Carlo Carrà
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Quargnento, Alexandrie 1881 – Milan 1966).
Autodidacte, il travaille comme décorateur d'abord à Milan, puis à Paris et à Londres. En 1906, il entre à l'Académie de Brera et étudie sous la direction de Cesare Tallone. Il expose, pour la première fois, à Milan en 1908 et se fait connaître par une série de paysages tout imprégnés par la tradition du xixe siècle lombard, puis fortement marqués par le Divisionnisme ; c'est le début du profond renouvellement de son style (la Sortie du théâtre, Londres, Tate Gal., 1909). Après sa rencontre avec Marinetti, il participe en 1910, avec Balla, Boccioni et Russolo, à la rédaction du Manifeste de la peinture futuriste. Les œuvres de cette période sont très importantes pour l'histoire du Futurisme : les Funérailles de l'anarchiste Galli (1910-11, New York, M. O. M. A. ; Ce que m'a dit le tram, 1911) Commes les autres futuristes, il passe du Divisionnisme au Cubisme (la Galerie de Milan, 1912), puis il cherche par le moyen de la décomposition de la forme et de la " simultanéité des images " à traduire le mouvement : Simultanéité, la femme au balcon (1912). À ce moment, il donne des articles dans la revue Lacerba, puis commence la pratique du collage (Bouteille et verre, 1914, New York, coll. part.), dans laquelle la décomposition des objets laisse une certaine lisibilité à l'image. En 1914, au cours d'un long séjour à Paris, il se lie avec Apollinaire et Picasso : cette période culmine avec le Manifeste interventionniste Fête patriotique , un collage abstrait de 1914, parfait représentant du " cubo-futurisme ", où, dans une composition centrifuge fondée sur des cercles concentriques et des diagonales rayonnantes, en jouant du clair-obscur, Carrà introduit soit par le moyen du collage, soit en les peignant, des lettres, des mots, des chiffres, des bouts de phrases, des onomatopées qui constituent pour lui l'équivalent d'une manifestation avec ses bruits et ses rumeurs et qui représentent l'équivalent pictural des poèmes que Marinetti écrira sous le nom de Mots en liberté futuriste. Il collabore ensuite avec le groupe florentin de La Voce. Une crise intellectuelle l'amène à démissionner en 1915 du mouvement Futuriste de Marinetti : c'est l'époque des œuvres qualifiées par lui d'" antigrazioso " (1916). Il publie dans La Voce des essais sur la peinture ancienne, en particulier Giotto (" Parlata su Giotto ") et Paolo Uccello (" Paolo Uccello costruttore "). Il rencontre alors Giorgio De Chirico et Alberto Savinio à Ferrare en 1916. Il adopte tout en suite l'iconographie et la facture de la peinture métaphysique, mais en lui donnant une coloration particulière (Gentilhomme ivre, 1916). Les tableaux qu'il va réaliser alors (la Muse métaphysique, 1917, ou encore le Fils du constructeur, 1917-1921) connaîtront autant sinon plus que celles de Giorgio De Chirico, une influence considérable sur le plan international, en particulier par l'intermédiaire de la revue Valori Plastici (1918-1921), à laquelle collabore Carrà. En Allemagne, particulièrement, George Grosz, Rudolf Schlichter, Max Ernst, mais aussi Oskar Schlemmer seront particulièrement marqués par ses œuvres. Dès 1919, Carrà évolue en adoptant à la fois des sujets plus traditionnels, paysages ou compositions tirés de la Bible (les Filles de Loth, 1919 ; le Pin au bord de la mer, 1921) et surtout en adoptant un style et une facture volontairement archaïsants. C'est le début d'une période qui durera jusqu'en 1930, que l'on peut qualifier de " réalisme magique " et qui participe bien de ce retour à l'ordre auquel on assiste à l'époque en Europe et dont il est l'un des principaux artisans. Cette recherche aboutit parfois à des compositions qui peuvent paraître arides, à la fois par la simplification de la forme et la sécheresse de la facture. La Maison de l'amour (1922) est à cet égard un exemple carctéristique de cette tendance archaïsante qui peut déboucher sur une maladresse apparente. À partir de 1925, le " réalisme " de Carrà évolue avec utilisation de thèmes plus classiques, composés de natures mortes, de paysages terrestres et maritimes, très solidement construits et où se remarque le souvenir de Cézanne mélangé à une facture naïve issue de la peinture primitive. Mais un tableau comme les Pêcheurs (1929-1935, Milan, Civica Galleria d'Arte Moderna) reste monumental par sa composition et le traitement de ses formes. Carrà poursuivra jusqu'à la fin de sa vie cette veine qui peut le conduire jusqu'au dépouillement total : la Dernière Campagne (1963) montre seulement une plage dénudée avec une maison stylisée à l'extrême et une barque flottant sur la mer. De très nombreuses expositions ont été consacrées à son œuvre, les plus significatives étant celles qui ont été organisées à Milan en 1942, à Brera et au Palazzo Reale en 1962. En 1950, Carrà a obtenu le premier prix de la Biennale de Venise. Une grande exposition rétrospective de son œuvre a été organisée à la Kunsthalle de Baden-Baden en 1987. Ses peintures et dessins ont été présentés (Bergame, G. A. M. ) en 1996.