piano préparé

(en angl. prepared piano)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Nom donné à une certaine technique de modification des sons naturels du piano (essentiellement par insertion d'objets divers dans la caisse et entre les cordes) ; et aussi nom donné au piano quand celui-ci fait l'objet de ce traitement. On attribue l'invention du piano préparé à John Cage, avec une Bacchanale (1938), musique pour un ballet de Syvilla Fort. Il s'agit moins, avec cette technique, d'une « destruction » ou d'une « profanation » de l'instrument (qui, pour peu qu'on y prenne garde, n'est pas le moins du monde détérioré par l'opération) que d'une façon nouvelle de lui faire produire des sonorités et des timbres. Quels que soient les « corps étrangers » introduits dans les cordes (gommes, vis, élastiques, objets de bois, de métal, de plastique, etc.), leur rôle est de modifier le son naturel de l'instrument quand on appuie sur la touche du clavier et que le marteau frappe la corde : on produit ainsi des timbres et des hauteurs différentes, des sons plus complexes, voilés, percussifs, mats ou au contraire stridents. De plus la préparation n'étant pas uniformément répartie sur tout l'instrument, on dispose d'une espèce de gamme de timbres différents, d'une sorte de petit orchestre jouable avec deux mains.

Dans les partitions pour piano préparé, la préparation demandée peut être rigoureusement décrite et spécifiée (nature des objets insérés, indication des cordes à préparer, et des endroits précis où introduire ces objets), mais l'œuvre est écrite dans une notation traditionnelle, qui, dès lors, rend compte plus des touches à enfoncer que du résultat auditif.

L'œuvre pour piano préparé la plus importante est celle de John Cage, avec notamment le cycle remarquable des Sonates et Interludes (1946-1948), qui imitent des sonorités de certaines musiques orientales, notamment balinaises. Mais dès 1948, Pierre Henry utilise le piano préparé comme source sonore prédominante de structures musicales enregistrées dans ses œuvres de musique concrète et électroacoustique (Bidule en « ut », 1950 ; Symphonie pour un homme seul, 1949-50, ces deux œuvres avec Pierre Schaeffer ; plus tard le Concerto des ambiguïtés, 1950 ; le Microphone bien tempéré, 1950-51 ; la Reine verte, 1963 ; Dieu, 1977, etc.). Aujourd'hui, le piano préparé fait partie d'une certaine panoplie instrumentale moderne, mais rares sont encore les compositeurs qui l'utilisent en dehors du modèle cagien : citons parmi eux, Michèle Bokanovski, avec sa pièce Pour un pianiste (1974), pour piano préparé et bande magnétique, dédiée à Gérard Frémy, son inspirateur, un des rares virtuoses français à pratiquer cette technique.