homme politique et écrivain italien (Florence 1469-Florence 1527).

La vie

« Je suis né pauvre et j'ai appris plutôt à peiner qu'à jouir », écrivait Machiavel en 1513 à son ami Francesco Vettori (1474-1539). On ignore au demeurant presque tout de son enfance et de son adolescence jusqu'au début, en 1498, de sa carrière politique. Sa profonde connaissance du latin atteste le sérieux de ses études, mais, s'il cultiva la musique, rien n'indique qu'il ait jamais appris le grec. Dans sa jeunesse, il fut surtout le témoin des principaux bouleversements politiques qui allaient livrer l'Italie à la domination étrangère, dont toute son œuvre ne cessera d'interroger les conséquences : en 1492, mort de Laurent de Médicis, auquel succède son fils Pierre, tandis qu'Alexandre VI Borgia accède au trône pontifical ; en 1494, descente de Charles VIII en Italie et chute de Pierre de Médicis ; instauration, enfin, d'une république théocratique à Florence, laquelle survivra, dans ses institutions républicaines, à son fondateur Savonarole, excommunié en 1497, puis pendu et brûlé en 1498, quelques jours à peine avant l'entrée de Machiavel dans sa charge de secrétaire de la seconde chancellerie, puis de la chancellerie des « Dieci di Libertà e Balia » (ou « Dieci della guerra »), dont dépendent les affaires militaires et la diplomatie.

D'autre part, le jeune Machiavel, grandi dans Florence, prit très tôt conscience à la fois de l'incontestable primat culturel et économique que détenait encore dans le monde sa ville natale et de la crise – aggravée par la violence des factions – qui commençait à la travailler.

Ses premiers écrits sont directement inspirés par son activité politique et diplomatique. Ses premières missions le conduisent à Piombino et Imola en 1499, année où il compose le Discorso fatto al magistrato dei Dieci sopra le cose di Pisa, et sa première ambassade en France date de 1500. Après diverses légations à Pistoia, à Cascina et à Sienne (1501), Machiavel est envoyé en 1502 à Urbino auprès de César Borgia, dont les conquêtes – entreprises à partir de 1499 – et le génie politique seront longuement cités en exemple dans le Prince. La même année, Machiavel, qui a épousé entre-temps Marietta (fille de Luigi) Corsini, rédige le Ragguaglio delle cose fatte dalla repubblica fiorentina per quietare le parti di Pistoia et réussit à consolider sa position en obtenant que Piero Soderini (1452-1522) – dont il est le confident et le bras droit – soit élu gonfalonier à vie. En 1503, toujours auprès de César Borgia, il rend compte de la façon dont celui-ci s'est vengé du complot tramé contre lui à Senigallia : Descrizione del modo tenuto dal duca Valentino nello ammazzare Vitellozzo Vitelli, Oliverotto da Fermo, il signor Pagolo e il duca di Gravina Orsini ; de juin à août il écrit Del modo di trattare i popoli della Val di Chiana ribellati, puis, après la mort d'Alexandre VI (18 août) et de son successeur, Pie III (18 octobre), il assiste à Rome à l'élection pontificale de Giuliano della Rovere (Jules II [1503-1513]), qui met le point final à l'aventure politique de César Borgia.

