Francesco Squarcione

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Padoue 1397  – id.  1474).

Sa personnalité demeure ambiguë. Les historiographes anciens parlent de Squarcione comme d'un " peintre depuis l'enfance ", ce que contredisent les archives, qui le mentionnent toujours comme " tailleur et brodeur ". Certains exaltent ses voyages en Italie et en Grèce, à la recherche de dessins et de vestiges archéologiques, tandis que les textes mêmes ne mentionnent aucun voyage ; bien au contraire, Squarcione semble avoir été solidement enraciné à Padoue. On ne lui attribue pas moins de 137 élèves, dont Zoppo, Schiavone, Palmezzano. Ces " adoptions " se soldent le plus souvent par des disputes, et le père adoptif fait figure d'exploitant. Le cas de Mantegna, se libérant brutalement de cette tutelle, est typique. S'il fut un homme haïssable, un procédurier avide d'exploiter le talent de ses meilleurs élèves, Squarcione n'en dirigea pas moins pendant vingt ans un atelier qui fut un incroyable foyer de recherches, mettant à la disposition d'une génération entière les médailles, les marbres antiques, les objets de curiosité, cette collection d'antiquailles dont l'existence n'est pas contestée. Il exerça par là une influence de premier ordre sur les artistes venus des foyers encore gothiques d'Émilie, des Marches, de Lombardie et de Venise. Il mêlait lui-même à des archaïsmes naïfs une science délicate des couleurs et se montra, dans ses œuvres sûres (le polyptyque avec Saint Jérôme entre Sainte Lucie, Saint Jean-Baptiste, Saint Antoine et Sainte Justine, peint entre 1449 et 1452 pour Lione de Lazara [musée de Padoue] et la Vierge de Berlin), capable de chromatismes délicats et de trouvailles plastiques qui font de lui bien autre chose qu'un peintre " réfractaire au souffle de la Renaissance " (A. Venturi). Un art curieux devait sortir de l'atelier de Squarcione, profondément irréaliste, d'un expressionnisme féroce, tour à tour tragique ou humoristique ; les formes utilisées, d'une puissance plastique peu commune, ont une dureté minéralogique. Ce sera le point de départ des " vitrifications " surréalistes de C. Tura et des Ferrarais. À vrai dire, Squarcione n'a sans doute pas été un grand novateur : encore a-t-il su tirer habilement parti des nouveautés florentines (il possédait des dessins de Pollaiolo) et créer autour de lui le foyer du curieux " romantisme de l'antique " des années 1460.