monochrome
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
La peinture monochrome est directement liée à la naissance de l'art abstrait, puis à sa diffusion. Yves Klein affirmait en avoir eu l'idée en 1947 et avoir peu après " rempli la surface d'une seule couleur rigoureusement monochrome et unie ". Si l'invention de ce " genre " est généralement donnée au peintre français, ses prémices se trouvent au début du siècle en Russie. Après la création en 1915 par Malévitch du Carré noir sur fond blanc (Moscou, Galerie Trétiakov, cette forme simple occupant presque toute la surface du tableau, l'artiste, dans la logique du suprématisme, devait réaliser en 1918 un tableau peut-être plus radical encore, le Carré blanc sur fond blanc (New York, M. O. M. A.) ; cette œuvre, qui montre un carré blanc légèrement décalé peint en blanc sur un fond blanc, peut être considérée comme l'abolition de l'art du passé tout autant que comme la création d'un nouveau monde. Si les conceptions de Malévitch restent tributaires du spiritualisme, celles de Rodtchenko, à l'opposé, le conduisent à répondre la même année, en peignant un tableau tout autant nihiliste que complètement matérialiste, Noir sur noir, où se distinguent encore des formes peintes en noir sur le fond noir et qui devait être suivi en 1921 de trois tableaux strictement monochromes, peints respectivement en rouge, en bleu et en jaune et présentés à Moscou à l'exposition 5 x 5 = 25. Ces œuvres, qui ont été qualifiées par le critique d'art Nicolaï Taraboukine, en 1923, de " derniers tableaux ", sont à replacer dans l'optique du constructivisme et des idées bolcheviques, qui cherchaient à abolir l'art et donc la peinture, au profit de la " construction " et de l'art utilitaire. Un dernier effort dans ce sens sera effectué en 1932 par le peintre polonais Strzeminski, le créateur de l'unisme. Il ne devait pas y avoir de suite immédiate à ces propositions. C'est au début des années 50 avec le regain de l'abstraction que la peinture monochrome redevient l'actualité, en France et aux États-Unis. À Paris, un peintre américain, Ellsworth Kelly et un artiste sud-africain, Alain Naudé, exécutent des tableaux composés de panneaux monochromes juxtaposés, qu'ils exposent en 1951 à la Galerie Maeght et à la galerie Arnaud, tandis que la même année Robert Rauschenberg, qui commençait sa carrière, montrait à New York des White Paintings, composées de panneaux blancs juxtaposés, puis des Black Paintings sur le même modèle. Ces œuvres ne devaient pas avoir de suite, Rauschenberg s'orientant dans une direction néo-dadaïste après avoir découvert l'art de Schwitters, Naudé s'arrêtant de peindre et Kelly se montrant davantage préoccupé par la forme. Le véritable départ de la peinture monochrome se situe donc dans les années 50 avec Yves Klein, qui peint ses tableaux d'une seule couleur, bleue de préférence, et sans aucune composition, en leur conférant un sens tout à la fois nihiliste, la représentation du rien ou du vide, et spiritualiste, l'expression de l'absolu, qui rejoint, comme on le sait, aussi le concept du néant. À partir de 1960, en Italie avec Piero Manzoni qui réalise ses peintures " achromes ", en Allemagne avec le groupe Zero, aux Pays-Bas avec le groupe Nul, des expériences plus ou moins analogues sont conduites. À New York, de son côté, Ad Reinhardt, au terme d'une évolution commencée tardivement dans les années 50 avec ses peintures abstraites géométriques rouges ou bleues, réalisait, à partir de 1960 et jusqu'à sa disparition, ses " Ultimate Paintings ", qui vont constituer l'autre fondement de la peinture monochrome, avec leur couleur noire uniforme à l'intérieur de laquelle une croix apparaît. Par la suite, avec Francesco Lo Savio et Paolo Schifano, aux États-Unis avec Robert Ryman, des peintures monochromes, exécutées sur des surfaces planes ou parfois des supports en forme de relief, et portant l'accent tantôt sur la matière tantôt sur la couleur, seront réalisées, qui vont permettre à ce genre de connaître un grand développement. S'il s'agit de peinture pure avec Brice Marden et Olivier Mosset ou de recherches sur la composition avec Gottfried Honegger, Ettore Spaletti et Alan Charlton, des artistes tels que Claude Rutault, Gerhard Richter et Bertrand Lavier, comme François Morellet avant eux, y ont aussi recours, souvent pour affirmer leur position théorique par rapport à la peinture, comme continuent de la pratiquer actuellement Rémy Zaugg et Daniel Walravens. Pierre Soulages, quant à lui, qui peint depuis 1979 des tableaux exclusivement noirs, s'attache plutôt à traduire un autre phénomène : celui de la lumière.