Jean Ferrat
de son vrai nom Jean Tenenbaum
Auteur-compositeur et chanteur français (Vaucresson, Hauts-de-Seine, 1930-Aubenas 2010).
Benjamin des quatre enfants de modestes artisans (un joaillier, une fabricante de fleurs artificielles) installés à Versailles en 1935, Jean Tenenbaum a 11 ans lorsque son père, d’ascendance israélite, est déporté à Auschwitz d’où il ne reviendra pas. Lui-même est sauvé par des militants communistes. Après avoir arrêté ses études secondaires pour aider sa famille, il se tourne vers la vie d’artiste. D’abord tenté par le théâtre, il rejoint Jean Vilar, mais il se lance finalement dans la chanson et, sous le nom de Jean Ferrat (en référence à Saint-Jean-Cap-Ferrat), se produit dans plusieurs cabarets parisiens où il interprète le répertoire d’Yves Montand. C’est à un poème de Louis Aragon, les Yeux d’Elsa, qu’il adapte et met en musique en 1956, qu’il doit non seulement de se frayer un chemin dans le monde de la chanson française, mais de conquérir un public amateur de beaux textes parfaitement articulés d’une voix au timbre prenant et chaleureux.
Avec Ma môme (1960), puis Deux Enfants au soleil (1961), Jean Ferrat accède à la consécration en imposant une forme de lyrisme populaire, sinon même parfois populiste, aux paroles et aux mélodies vibrantes. En 1963, il bouleverse tant le milieu professionnel que le grand public avec son album Nuit et Brouillard, qui reprend le titre du court-métrage d’Alain Resnais (1955) et qui est son hommage personnel aux victimes de la déportation. Homme en colère contre les injustices de l’histoire tout autant que contre celles de la société, il cultive par ailleurs une image de barde écologiste avant l'heure en dédiant au département de l’Ardèche, où il s’est fixé, la chanson la Montagne (1964). Artiste engagé aux côtés du Parti communiste français, il n’en sera pourtant jamais membre et, quand il l’estimera nécessaire, prendra ses distances tant avec le parti français qu’avec celui d’Union soviétique (le Bilan, 1980). Souvent dérangeant (Potemkine, 1965 ; Ma France, 1969), parfois iconoclaste, il fait une carrière entrecoupée de nombreux démêlés avec la censure de la radio et de la télévision.
C’est surtout avec Aragon que Jean Ferrat se sent en totale communion d'esprit. En font foi son album Ferrat chante Aragon (1971), avec des titres comme Nous dormirons ensemble, C’est si peu dire que je t’aime, Que serais-je sans toi ?, Heureux celui qui meurt d’aimer, Aimer à perdre la raison, puis l'illustre La femme est l’avenir de l’homme (1975). Poète de l’amour fou, qu'il exalte inlassablement (Je ne puis vivre que de toi, 1961 ; C’est beau la vie, 1963 ; C’est toujours la première fois, 1965 ; L’amour est cerise, 1980 ; Chante l’amour, 1991), il décide dès les années 1970 de prendre du recul avec sa carrière sur scène. Il n'aspire qu'à mener une vie paisible dans le village ardéchois d’Antraigues-sur-Volane, dont il est l’un des élus municipaux et auquel il apporte la célébrité. Son dernier album studio, en 1994, est aussi un ultime retour à Aragon, avec seize poèmes inédits de ce dernier. Hospitalisé à Aubenas, Jean Ferrat y meurt le 13 mars 2010.