La Cour du maçon

peinture de Canaletto (v. 1726-1730). National Gallery, Londres

Sur cette toile sont représentées l'église et l'école de la Carità, vues du Campo San Vidal, à Venise, servant alors de chantier pour la reconstruction de l'église voisine. Comme la plupart des œuvres de Canaletto, elle n'est ni signée ni datée, mais le goût de la mise en scène qui s'y manifeste et la lumière chaude qui la baigne évoquent la production de l'artiste des années 1726-1730.

Si, à gauche, l'église, le Grand Canal et l'amorce du palazzo obéissent à un rigoureux parallélisme frontal, les sommets de la cheminée, du campanile et du fronton de l'église dessinent une diagonale opposée à l'oblique formée par les bâtiments de droite. Voulue par la perspective, cette dernière oblique est accentuée par la taille décroissante des maisons et prolongée par l'ombre portée de la maison de gauche, tranchant sur une zone inondée de soleil. Il est peu probable que la réelle topographie du lieu ait réuni tant de coïncidences heureuses pour la composition : sans doute le peintre s'est-il autorisé quelques entorses à la vérité pour planter ce décor de la vie quotidienne des petites gens de Venise, agencé suivant un équilibre parfait entre l'ombre et la lumière. Des tailleurs de pierre dégrossissent le marbre, des femmes vaquent à leurs occupations, un couple devise, dans une insouciance que ne parvient pas à troubler le petit drame qui se joue à l'« avant-scène » : un enfant tombe à la renverse devant une mère marquant un affolement de tragédienne. La veduta se pare ici du charme intime de la peinture de genre.