Liberale da Verona

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Vérone v.  1445  – id.  1527-1529).

Il exécute ses premières miniatures à Vérone en 1465 pour l'église S. Maria in Organo, puis émigre en Toscane. Entre 1467 et 1469, il enlumine 4 Antiphonaires (Chiusi, Opera del Duomo) du monastère de Monte Oliveto Maggiore, dans lesquels s'unissent la force de la tradition padouane, de Belbello aux grands miniaturistes de Borso d'Este, et les premiers motifs plastiques toscans. Formé dans l'Italie du Nord, il y a acquis la qualité fondamentale de son style : un graphisme très souple et fleuri, riche d'arabesques et de torsions formelles. Son originalité se déploie pleinement dans les fameux 14 Graduels décorés, entre 1470 et 1476, pour la " libreria " (bibliothèque) Piccolomini de Sienne (dôme). Dans ces grandes feuilles, chefs-d'œuvre de l'enluminure italienne du quattrocento, certains rythmes fantastiques du Gothique tardif international subsistent encore, côtoyant les lignes fortes et incisives de la manière florentine telle que la pratiquent Botticelli et Pollaiolo.

Toute l'activité siennoise de Liberale da Verona est proche et souvent étroitement liée à celle d'un autre miniaturiste, Girolamo da Cremona, ce qui a rendu longtemps difficile toute attribution certaine à chacun des deux artistes. Cependant, R. Longhi a reconnu à Liberale da Verona une personnalité supérieure à celle de Girolamo, chez qui pourtant il puisa souvent ses sources d'inspiration. On reconnaît aujourd'hui en Liberale l'auteur de plusieurs œuvres importantes, attribuées antérieurement à Girolamo et exécutées au cours de séjours à Rome (la Vierge et l'Enfant entre saint Benoît et sainte Françoise Romaine, église Sainte-Françoise-Romaine) et à Viterbe. Le Christ et quatre saints (1472, Viterbe, cathédrale) est ainsi sans doute son chef-d'œuvre. La figure du Christ, debout sur un podium, prend un relief plastique plus intense dans le mouvement du vêtement, gonflé et accentué par un regard à la fixité inquiète.

Parmi les œuvres ainsi restituées à Liberale, on peut citer 2 Scènes de la vie de saint Pierre (Berlin et Cambridge, Fitzwilliam Museum), l'Enlèvement d'Hélène (Avignon, Petit Palais) et l'Enlèvement d'Europe (Louvre), la Nativité (New Haven, Yale University Art Gal.), les Joueurs d'échecs (" cassone " partagé entre le Metropolitan Museum et la fondation Berenson à Settignano).

Selon Vasari, Liberale est de retour à Vérone en 1482 ; puis il se rend à Venise en 1489, date à laquelle il peint la " pala " avec la Madone en trône avec quatre saints (musées de Berlin). Il rentre ensuite à Vérone, où il déploie une grande activité jusqu'à sa mort. Parmi les œuvres de cette période, il faut mentionner la Pietà (Munich, Alte Pin.), un Saint Sébastien (Brera) où apparaît encore l'influence de Mantegna, la Nativité (Boston, Gardner Museum), de nombreuses Madones (Turin, Gal. Sabauda ; Londres, N. G. ; Stockholm, Université ; musées de Grenoble et de Cracovie), l'Adoration des mages (Vérone, Duomo), la Déposition de croix (Vérone, Castel Vecchio), la prédelle de la Vie de la Vierge (Vérone, archevêché). Les fresques (1490) de la chapelle Bonaversi à S. Anastasia, à Vérone, restent l'une de ses œuvres les plus significatives. Les dons de Liberale da Verona, son imagination poétique pleine de fantaisie, son âpreté, son goût pour une expression tourmentée furent reconnus déjà par Vasari, qui admirait sa capacité de " savoir rendre le rire aussi bien que les pleurs ". Son " expressionnisme ", pour employer un terme moderne, fait de lui un isolé dans le climat classique de Vérone. Il apparaît ainsi beaucoup plus proche de certains peintres du Nord et en particulier de ceux de l'école du Danube, tout en les devançant sensiblement sur le plan historique, ce qui rend sa personnalité encore plus singulière.