Dès lors, son activité se partage entre des missions diplomatiques à l'étranger et la création, à Florence, d'une armée autonome et non mercenaire. Ses missions en France auprès de Louis XII en 1504, en 1510 et en 1511, et à la Diète de Constance (1507) auprès de l'empereur Maximilien Ier (1493-1519) lui inspirent d'une part le Ritratto di cose di Francia (1510) et d'autre part le Rapporto delle cose della Magna (1508), devenu en 1512 le Ritratto delle cose della Magna. Quant à ses préoccupations militaires, on en trouve déjà la trace dans l'ébauche d'un discours qu'il composa en 1503 pour Piero Soderini : Parole da dirle sopra la provisione del danaio. La défaite subie en 1505 par les troupes florentines sous les murs de Pise impose avec urgence la réalisation du projet, élaboré par Machiavel, d'une « Ordinanza fiorentina ». Machiavel s'emploie aussitôt à son recrutement. En 1506, il est nommé chancelier des neuf officiers de l'« Ordinanza », dont il expose vigoureusement la théorie dans le Discorso dell'ordinare lo stato di Firenze alle armi. La nouvelle armée permet aux Florentins d'entrer victorieusement dans Pise en 1509, mais le jeu des alliances et le retrait des troupes françaises après la bataille de Ravenne (1512) isolent Florence, où les Médicis chassent Piero Soderini et restaurent leur seigneurie avec l'aide des troupes espagnoles. Machiavel, qui avait tenté de s'y opposer en lançant l'appel Ai Palleschi, est destitué de toute magistrature et condamné à un an d'exil dans le territoire florentin. L'année suivante, accusé d'avoir participé à un complot contre les Médicis, il est arrêté, torturé et, malgré l'amnistie accordée par Jean de Médicis (Léon X [1513-1521]) lors de son élection au pontificat, il se retire dans sa petite propriété de Sant'Andrea in Percussina, près de San Casciano, où il écrit le Prince (dont les deux Decennali en vers – 1504 et 1509 – anticipaient avec éloquence certains thèmes), correspond avec Soderini et Vettori, et amorce la rédaction des Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio.

Ses successives années de retraite (1514-1520) comptent parmi les plus fécondes de son activité créatrice. Tout en poursuivant, jusqu'en 1519, la composition des Discorsi, dont il lit des extraits au fur et à mesure dans le cercle humaniste florentin des « Orti Oricellari », où il est admis à partir de 1516, Machiavel écrit le Discorso o Dialogo intorno alla nostra lingua (1514 ou 1515-1516), L'Asino d'oro (1516-1517), la Novella di Belfagor arcidiavolo, l'Andria (traduite de Térence), La Mandragola (la Mandragore, 1520), la Clizia (imitée de la Casina de Plaute, 1520), Dell'arte della guerra (1519-1520). D'autre part, ses efforts pour regagner la faveur des Médicis, qui avaient échoué auprès de Laurent II – petit-fils de Laurent le Magnifique et à qui avait inutilement été dédié le Prince –, aboutissent en partie à la mort de celui-ci : sur la requête de Léon X, Machiavel écrit en 1519 le Discorso sulle cose fiorentine dopo la morte di Lorenso o Discorso sopra il riformare lo stato di Firenze, et une mission commerciale à Lucques lui fournit le prétexte du Sommario delle cose della città di Lucca et de la Vita di Castruccio Castracani da Lucca. Puis il entreprend les Istorie fiorentine sur commande du cardinal Jules de Médicis, le futur pape Clément VII (1523-1534), auquel il remettra les huit premiers livres en 1525. Ce retour en grâce, scellé par la représentation de la Mandragore et de la Clizia (1520 et 1525), lui vaudra son dernier discrédit : en 1527, l'année du sac de Rome par les armées de Charles Quint, ses concitoyens se soulèvent contre les Médicis, rétablissent la république et n'autorisent Machiavel à rentrer dans Florence que déchu de ses droits civiques. Celui-ci meurt un mois plus tard en laissant ses cinq enfants « dans le plus grand dénuement ».

L'analyse politique

Jusqu'au Prince inclus, la réflexion théorique de Machiavel, qu'elle emprunte ses objets à l'histoire ou à l'actualité, est subordonnée à l'action politique : en l'occurrence, à la nécessité urgente entre toutes de savoir comment réaliser l'unité nationale, qui seule pourrait encore sauver l'Italie de la domination étrangère. En ce sens, lorsque, à la fin du Prince, Machiavel exhorte la famille Médicis à prendre la tête de la résistance italienne contre le « barbaro dominio », loin de sacrifier au protocole de la dédicace princière, son appel atteste non seulement sa propre passion de citoyen, mais s'inscrit dans la logique d'une analyse étayée par quinze années d'expérience de la politique italienne et européenne. Le diagnostic des « maux » dont souffre l'Italie contemporaine, tel que l'établit Machiavel, est en effet directement lié aux conclusions que celui-ci a pu tirer de ses fréquentes missions diplomatiques en France et en Allemagne. Sa condamnation des conflits internes qui déchirent l'Italie et ne cessent d'opposer entre elles Venise, Milan, Naples et Florence est proportionnelle à son admiration pour la solidité de la monarchie française, pour la « religion » des villes allemandes et surtout pour le peuple suisse « on ne peut plus libre ni mieux armé ».

