Louis Soutter

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Dessinateur et peintre suisse (Morges 1871  – Ballaigues 1942).

Soutter est une des figures les plus attachantes de l'art suisse. Il abandonna des études d'architecture pour travailler le violon à Bruxelles avec E. Ysaïe. En 1896, il se rend à Colorado Springs, ville natale de sa femme, et y enseigne le violon et le dessin. Huit ans plus tard, il revient à Lausanne.

Il fait un premier séjour en clinique psychiatrique en 1906 : c'est le début de presque vingt années de vie malheureuse et vagabonde, où seule la musique lui sert de gagne-pain.

En 1923, sa famille le met à l'asile de vieillards de Ballaigues, où il finira ses jours, soutenu par Le Corbusier, Auberjonois et Maxime Vallotton. La quasi-totalité de son œuvre date de cette époque. Faute d'argent, Soutter n'utilisa pratiquement point d'autre matériel que des cahiers d'écolier, des torchons et de l'encre ordinaire. Il ne datait ni ne signait ses œuvres, mais les complétait d'une légende suggestive ; quant à son style, qui n'entre dans aucune catégorie, il évoque l'Expressionnisme de Rouault dans les clairs-obscurs et les empâtements. Peu après son arrivée à Ballaigues, Soutter illustra de nombreux livres (Flaubert, Mme de Staël, Morax) et copia des maîtres anciens. Jusqu'en 1930, il exécute des dessins en hachures, exacerbant les zones d'ombres et de lumières, illustrant principalement des architectures de rêve, villes, temples antiques, châteaux médiévaux (Ville et coupoles, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts) ainsi que de multiples dessins de figures souvent allégoriques (l'Orgueil) où les personnages se distinguent difficilement des fonds nerveux et hachurés.

De 1930 à 1937, hormis quelques dessins dont la thématique est tirée de la matière (le Bouquet), la majeure partie de son œuvre graphique illustre des figures féminines, d'un fort érotisme (Nous souffrons d'amour, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts) ou des visages de femmes, tentateurs et terrifiants, issus des obsessions de l'artiste (Georges ne vit plus, musée Jenisch, musée des Beaux-Arts de Vevey). En 1937, la baisse de sa vue pousse Soutter à changer de style, créant des peintures dites au doigt avec de l'encre noire, de la gouache, du vernis copal, de l'huile. D'une forte puissance expressive, ces représentations de silhouettes forment des danses insensées de figures serpentines (Happy Day). Certaines œuvres, prises dans un rythme rapide, combinent le dialogue du noir et du blanc avec l'usage de couleurs vives posées en taches (Or, or) ou la tension de certains personnages aux couleurs crues (Masquerade in Slums, 1931). Le thème de la passion du Christ, accentuant par de violents contrastes de noirs et de rouges le caractère tragique des scènes, fait l'objet de nombreuses variations au cours de cette dernière période, intensifiant le rendu de la misère et de la souffrance liées à la représentation humaine (Sang de croix, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts).

De grandes expositions ont rendu l'œuvre de Soutter à sa juste place : à Lausanne, en 1961, 1974, 1986 ; à Marseille, musée Cantini, en 1987 ; à Martigny, Fondation Pierre Giannada, et à Troyes, M. A. M., en 1990.