Lorenzo Veneziano

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Venise, documenté de 1357 à 1372).

Le Polyptyque Lion (Venise, Accademia), première œuvre datée (1357-1359) de Lorenzo Veneziano, montre un artiste déjà formé. On peut supposer que, avant cette réalisation, celui-ci travailla dans l'entourage de Paolo Veneziano (plusieurs œuvres ont été attribuées à cette première période non documentée) et qu'il fit un séjour à Vérone, v. 1350, où il laisse une fresque à Santa Anastasia et un Crucifix à San Zeno. En tout cas, on perçoit dans le Polyptyque Lion (l'Annonciation et de nombreux Saints sur deux registres) une tentative de s'évader des règles figuratives rigides, d'origine byzantine, héritées de Paolo Veneziano, moyennant une articulation formelle plus variée de tendance gothique et un anticonformisme expressif déjà fort conscient de certains mouvements européens et du réalisme bolonais. Ces efforts courageux permettent de voir en Lorenzo un innovateur de la peinture vénitienne de la seconde moitié du trecento. La tentative de rupture avec l'art byzantin est évidente dans le Mariage mystique de sainte Catherine (1359, Venise, Accademia), aux rythmes sinueux, aux couleurs plus claires et animé d'une sensibilité naturaliste rappelant Tommaso da Modena ; elle est moins décidée dans le polyptyque (Dormition de la Vierge et Saints) du dôme de Vicence (1366), qui garde la présentation générale et certains éléments stylistiques de goût oriental, et limite ses aspirations modernes à de grêles préciosités linéaires gothiques. Cette attitude linguistique, imprégnée de velléités gothiques, mais aux modes encore byzantins, s'accentue dans le polyptyque démembré, comprenant, au centre, la Remise des clés à saint Pierre (1370, Venise, musée Correr) et, aux côtés, quatre Saints, conservés à Berlin. Cependant, la prédelle, brillante, également à Berlin (Scènes de la vie de saint Pierre et de saint Paul), qu'animent une fraîcheur narrative et un sens de l'observation aigu de la nature, révèle une sensibilité nouvelle et originale ; témoignant de l'assimilation d'une culture de type continental, elle souligne aussi les liens étroits avec le milieu bolonais et confirme la présence de Lorenzo à Bologne. On sait d'ailleurs qu'en 1368 il avait peint pour l'église S. Giacomo, à Bologne, un Polyptyque, auj. démembré (2 panneaux à la P. N. de Bologne). Dans le Polyptyque de l'Annonciation de 1371 (Venise, Accademia), les personnages, d'une densité corporelle plus consistante, sont placés sur un pré fleuri annonciateur des " mille-fleurs " précieux du Gothique international. Une majesté nouvelle et vigoureuse et un esprit narratif plus fantastique se manifestent dans le triptyque, reconstitué par R. Longhi, avec la Résurrection du Christ (Milan, Castello Sforzesco), le Saint Pierre (1371) et le Saint Marc de l'Accademia de Venise.

Dans la dernière période de son activité, Lorenzo abandonne ses anciens intérêts et se limite à la recherche d'élégances subtilement gracieuses, auxquelles il se complaît particulièrement dans la Vierge et l'Enfant Jésus, centre d'un polyptyque démembré (1372, Louvre) ; son " gothicisme " atteint alors, dans les images douces et raffinées ainsi que dans de nouveaux caprices architectoniques, une tension originale. Dans le Polyptyque de S. Maria della Celestia (Brera) avec la Vierge et l'Enfant avec des anges entourés de huit Saints, ce " gothicisme " se complique d'ajours et de pinacles, composant ainsi, avec les petits personnages malicieux, un ensemble décoratif infiniment précieux. Avec cette dernière œuvre, le style de Lorenzo Veneziano atteint une dimension gothique déjà imprégnée d'esprit " courtois " qui, en concluant la carrière du peintre, ouvre à Venise le nouveau chapitre du Gothique international.