La grande originalité des analyses de Machiavel tient à ce que, tout en parant au plus pressé (la guerre), elles remettent radicalement en question les structures fondamentales de l'État. Les victoires et les défaites militaires y apparaissent moins comme la cause de la décadence ou de la prospérité des nations que comme leur conséquence, ou plutôt comme leur symptôme. Les armes ne décident de la guerre qu'en apparence : les champs de bataille sont le théâtre – le lieu de visibilité – de la vérité politique.

C'est ainsi que Machiavel fait remonter « les grandes épouvantes, les fuites précipitées et les prodigieux revers de 1494 » à la frivole oisiveté des cours italiennes de la seconde moitié du xve s. C'était faire à la fois le procès des princes et celui de l'institution courtisane telle que la célébrerait en particulier le très académique Cortegiano de Baldassare Castiglione (1478-1529) : « Nos princes italiens s'imaginaient, avant d'essuyer les coups des guerres ultramontaines, qu'il suffisait à un prince de savoir composer dans son cabinet une réponse ingénieuse, écrire une belle lettre, manifester de l'esprit et de la vivacité dans ses propos et dans son élocution, tramer un complot, s'orner d'or et de pierreries, dormir et manger avec plus de faste que quiconque, s'entourer de luxe, traiter ses sujets avec hauteur et cupidité, moisir dans l'oisiveté, conférer des grades militaires selon son bon plaisir, refuser de se voir indiquer le droit chemin et faire passer ses avis pour des oracles ; sans se douter, les malheureux, qu'ils se préparaient ainsi à devenir la proie de quiconque les attaquerait » (Arte della guerra, chapitre VII). Et si Machiavel a mis toute sa passion et toute sa rigueur à composer un traité du Prince, ce n'est point qu'il entende servir ou justifier théoriquement l'idée monarchique, mais bien plutôt affronter le mal à sa racine.

De plus, on a souvent accusé Machiavel de duplicité pour ce que ses Discorsi, contemporains du Prince, sont écrits sous le signe de la république. Un examen attentif de l'articulation logique et chronologique de ces deux œuvres permet de lever cette apparente contradiction. Il est désormais acquis que les dix-huit premiers chapitres des Discorsi ont été écrits en 1513 avant le Prince (juillet-décembre 1513) et n'ont été incorporés qu'ultérieurement au commentaire de Tite-Live que Machiavel élabora de 1513 à 1519. En d'autres termes, les Discorsi ont d'abord été conçus comme un traité autonome sur la république, et leur interruption au dix-huitième chapitre est due aux conclusions de Machiavel sur l'impossibilité d'une restauration républicaine dans la conjoncture italienne au début du xvie s. D'où l'urgence et la nécessité – dont est né le Prince – d'affronter conjointement la théorie et la praxis du principat. Le matérialisme politique du Prince est directement issu du matérialisme historique des premiers Discorsi.

Après avoir médité sur les structures républicaines de la Rome antique, Machiavel pose dans le chapitre XVIII la question suivante : « Comment peut-on maintenir, lorsqu'il existe déjà, un État libre dans les cités corrompues, et lorsqu'il n'existe pas, comment l'y instituer ? » ; pour conclure sur un constat d'impuissance : « De tout ce qui précède résulte la difficulté, voire l'impossibilité qu'il y a dans les cités corrompues à maintenir une république ou à la créer de toutes pièces. Et s'il fallait malgré tout la créer ou la maintenir, il serait nécessaire de l'infléchir plutôt vers le principat que vers la démocratie. »

