Antoine Laurent de Lavoisier
Chimiste français (Paris 1743-Paris 1794).
1. La jeunesse et la formation de Lavoisier
Fils d'un procureur au Parlement originaire de Villers-Cotterêts, Lavoisier perd tôt sa mère ; il est élevé, ainsi que sa jeune sœur, par sa grand-mère maternelle, puis, après la mort de celle-ci, par sa tante, restée célibataire pour se consacrer à l'éducation de ses neveux. Il fait ses études au collège Mazarin, où il semble d'abord attiré par les lettres, puisqu'il obtient en 1760 un prix de discours français au concours général.
Puis, par atavisme sans doute, il fréquente la faculté de droit et, licencié en 1764, il se fait inscrire au barreau de Paris. Cependant, on le voit fréquemment au laboratoire de chimie de Guillaume Rouelle (1703-1770) ; il suit avec intérêt les cours de mathématiques et d'astronomie de l'abbé Nicolas Louis de La Caille (1713-1762) et il est un auditeur assidu de Bernard de Jussieu (1699-1777). Et le jeune avocat, de plus en plus attiré par la science, va lui consacrer le meilleur de son activité.
Il accompagne dans ses voyages autour de Paris le naturaliste Jean Guettard (1715-1786), chargé de dresser l'atlas minéralogique de la France, et il donne bientôt un Mémoire sur les couches des montagnes et une Analyse des gypses des environs de Paris. Puis il remporte, à l'âge de vingt-trois ans, une médaille d'or de l'Académie des sciences, qui a mis en concours la Meilleure Manière d'éclairer les rues d'une grande ville. Deux ans plus tard, en 1768, il en est élu membre.
2. Les hautes responsabilités de Lavoisier
Mais Lavoisier doit choisir une carrière et devient l'adjoint du fermier général Baudon (→ Ferme générale), épouse en 1771 la fille de son collègue J. Paulze et devient lui-même, en 1779, fermier général. En 1775, Turgot l'a nommé régisseur des poudres et salpêtres. Cette dernière fonction oblige le savant à résider à l'Arsenal ; il y a un logement, mais aussi un laboratoire d'où vont sortir tant de sensationnelles découvertes.
Il partage l'enthousiasme que suscite la Révolution. Député suppléant aux états généraux de 1789, il devient en 1790 membre de la commission pour l'établissement du nouveau système de poids et mesures. En 1791, il est nommé secrétaire de la Trésorerie nationale et propose, pour la perception des impôts, un plan qu'il développe dans son traité De la fortune territoriale du royaume de France.
3. La condamnation et l'exécution de Lavoisier
Après avoir supprimé l'Académie, la Convention décrète, en novembre 1793, l'arrestation de tous les fermiers généraux, et Lavoisier vient lui-même se constituer prisonnier. En dépit des interventions qui se produisent en sa faveur, il est envoyé devant le Tribunal révolutionnaire. Lorsque le médecin J. N. Hallé (1754-1822) présente aux juges un rapport qui énumère les services rendus par le chimiste à la patrie et à la science, le président J.-B. Coffinhal-Dubail (1754-1794) lui répond : « La République n'a pas besoin de savants ; il faut que la justice suive son cours. »
Le 8 mai 1794, il est condamné et guillotiné le jour même. Le lendemain, L. Lagrange dira à J.-B. Delambre (1749-1822) : « Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête et cent années peut-être ne suffiront pas pour en reproduire une semblable. »
4. Lavoisier, fondateur de la chimie moderne
En définissant la matière par la propriété d'être pesante, en introduisant l'usage systématique de la balance, qu'il a mis tous ses soins à perfectionner, en énonçant les lois de conservation de la masse et des éléments (souvent résumés à la maxime « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »), Lavoisier est vraiment le créateur de la chimie en tant que science.
4.1. L'analyse de l'air
L'un de ses premiers mérites est d'avoir élucidé le mécanisme de l'oxydation des métaux au contact de l'air ; contrairement à l'affirmation des partisans du phlogistique, il montre que c'est le métal, et non la « chaux », qui est un corps simple. Une de ses premières expériences, datant de 1774, consiste à calciner de l'étain dans un vase clos contenant de l'air et à constater la constance de la masse globale. La même expérience, reprise sur le mercure en 1777, est la plus célèbre de toute la chimie, et sa représentation figure sur la couverture de la plupart des manuels scolaires. Elle lui permet de faire l'analyse de l'air, d'identifier l'oxygène et l'azote, puis de reconstituer l'air ordinaire en effectuant leur mélange.
Il montre aussi, comme Cavendish, que l'eau est obtenue par combustion de l'hydrogène, en déduit qu'elle n'est pas un élément et établit en 1781 la composition du gaz carbonique en faisant brûler du diamant.
4.2. Thermodynamique, nomenclature chimique, biologie
Physicien, Lavoisier est, avec Laplace, l'auteur d'une étude de la dilatation des solides, ainsi que des premières mesures calorimétriques ; utilisant un calorimètre à fusion de la glace, il donne en 1780, dans son Mémoire sur la chaleur, diverses valeurs de chaleurs massiques ou de chaleurs de réactions chimiques.
Il participe, avec L. B. Guyton de Morveau (1737-1816), A. F. de Fourcroy (1755-1809) et Berthollet, à la création d'une nomenclature chimique rationnelle, fondée sur le concept d'élément (1787). Son Traité élémentaire de chimie, paru en 1789, qui remporte un grand succès, utilise cette nomenclature.
Il s'intéresse aussi à la chimie appliquée à la biologie et montre, le premier, que la chaleur animale résulte de combustions organiques portant sur le carbone et sur l'hydrogène.
5. Lavoisier, un ingénieux administrateur
Les travaux de science pure qui ont fait passer le nom de Lavoisier à la postérité ne doivent pas faire oublier son action dans les administrations dont il a la charge, celle des poudres et salpêtres et celle des tabacs. Il fait étudier à la poudrerie d'Essonnes l'amélioration des poudres noires, puis réussit à quintupler la production du salpêtre en France par le développement des nitrières artificielles.
Ses rapports d'inspection aux Manufactures royales de tabac de Dunkerque, Valenciennes et Morlaix, ainsi qu'à l'entrepôt de Rennes, sont remplis de judicieuses propositions pour le perfectionnement des préparations des tabacs à priser et à mâcher. Précurseur de la mécanisation, il suggère l'emploi du vent pour actionner les moulins à poudre jusqu'alors mus à la main.
Après la mort de Lavoisier, sa femme, qui avait été emprisonnée, mais qui retrouva assez vite ses biens, s'attacha à défendre sa mémoire et à mettre à jour les manuscrits inachevés. (Elle avait appris l'anglais pour lui traduire les mémoires de J. Priestley et de Cavendish.) En 1805, elle épousa le physicien américain Benjamin Thompson, comte Rumford (1753-1814).