Grand Tour
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Voyage, entré dans les mœurs britanniques dès 1720, que tout Anglais de bonne souche se devait de faire jusqu'en Italie, le plus souvent en traversant la France et la Suisse, en compagnie d'un ou de plusieurs guides capables de lui montrer ce qui était digne d'être vu et de faire son éducation. Aucun aristocrate ou gentilhomme au xviiie s. n'avait véritablement achevé son éducation tant qu'il n'avait pas vécu au moins un an à l'étranger.
Au cours de ce voyage, le gentilhomme acquérait rapidement une teinture de la langue et des mœurs italiennes ou françaises. Il revenait en Angleterre l'esprit rempli de tournures élégantes sur les beautés de la baie de Naples, la splendeur du Vésuve et l'éclat de la Renaissance à Florence et à Rome.
C'était aussi l'attrait du passé qui s'exerçait sur les voyageurs du Grand Tour. Herculanum et Pompéi venaient d'être exhumées et des artistes comme Gavin Hamilton employaient leur temps de manière profitable en achetant et en vendant des marbres et des statues antiques. Les voyageurs du Grand Tour patronnaient les artistes modernes tout en faisant le commerce des antiquités. Batoni fit ainsi d'innombrables portraits d'aristocrates britanniques séjournant à Rome, dans un décor de sculptures et de ruines antiques.
Le Grand Tour avait cependant une valeur particulière pour les artistes et les architectes. C'était l'occasion d'emplois de tuteurs ou de cicérones auprès des gentilshommes anglais, ou le prétexte de bourses de voyages pour l'Italie. Ils y étudiaient les maîtres de la Renaissance comme Raphaël ou Michel-Ange ou des artistes plus proches d'eux comme Caravage, Guido Reni et Guerchin. Les architectes pouvaient examiner les ruines de Rome et de Naples, et cet intérêt contribua à l'expansion du mouvement néo-classique, en peinture comme en architecture et en sculpture, à travers toute l'Europe, après 1760.
Le Grand Tour fut touché par le Romantisme, qu'il influença en mettant l'accent sur la nostalgie du passé au détriment des valeurs rationnelles. Les Alpes, montagnes à la fois sauvages et pittoresques, inspirèrent crainte et terreur. Wright of Derby fut très fortement impressionné à la vue d'une éruption du Vésuve.
Le Grand Tour eut pour résultat d'offrir des perspectives esthétiques nouvelles aux artistes britanniques aussi bien qu'aux Allemands, aux Scandinaves et aux Russes. Il contribua à introduire et à diffuser au nord des Alpes de nombreuses œuvres d'art qui étaient restées jusque-là en Italie et offrit en particulier à l'art anglais de plus solides fondements.