Alain Bombard
Médecin et biologiste français (Paris 1924-Toulon 2005).
En 1951, interne à l'hôpital de Boulogne-sur-Mer, il est confronté aux conséquences dramatiques d'un naufrage dans lequel 43 marins périssent à quelques encâblures du port. Peu à peu, il se persuade que bien des morts pourraient être évitées si l'on équipait les bateaux d'un matériel de sauvetage adéquat et si des consignes simples étaient édictées pour le cas où des hommes seraient perdus en mer. Pendant six mois, il se consacre à l'étude des embarcations de sauvetage et de leur équipement, à l'analyse chimique de l'eau de mer, à des recherches sur la composition du plancton et de la chair des poissons afin de déterminer leur valeur nutritive. Il arrive à certaines conclusions, mais, pour démontrer le bien-fondé de ses théories, il tient à se mettre lui-même dans la situation du naufragé qui ne doit compter que sur les ressources de la mer. C'est ainsi qu'il se lance d'abord dans la traversée de la Méditerranée avec un compagnon de voyage sur un canot-radeau pneumatique, boudin de caoutchouc gonflable muni d'une voile et dont les extrémités sont réunies à l'arrière par un panneau de bois. Les deux « naufragés volontaires » se nourrissent exclusivement de plancton en petite quantité qui assure leur ration quotidienne en vitamine C, antiscorbutique, et des poissons qu'ils pêchent. Les poissons leur fournissent également de l'eau douce : Alain Bombard avait effectué en laboratoire des expériences qui avaient montré que l'on pouvait, en pressant leur chair, extraire le jus qu'elle contient. Pour ne pas se déshydrater, ils boivent aussi de l'eau de mer pendant de courtes périodes.
Après la Méditerranée, Alain Bombard s'attaque à l'Atlantique. Il veut prouver que la survie en mer est possible pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Cette fois, il est seul sur son radeau pneumatique, baptisé l'Hérétique. Il quitte Tanger le 13 août et parvient sans encombre à la Grande Canarie après onze jours de navigation. Il reprend la mer le 19 octobre, essuie une tempête et sa voile se déchire. Mais il parvient à réparer et continue sa route. Le poisson est abondant, surtout les daurades. Fidèles compagnes, celles-ci vont escorter son radeau pendant toute la traversée. Il parlera dans son journal de bord de leur « présence amicale » et évoquera la beauté de ces poissons qui, la nuit, tracent dans l'eau des sillages que la phosphorescence de la mer transforme en traînées lumineuses. Beaucoup moins rassurants sont les requins qu'il est parfois obligé d'éloigner en leur assénant des coups d'aviron sur la tête. Il voit aussi des escadrilles de poissons volants, un espadon de grande taille qui tourne autour de son radeau et menace de s'y attaquer. Après soixante-cinq jours de mer, il arrive enfin en vue de l'île de la Barbade. Il a traversé l'Atlantique sans entamer les vivres de secours qui se trouvent sous scellés à bord de l'Hérétique. Cependant, il a maigri de vingt-cinq kilogrammes, a perdu les ongles de ses orteils, a souffert d'éruptions cutanées et de graves troubles oculaires. Le récit de sa traversée, Naufragé volontaire, publié en 1953, constitue un précieux témoignage sur les conditions de survie en mer.
Par la suite, Alain Bombard lutte avec succès pour faire adopter, comme embarcation de sauvetage, le radeau pneumatique qu'il préconise, à gonflement automatique. Peu à peu, ses idées s'imposent et les naufragés involontaires sont de plus en plus nombreux à survivre. Scientifique engagé, il adhère en 1974 au Parti socialiste, dont il devient l'année suivante conseiller à l'environnement. Éphémère secrétaire d'État auprès du ministre de l'Environnement en 1981, il quitte le gouvernement un mois seulement après son entrée en fonction, à la suite des remous que provoquent ses déclarations indiquant son intention d'abolir la chasse à courre. Il est ensuite député européen (1981–1994). Jusqu'à la fin de sa vie il militera pour la protection de l'environnement.