Maître du Liber Viaticus

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Enlumineur tchèque (troisième quart du xive s. ).

Peintre de la cour de Prague, il travailla surtout pour Jean de Neumarkt, chancelier de l'empereur Charles IV et l'un des premiers humanistes des pays situés au nord des Alpes. Le Bréviaire de voyage (Prague, Galerie nationale), achevé probablement avant 1360, et qui a donné son nom au Maître, contient environ 80 miniatures, dont quelques-unes, parmi les dernières, sont d'un style différent. Le peintre, présume-t-on, est parti de la tradition locale de la peinture des manuscrits : caractère décoratif de la mise en page, accord de la peinture avec les initiales et l'écriture, motifs " en camaïeu ", emploi de la feuille d'acanthe ; le bréviaire offre également beaucoup d'analogie avec la peinture sur panneaux de son temps et de l'époque précédente : cycle du Maître de Vyšší Brod, diptyque de Karlsruhe, Vierges dites " de Rome ", de Boston, panneaux de la collection Morgan. On a également fait remarquer la parenté du Liber viaticus avec la peinture murale de la cour de Prague. On pense que le maître a connu directement la peinture italienne du trecento, surtout l'enluminure siennoise des années 1350.

De tous ces éléments, caractérisés par une conception de l'espace et une plasticité italianisantes, par la délicatesse du coloris, par la profondeur et le lyrisme du sentiment, par l'adoption de la feuille d'acanthe (bientôt devenue caractéristique de l'enluminure tchèque comme motif décoratif), le peintre a su tirer un style personnel.

On groupe avec le Liber viaticus le manuscrit Laus Mariae, de Conrad de Haimburg (musée de Prague), et le Missel de Nicolas de Brno (av. 1360, Brno, Archives municipales), dont se rapproche une Résurrection, page isolée enluminée (Olomouc, résidence épiscopale). Trois manuscrits postérieurs restent dans le sillage du Liber viaticus : Orationale Arnesti (apr. 1360, Prague, Galerie nationale), le Missel de Jean de Neumarkt (apr. 1364, Prague, bibl. du chapitre) et l'Évangéliaire de Jean de Troppau (1368). Dans ces manuscrits plus récents, les figures, se conformant à l'évolution de la peinture, sont plus dynamiques et la lumière nivelle les formes au lieu de les modeler. Le Maître a imposé à l'enluminure tchèque sa conception du décor. Ce bréviaire et les manuscrits groupés autour de lui constituent les chefs-d'œuvre de l'enluminure en Bohême sous le règne de l'empereur Charles IV de Luxembourg.