Louis-Philippe Ier
(Paris 1773-Claremont, Grande-Bretagne, 1850), roi des Français (1830-1848).
1. Avant l'avènement
1.1. Le fils de Philippe Égalité
Fils aîné de Louis Philippe Joseph d'Orléans (Philippe Égalité) et de Louise-Marie de Bourbon-Penthièvre, duc de Valois, duc de Chartres (1785), puis duc d'Orléans (1793), il est élevé par Mme de Genlis, la maîtresse de son père. Celle-ci donne au jeune homme une formation à la vie pratique ainsi qu'une culture plus poussée que celle des princes de cette époque.
Le jeune duc de Chartres fait partie de nobles progressistes qui accueillent positivement la Révolution et embrasse, comme son père, qui votera la mort de Louis XVI, le parti du changement. En 1790, il est membre du club des Jacobins, et quand la France déclare la guerre à l'Autriche, il rejoint les armées du Nord comme lieutenant-général. Il sert sous Kellermann à Valmy, puis sous Dumouriez à Jemmapes. En mars 1793, après la défaite de Neerwinden, il suit ce dernier, qui déserte et passe à l'ennemi, mais il se refuse à servir dans les armées contre-révolutionnaires.
Il se réfugie en Suisse (1793), puis à Hambourg (1795) où il enseigne la géographie, le français et les mathématiques afin d'assurer sa subsistance. Devenu duc d'Orléans en novembre 1793, après l'exécution de son père, il voyage en Scandinavie (1796) et s'embarque pour les États-Unis (1797). En 1800, Louis-Philippe revient en Angleterre et cherche à se réconcilier avec la branche aînée des Bourbons, qui le tiennent à l'écart. Il épouse à Palerme, en 1809, Marie-Amélie, fille du roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles, et se fixe alors en Sicile (1810-1814).
Le 17 mai 1814, le duc d'Orléans rentre à Paris avec Louis XVIII. Il tente de jouer un rôle politique, mais, devant la défiance du roi, il se consacre essentiellement à la gestion de l'immense fortune que la Restauration lui a permis de récupérer. Pendant les Cent-Jours, il regagne l'Angleterre, et Louis XVIII, défiant à l'égard de son activité au profit de l'opposition libérale, ne lui permet de revenir en France qu'en 1817.
1.2. Le favori des opposants libéraux
À son retour, il s'installe au Palais-Royal et, en dépit de son immense richesse, encore accrue grâce à la loi de 1825, dite du milliard des émigrés, il affecte de vivre dans une simplicité familiale et bourgeoise. Il fréquente les représentants de la bourgeoisie libérale, comme le banquier Jacques Laffitte, qui patronne un organe d'opposition, le National. Ses qualités, rompant avec les pratiques traditionnelles, le rendent très populaire, encore que ses admirateurs ne réalisent pas toujours ce que cela cache d'âpreté et de goût du pouvoir personnel.
L'avènement de Charles X rend au duc la faveur royale et le titre d'altesse. Quand éclate la révolution de juillet 1830, le duc d'Orléans apparaît à la bourgeoisie d'affaires libérale comme le seul homme capable d'éviter l'installation d'une république, et ses partisans, Laffitte et Thiers entre autres, préconisent la candidature orléaniste au nom de l'ordre.
Le 31 juillet, Louis-Philippe se fait proclamer lieutenant général du royaume par les députés libéraux et, le 9 août 1830, après l'abdication de Charles X (2 août), il prête serment à la Charte, faiblement révisée, qui lui confère le titre de « roi des Français ».
2. La personnalité du roi
Louis-Philippe Ier est peu connu de ses contemporains. Ce que l'on sait de lui n'est pas l'essentiel. On est bien renseigné sur son comportement bourgeois, sur sa vie familiale droite et simple. On apprécie qu'il envoie son fils au collège et qu'il rompe avec les pratiques extérieures surannées et quelque peu méprisantes de ses prédécesseurs. Mais les idées politiques du souverain de Juillet et ses conceptions du gouvernement échappent à tous. Louis-Philippe est très réservé, voire secret. Ses adversaires le disent cauteleux et fourbe. À coup sûr, il a le goût du pouvoir. Pragmatiste et manœuvrier, il se méfie des doctrines et des doctrinaires. Sa volonté de jouer un rôle de premier plan ne se trahit jamais, tout au moins au début. Le roi respecte scrupuleusement les institutions, en particulier les formes parlementaires. Il sait ce qu'il doit à la bourgeoisie libérale et évite soigneusement de laisser soupçonner ses vues par des gestes ostentatoires et maladroits. Mais il ne perd aucune occasion d'« occuper le terrain » et de profiter des dissensions. Il se résigne à accepter les ministres que le Parlement lui soumet, mais divise pour régner. La monarchie de Juillet aurait pu être l'occasion d'implanter en France un système parlementaire stable et régulier. L'action personnelle du roi a tout faussé et a perdu la dynastie.
