Carlos D'Alessio

Compositeur français d'origine argentine (Buenos Aires 1935-Paris 1992).

Si son nom reste attaché aux films de Marguerite Duras, cet artiste inclassable a créé un univers musical extrêmement personnel, nourri des traditions culturelles latino-américaine, nord-américaine et européenne, empruntant à tous les styles, mais affranchi de toute appartenance à un genre musical ou à un autre.

Dans la capitale argentine, où il a entrepris des études d'architecture, Carlos d'Alessio fréquente une jeune troupe de théâtre. Il joue quelques rôles dans des pièces dont il a écrit la musique. Il délaisse bientôt l'école d'architecture pour travailler la composition. Si, au début des années 1960, Buenos Aires connaît une vie culturelle intense, le véritable phare est alors New York. Carlos d'Alessio y arrive en 1962. Tandis que, en pleine explosion du pop art, les artistes cherchent à abolir les frontières entre les différentes formes d'art, il participe à de nombreux happenings. En 1970, le musée d'Art moderne de New York accueille A sound is a sound is a sound.., un concert donné dans le cadre d'une grande exposition rassemblant les tenants de l'art conceptuel, de Daniel Buren à Yoko Ono.

En 1972, le compositeur fait un voyage à Paris, où il retrouve un camarade de lycée, le dramaturge et dessinateur humoristique Copi, dont une troupe argentine, le groupe TSE, vient de créer Eva Perón. La pièce suivante du groupe, accueillie par le Théâtre national populaire (TNP), sera Comédie policière, dont la musique de scène est de D'Alessio, qui décide de rester à Paris. Dès l'année suivante, il compose les musiques de Futura et de Luxe. Cette dernière pièce est tout à la fois une parodie du music-hall et un hommage à celui-ci, et le compositeur doit se livrer à un exercice de style fort éloigné de ses recherches conceptuelles new-yorkaises.

Marguerite Duras, venue voir Luxe, en remarque les mélodies. Une longue collaboration commence bientôt entre le musicien et l'écrivain, qui donne alors un prolongement cinématographique à ses livres : D'Alessio signe la musique de la Femme du Gange (1973), India Song (1975), Son nom de Venise dans Calcutta désert (1976), Baxter, Véra Baxter (1977), le Navire Night (1978), les Enfants (1985) et des pièces Des journées entières dans les arbres (également adaptée pour le cinéma), l'Eden Cinéma et la Bête dans la jungle (adapté par Duras, de Henry James). Parallèlement, Carlos D'Alessio, qui continue sa collaboration avec le groupe TSE jusqu'en 1982, travaille occasionnellement avec différents metteurs en scène, dont Jean-Michel Ribes, Claude Régy ou Catherine Dasté. D'autres cinéastes font appel à lui, de Barbet Schroeder (Maîtresse, 1977) à Daniel Schmidt (Hécate, 1982).

En 1991, un jeune cinéaste, Jean-Pierre Jeunet, remporte le César du court métrage pour Foutaises, dont il a demandé la musique à Carlos D'Alessio, tout comme il lui demande celle de Delicatessen, qu'il réalise la même année avec son compère Caro. Ce film se clôt sur un duo de violoncelle et de scie musicale, interprété sur un toit par les deux jeunes protagonistes.

S'il a dû le développement de son esthétique, dans la mouvance artistique des années 1960, à l'influence d'artistes comme John Cage ou les Beatles, Carlos D'Alessio reconnaissait volontiers son admiration pour Mozart, mais aussi sa dette envers le Nino Rota des films de Fellini ou les rythmes du Cubain Lecuona. En témoignent, dans le film India Song, la chanson du même nom, ou encore la Rumba des îles ou Tango-tango. En témoignent également les concerts-spectacles qu'a donnés le compositeur parallèlement à sa carrière cinématographique et dont les titres, de Home Movies et Mañana Goodbye à Exotic Pictures, évoquent bien la multiplicité de son univers musical, qu'il a voulu sans frontières.