La corruption dont il est ici question est le mal spécifique des États italiens. Machiavel en dénonce l'origine dans l'absence de « religion ». On s'est longuement interrogé sur la valeur et la fonction du concept de « religion » dans la pensée de Machiavel, étant donné ses nombreuses professions sinon d'athéisme, du moins de scepticisme religieux, étant donné surtout le matérialisme, nourri de Lucrèce, de sa vision du monde et de l'histoire, qui finit par identifier purement et simplement Dieu à la Fortune. On a ainsi assimilé la « religion » machiavélienne tantôt à une pure conscience civique indispensable à l'unité nationale, tantôt à un instrument de pouvoir dans les mains du prince. Mais, dans les Discorsi, les nombreuses références aussi bien à la religion romaine instituée par Numa Pompilius qu'à Savonarole et à l'Église catholique interdisent toute méprise. C'est bien à la religion en tant que telle que se réfère Machiavel, mais selon un concept matérialiste de la religion : la religion est la figure par excellence du contrat social. Ce contrat n'est aucunement un frein à l'évolution, voire à la révolution des structures sociales ; il en garantit au contraire la légalité. Dans la Rome républicaine, la lutte des classes, loin de conduire à l'anarchie, consolidait l'État à travers l'affirmation même de ses libertés fondamentales : « Ceux qui condamnent les luttes de la noblesse et de la plèbe me semblent blâmer cela même qui fut la cause première de la liberté de Rome, et porter plus d'attention aux cris et aux tumultes qui naissaient de ces luttes qu'aux bons effets qu'engendraient celles-ci. » Ainsi, « les combats qui à l'origine opposaient à Rome le peuple et les nobles […] se concluaient par des lois […] ; ceux de Florence ne prenaient fin qu'avec la mort et l'exil de nombreux citoyens ». Et si la corruption et la décadence des cités italiennes sont liées à l'irreligion de leurs citoyens, toute la responsabilité en incombe à la corruption de l'Église romaine, à l'immoralité et à la cupidité de ses prêtres : « De l'importance qu'il faut attribuer à la religion, et comment l'Italie, pour en avoir été privée par l'Église romaine, est tombée en ruine », tel est le titre et tel est le sujet du chapitre XII des Discorsi, qui valut à Machiavel, de la part de Francesco De Sanctis (1817-1883), le titre de « Luther italien ».

« Tous les États, toutes les puissances qui ont tenu et tiennent encore les hommes sous leur empire ont été et sont ou des républiques ou des principautés. Les principautés sont ou héréditaires, si elles ont été longtemps possédées par la famille de leur prince, ou nouvelles. Les principautés nouvelles, ou le sont tout à fait, comme Milan le fut pour Francesco Sforza (1401-1466), ou elles sont comme des membres ajoutés aux États héréditaires du prince qui les acquiert : tel a été le royaume de Naples à l'égard du roi d'Espagne. Les États acquis de cette manière sont accoutumés ou à vivre sous un prince ou à être libres ; et on les acquiert ou avec les armes d'autrui, ou avec ses propres armes, ou grâce à la fortune, ou grâce à sa valeur » : si ces premières lignes du Prince semblent annoncer un traité théorique des principautés, il apparaît dès le chapitre VI (« Des nouvelles principautés que l'on acquiert par ses armes et sa valeur propres ») que Machiavel se propose avant tout de définir les conditions de possibilité d'un nouveau principat, autrement dit de l'État issu de la révolution politique, que Machiavel assigne pour tâche à son Prince. Révolution fondée sur la virtù de ce dernier, terme d'ordinaire traduit par « valeur », mais qui désigne en fait le concept même de politique chez Machiavel. Ce n'est rien, en effet, que d'acquérir un État si l'on ne sait s'y maintenir. Bien plus, autant pour la sûreté de son pouvoir que pour la sienne propre, le nouveau prince est en quelque sorte contraint à être un révolutionnaire : « […] les difficultés des nouveaux princes viendront surtout des nouvelles institutions, des nouvelles formes qu'ils seront obligés d'introduire pour fonder leur gouvernement et pour leur sûreté ; et l'on doit remarquer qu'en effet il n'y a point d'entreprise plus difficile à conduire, plus incertaine quant au succès et plus dangereuse que celle d'introduire de nouvelles institutions. Celui qui s'y engage a pour ennemis tous ceux qui profitaient des institutions anciennes, et il ne trouve que de tièdes défenseurs dans ceux pour qui les nouvelles seraient utiles. » Enfin, et c'est là l'ultime espoir de Machiavel, le génie politique du prince ne saurait trouver occasion plus favorable, pour se manifester et s'exercer, que dans l'adversité. La décadence et la servitude de l'Italie contemporaine ont fini par créer une situation objectivement révolutionnaire, imposant la nécessité d'une « restauration » (restauration coïncidant au xvie s. avec révolution, selon la métaphore astronomique chère à tous les grands réformateurs politiques) : « Si, comme je l'ai dit, il fallait que le peuple d'Israël fût esclave des Égyptiens pour connaître la valeur de Moïse ; si la grandeur d'âme de Cyrus ne pouvait éclater qu'autant que les Perses seraient opprimés par les Mèdes ; si enfin, pour apprécier toute la valeur de Thésée, il était nécessaire que les Athéniens fussent désunis : de même, en ces jours, pour que quelque génie pût s'illustrer, il était nécessaire que l'Italie fût réduite au terme où nous la voyons parvenue, qu'elle fût plus opprimée que les Hébreux, plus esclave que les Perses, plus désunie que les Athéniens, sans chefs, sans institutions, battue, déchirée, piétinée et accablée de toute espèce de désastres. »