3. Louis-Philippe et ses ministres
L'instabilité ministérielle de la monarchie de Juillet ne doit pas faire illusion. S'il y a eu dix-sept ministères en dix-huit ans, ce sont toujours les mêmes hommes qui ont monopolisé la répartition des portefeuilles. Le roi n'a jamais cessé de manœuvrer pour écarter les obstacles à son ambition. Louis-Philippe essaie d'imposer un pouvoir personnel allant ainsi à l'opposé de la doctrine de Thiers qui déclare : « Le roi règne mais ne gouverne pas. »
Il écarte les hommes du parti du Mouvement (Laffitte) pour s'appuyer sur le parti de la résistance, dont le chef est Casimir Perier. Mais celui-ci gouverne seul, étudiant les affaires avant de les soumettre au roi et lui dictant sa volonté.
La mort de Casimir Perier, en mai 1832, ouvre une période de troubles : insurrection républicaine des 5 et 6 juin ; tentative légitimiste de la duchesse de Berry en Vendée ; conspirations de Barbès et Blanqui (1839) ; menées de Louis Napoléon (1836 et 1840). Le roi lui-même échappe à plusieurs attentats, dont celui perpétré par Guiseppe Fieschi en 1835.
Après un second ministère Molé (1837-1839), le roi trouve enfin l'homme de confiance, Guizot, qui le demeurera jusqu'à la fin (1840-1848). Il s'appuie sur les classes possédantes favorisées par le régime électoral, qui leur réserve le droit de vote, et par l'essor de la grande industrie, du crédit et du commerce.
4. Louis-Philippe et la politique extérieure
Domaine privilégié du souverain, les affaires européennes ont constitué aussi son principal souci. Le « roi des barricades » n'a eu de cesse de faire oublier sa douteuse origine et de se faire reconnaître par les grandes puissances, à commencer par les puissances absolutistes, la Prusse, l'Autriche et la Russie.
Dans un premier temps, Louis-Philippe va mener une politique de sauvegarde de la dynastie. Pour éviter une nouvelle coalition de 1815, il neutralise toute action susceptible d'inquiéter l'Europe et s'oppose à toute modification territoriale ou dynastique, même bénéfique pour le pays. Mais il doit tenir compte du nationalisme de l'opinion française, y compris de l'opinion bourgeoise, prompte à taxer d'abandon le moindre compromis et qui prône l'intervention hors des frontières pour sauver les frères polonais, belges ou italiens.
Son pacifisme procède aussi d'une saine conception de la politique économique, qu'il partage d'ailleurs avec l'oligarchie dirigeante : la paix est nécessaire aux affaires. Le roi n'hésite pas à agir en sous-main, et sa diplomatie double et contrecarre souvent celle de ses ministres et des représentants accrédités.
Cette politique va dans le sens de sa conception de l'économie : « La paix est nécessaire aux affaires. » Ainsi il s'abstient de soutenir la Pologne insurgée (1830-1831), refuse pour son fils, le duc de Nemours, la couronne de Belgique (1831), ralentit les opérations de conquête en Algérie, où son fils le duc d'Aumale s'humilie devant l'Angleterre (affaires égyptiennes, 1840). L'entente avec la Grande-Bretagne (Entente cordiale), ébranlée par l'affaire Pritchard, est rompue en 1846.
Pour en savoir plus, voir l'article Belgique : histoire.
5. La chute de Louis-Philippe
Continuant à soutenir la politique ultraconservatrice de Guizot, Louis-Philippe ne voit pas les signes annonciateurs d'une volonté de réforme dans le pays, comme le mouvement réformateur républicain, les premières vagues d'un socialisme qui répond aux espérances d'un prolétariat de plus en plus nombreux. Le fossé se creuse entre le pays légal et le pays réel; or le roi croit encore à la pérennité de sa dynastie, malgré la mort du duc d'Orléans, l'héritier au trône (1842). La campagne des banquets qui prépare la révolution ne fait pas vaciller l'obstination de Louis-Philippe. Le 23 février, il se décide à sacrifier Guizot et appelle Molé, mais il est trop tard pour enrayer le mouvement révolutionnaire : le 24 février, le roi abdique en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, mais la révolution balaie la dynastie. Louis-Philippe doit fuir en Angleterre, où il meurt deux ans plus tard.
Pour en savoir plus, voir l'article monarchie de Juillet.