Michel Foucault
Philosophe français (Poitiers 1926-Paris 1984).
Michel Foucault est l’auteur d’une des œuvres les plus importantes et les plus originales du xxe s. Mondialement reconnu, il a introduit en philosophie des objets nouveaux (la folie, la prison, la sexualité) et ainsi renouvelé la réflexion. Il a également soutenu la plupart des combats minoritaires qui ont vu le jour après mai 1968.
Philosophe et psychologue
Fils de chirurgien, Michel Foucault fait des études brillantes. Admis à l’École normale supérieure en 1946, il choisit de poursuivre une formation philosophique et obtient l’agrégation en 1951. Parallèlement, il développe un intérêt pour la psychologie et, en 1952, passe son diplôme de psychopathologie à l’Institut de psychologie de Paris. Ses premiers travaux sont marqués par cette discipline. Ils portent ainsi sur les questions de la maladie mentale (Maladie mentale et personnalité, 1954), du rêve (il rédige en 1954 une introduction au livre le Rêve et l’Existence du psychiatre suisse Ludwig Binswanger) et de la folie, à laquelle il consacre sa thèse (Histoire de la folie à l’âge classique, 1961). Dans celle-ci, il analyse notamment comment la folie a été successivement constituée comme tare morale au Moyen Âge, comme défaillance de la raison à l’âge classique, puis comme maladie mentale à la fin du xviiie s. « Si le personnage médical peut cerner la folie, ce n’est pas qu’il la connaisse, c’est qu’il la maîtrise. »
La période structuraliste
Son Histoire de la folie apporte à Foucault une grande renommée dans les cercles intellectuels. Mais c’est avec les Mots et les Choses, en 1966, qu’il acquiert une large notoriété. Le succès de ce livre, pourtant ardu, est considérable. Dans cet ouvrage, Foucault se donne pour projet, comme l’indique le sous-titre, de mener une « archéologie des sciences humaines », et de comprendre, en particulier, l’émergence du structuralisme, courant de pensée dominant dans le champ intellectuel des années 1960 et auquel de grands noms, comme ceux de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss ou du psychanalyste Jacques Lacan, sont associés.
Foucault est alors perçu comme l’un des philosophes les plus importants de sa génération. Le voilà donc propulsé aux portes du Collège de France, où il est élu en 1969, grâce à l’appui de l’historien des religions Georges Dumézil ; il y enseignera jusqu’à sa mort (il meurt du sida en 1984). Sa leçon inaugurale, prononcée en 1970, est publiée en 1971 sous le titre l’Ordre du discours. Foucault y analyse les procédures de contrôle et de restriction des énoncés qui définissent ce qui est pensable et dicible dans les sociétés contemporaines.
Un philosophe engagé
Michel Foucault est transformé par les événements de mai 1968 et participe alors activement à de nombreux mouvements contestataires. Il manifeste ainsi son soutien, avec d’autres philosophes, comme Jean-Paul Sartre ou Gilles Deleuze, ou des écrivains comme Jean Genet, aux travailleurs en grève, aux immigrés, aux homosexuels, aux prisonniers, etc.
C’est d’ailleurs la question des prisons qui préoccupera le plus le philosophe. Il fonde ainsi, en 1971, le Groupe Information sur les Prisons, dont l’objectif est de dénoncer les conditions de détention et de donner la parole à ceux qui habitent ce monde voué au silence. Il entreprend également une analyse historique du système carcéral dans ses cours du Collège de France (« Théories et institutions pénales », en 1971-1972 ; « La Société punitive », l’année suivante). Sa réflexion aboutira, en 1975, à l’un de ses livres majeurs, Surveiller et Punir, dont le sous-titre, « Naissance de la prison », indique l’enjeu : saisir ce qui a présidé à l’invention de la prison comme forme hégémonique du châtiment dans les sociétés contemporaines.
Repenser la sexualité
Les trois derniers livres de Michel Foucault sont consacrés à la sexualité. Le premier, la Volonté de savoir (1976), est un court ouvrage, d’un style assez vif, écrit contre le freudo-marxisme et l’idéologie de la révolution sexuelle d’une part, et contre la psychanalyse d’autre part ; Foucault s’efforce en effet de montrer, à travers une analyse historique de la notion de sexualité, que tous les discours qui affirment la place centrale du sexe dans nos vies restent prisonniers d’un schéma d’interprétation mis en place par la psychiatrie du xixe s. Ils s’inscrivent donc dans le dispositif de pouvoir élaboré par cette discipline, qui, au nom d’une science de la sexualité, prétend connaître la vérité des individus sur la base de l’observation et de l’interprétation de leurs pratiques sexuelles. C’est à une réflexion sur les façons possibles d’échapper à ce dispositif que les deux livres suivants de Foucault, le Souci de soi et l’Usage des plaisirs (publiés en 1984), sont consacrés. Foucault y restitue la manière dont le corps et les plaisirs ont pu être, dans l’Antiquité gréco-romaine, codifiés et interprétés autrement qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Foucault et le journalisme
Michel Foucault a toujours été fasciné par le journalisme. Il le voit comme une activité qui peut permettre de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et qui, par l’enquête et l’investigation, peut changer la représentation que l’on se fait spontanément du monde social. C’est dans cet esprit qu’il participe, en 1971, à la création de l’agence de presse Libération, qui donne naissance au quotidien Libération, et que, en 1978, il accepte d’être reporter en Iran, pour le quotidien italien Corriere della sera, pendant la révolution islamiste. On peut d’ailleurs penser que c’est ce goût pour le journalisme qui se retrouve dans la définition que Foucault a souvent donnée de la philosophie : pour lui, elle est l’activité qui doit faire le diagnostic du présent, comprendre ce qu’est aujourd’hui et ce qui s’y passe.