L'histoire et la littérature

L'échec de l'intervention de Machiavel auprès des Médicis, autrement dit l'échec « politique » du prince, rejettera définitivement Machiavel de la politique vers l'histoire et la littérature. Les livres II et III des Discorsi, en particulier, tout en élaborant les principes d'une réforme politique à la dimension des grands États modernes, visent plutôt à fonder sur de nouvelles bases, au fil du commentaire de Tite-Live, l'histoire comme science, non sans plier souvent les faits à la violence créatrice d'une interprétation dont le scrupuleux Guicciardini (François Guichardin [1483-1540]) déplorait l'« inexactitude ». Et si les Istorie fiorentine (qui vont des origines de Florence à la mort de Laurent le Magnifique) attestent encore abondamment l'engagement politique de Machiavel, leur influence s'exercera surtout – et pour longtemps – sur les historiens. Quant à la Vita di Castruccio, elle s'inscrit ouvertement dans une tradition classique, à laquelle elle emprunte son rythme narratif et ses principaux exemples. L'Arte della guerra, enfin, malgré son enjeu et la technicité de certaines argumentations, n'est pas sans faire des concessions à la rhétorique jusque dans le choix du dialogue, genre de prédilection de la littérature humaniste.

Avec la Mandragore, Machiavel a sans doute donné son chef-d'œuvre au théâtre italien de la Renaissance, chef-d'œuvre proprement révolutionnaire par la géniale simplicité de son intrigue (pour obtenir un enfant, Messer Nicia, aussi riche que benêt, n'hésite pas à jeter sa femme dans les bras du premier venu et à risquer la vie de celui-ci, dupe qu'il est de la croyance que l'inconnu – en l'occurrence, l'amant éperdu de sa femme – en mourra pourvu que celle-ci ait précédemment avalé une potion de mandragore ; la vertueuse Lucrèce, contrainte à l'adultère par son mari, et non sans la complicité du cupide Frate Timoteo, aura tôt fait d'y prendre goût), par la virulence de son réalisme critique, par l'exaltation de la « vérité » des sentiments et par l'incomparable originalité de son langage.

Au contraire, la Clizia, L'Asino d'oro et la fable misogyne de Belfagor n'apparaissent guère que comme de simples divertissements littéraires. Enfin, dans le Discorso intorno alla nostra lingua, Machiavel intervient en faveur du florentin parlé dans le grand débat qui divisait alors les théoriciens de la langue littéraire.

L'écriture de Machiavel, au demeurant, mélange de syntaxe latine, d'ellipses et de tournures empruntées au parler florentin contemporain, a un caractère profondément anachronique – contrastant par exemple avec la clarté et la modernité linguistiques d'un Guicciardini. La syntaxe et la rhétorique y sont sans cesse emportées, voire malmenées par une véritable fureur logique.

Nicolas Machiavel
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  • 1513 Le Prince, œuvre de Machiavel publiée en 1532, où l'auteur expose le principe suivant lequel l'État doit d'abord se fixer une fin, quels que soient les moyens pour l'atteindre.