Auguste Piccard
Physicien suisse (Bâle 1884-Lausanne 1962).
Frères jumeaux, Auguste et Jean Félix Piccard (1884-1960) naissent dans une famille suisse très honorablement connue. Leur grand-père a été commissaire général du canton de Vaud ; leur père dirige le département de chimie de l'université de Bâle ; et leur oncle, industriel, a fourni les premières turbines à avoir été installées au pied des chutes du Niagara. Les deux frères étudient à Bâle puis entrent à l'école polytechnique fédérale de Zurich, où Auguste se spécialise en physique et en mécanique et Jean Félix en chimie. Le doctorat leur ouvre une carrière d'universitaires : Auguste enseignera à Zurich, puis à Bruxelles ; Jean Félix, à Munich, à Lausanne, à Chicago, au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et à l'université du Minnesota, et obtiendra la nationalité américaine en 1931.
Ascensions dans la haute atmosphère
Les premiers travaux d'Auguste Piccard concernent le magnétisme et la radioactivité. Il consacre sa thèse à l'aimantation de l'eau et découvre l'uranium 235, qu'il nomme « actinuranium ». Ses ascensions scientifiques en ballon dans la haute atmosphère vont lui attirer une renommée mondiale. En 1926, il s'élève déjà à 4 500 m d'altitude pour tester la théorie de la relativité d'Einstein. Quelques années plus tard, il montera bien plus haut, pour étudier le rayonnement cosmique et les propriétés de la stratosphère. Le 27 mai 1931, assisté de l'ingénieur suisse Paul Kipfer (né en 1905), il effectue la première ascension stratosphérique : partis d'Augsbourg, les deux hommes, enfermés dans petite sphère pressurisée de 2,10 m de diamètre mise au point par Piccard, atteignent 15 781 m d'altitude et reviennent au sol sur un glacier autrichien, au terme d'un vol de 17 heures. Le 18 août 1932, lors d'une nouvelle ascension, Piccard, accompagné du physicien belge Max Cosyns (1906-1998), atteint cette fois 16 201 m lors d'un vol de 12 heures, entre Zurich et la région du lac de Garde. Son frère, Jean Félix, le 23 octobre 1934, s'élève à son tour à 17 500 m, avec son épouse américaine Jeannette (1895-1981), qui pilote le ballon et devient la première femme à atteindre une telle altitude.
Plongées dans les abysses
Après un 27e et ultime vol, en 1937, Auguste Piccard abandonne l'aérostation pour tenter de concrétiser un autre de ses rêves de jeunesse : plonger dans les abysses. Dès 1938, il présente un projet de bathyscaphe, transposant à l'exploration sous-marine la technique qu'il a utilisée pour ses ascensions stratosphériques. Interrompues par la Seconde Guerre mondiale, ses recherches aboutissent en 1948 à la mise au point d'un prototype, dont le flotteur est malheureusement détruit par la houle après une plongée à vide à 1 380 m. En 1953, un nouvel appareil, le Trieste, lui permet d'atteindre, avec son fils Jacques, désormais associé à ses travaux, une profondeur de 3 150 m, au large de l'Italie. C'est à bord de cet engin, devenu américain, que Jacques Piccard établit en 1960 un record absolu de profondeur, dans l'océan Pacifique. Auguste Piccard meurt deux ans plus tard, alors qu'il travaille avec son fils au projet d'un submersible pour des profondeurs moyennes, le mésoscaphe.
Un inventeur génial
L'importance qu'il accordait à l'expérimentation a fait d'Auguste Piccard un inventeur génial : la cabine pressurisée qu'il mit au point pour ses ascensions stratosphériques a servi de modèle pour les habitacles d'avions ; son bathyscaphe a imprimé un nouveau développement à l'océanographie ; il a aussi construit toute une gamme d'instruments de mesure très précis (balance, galvanomètre, sismographe). D'une exactitude légendaire, il était surnommé « décimale supplémentaire » par ses collègues.
Admirateur d'Auguste Piccard, Hergé, le créateur des aventures de Tintin, s'est inspiré du physique du savant pour le personnage du professeur Tryphon Tournesol, qu'il a introduit dans le Trésor de Rackham le Rouge (1944) comme l'inventeur d'un prototype de sous-marin. Le dessinateur l'a révélé lui-même en 1948 : « Physiquement, Tournesol et son sous-marin, c'était surtout le professeur Auguste Piccard et son bathyscaphe. Mais un Piccard en réduction car le vrai était trop grand. Il avait un cou interminable qui surgissait d'un col trop large. Je le croisais parfois dans la rue et il m'apparaissait comme l'incarnation même du savant. J'ai fait de Tournesol un mini-Piccard, sans quoi j'aurais dû agrandir les cases des dessins. »