Ralph Vaughan Williams
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur anglais (Down Ampney, Gloucestershire, 1872 – Londres 1958).
Artisan principal du renouveau de la musique anglaise au xxe siècle, il étudia au Royal College of Music avec Parry (1890-1892), à Cambridge (1892-1895), puis de nouveau au Royal College of Music avec Stanford (1895-96). Il se rendit ensuite pour quelques mois à Berlin, où il travailla avec Max Bruch. En 1895, il avait rencontré au Royal College of Music Gustav Holst, nouant avec lui une profonde amitié. Il réalisa que l'imitation des modèles étrangers ne le mènerait à rien, et sa personnalité se révéla au contact des chansons populaires de son pays, qu'il étudia et traita à la manière de Bartók et de Kodály en Hongrie, et de la musique élisabéthaine et jacobéenne des xvie et xviie siècles.
Il parvint à maturité relativement tard, mais composa jusqu'à son dernier souffle, abordant à peu près tous les genres, des plus modestes aux plus ambitieux. En outre, il participa étroitement, pendant près de soixante ans, à la vie musicale britannique, témoignant d'un sens de la communauté rare au xxe siècle. Souvent en collaboration avec son ami Cecil Sharp, il réunit en tout plus de 800 chansons populaires (la première, Bushes and Briars, en 1903). Sa première œuvre restée dans la mémoire collective est le chant Linden Lea, pour voix et piano (1901). Suivirent notamment les Songs of Travel, d'après Robert Louis Stevenson (1901-1904), In the Fen Countries (1904) et les 3 Norfolk Rhapsodies, pour orchestre (1905-1906), et Toward the Unknown Region, pour chœur et orchestre, d'après Walt Whitman (1905-1906). De décembre 1907 à février 1908, Vaughan Williams séjourna à Paris, où il étudia avec Ravel (surtout l'orchestration). Sa période d'apprentissage prit fin avec A Sea Symphony, pour soprano, baryton, chœur et orchestre, d'après Whitman (1903-1910), et qui est, en fait, la première de ses 9 symphonies. L'œuvre fut exécutée en 1910. La même année, la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis consacra la célébrité du compositeur. Citons encore un quatuor à cordes en sol mineur (1908-1909), premier fruit des études avec Ravel, le cycle de mélodies On Wenlock Edge, d'après Housman (1908-1909), et une musique de scène pour les Guêpes d'Aristophane (1909).
A London Symphony (1912-1914) et l'opéra Hugh the Drover (1910-1914), qui renouvela le genre de l'opéra-ballade, sont deux œuvres à la fois ambitieuses et d'un bel élan. De la même époque date The Lark Ascending, pour violon et orchestre (1914). Après la guerre, qu'il passa en France et à Salonique, Vaughan Williams enseigna au Royal College of Music et devint directeur du Bach Choir (1920-1928). Naquirent alors de nombreuses œuvres reflétant chez lui certains traits qu'on a pu qualifier de visionnaires, et recouvrant des genres et des modes d'expression fort variés : A Pastoral Symphony (1916-1922), la messe en sol mineur pour chœur a cappella (1920-21), Flos Campi pour alto et petit orchestre (1925), l'oratorio Sancta Civitas (1923-1925), le concerto pour violon et cordes (Concerto accademico, 1924-25), le concerto pour piano (1926-1931 ; rév. 2 pianos, 1946), le Benedicite (1929), et le ballet Job (1927-1930). Il faut encore mentionner 3 opéras : Sir John in Love, d'après Shakespeare (1924-1928, créé en 1929), The Poisened Kiss (1927-1929, créé en 1936), et surtout Riders to the Sea, d'après Synge (1925-1932, créé en 1937). Cette période déboucha sur la Symphonie no 4 en fa mineur (1931-1934, créée en 1935), dont l'âpreté et la violence sont en contraste total avec la douceur modale et le folklore recréé de la Pastoral. Interrogé sur cette œuvre qui surprit, mais dont on avait pu entendre des prémisses dans les épisodes « sataniques » de Job, le compositeur eut cette boutade : « Je ne sais si j'aime ça, mais c'est ce que j'ai voulu dire. »
Suivirent notamment Dona nobis pacem, cantate pour soli, chœurs et orchestre (1936), Five Tudor Portraits, et Serenade to Music (1938), ouvrage pour 16 voix solistes et orchestre d'après Shakespeare écrit pour le jubilé de sir Henry Wood en tant que chef d'orchestre. La lumineuse Symphonie no 5 en ré majeur, créée en 1943 et dédiée « sans permission » (la Finlande et la Grande-Bretagne étaient officiellement en guerre l'une contre l'autre) à Jean Sibelius, transposa sur un plan plus abstrait le message de la Pastoral tout en faisant usage d'éléments pris dans un opéra d'après Bunyan entrepris depuis longtemps, mais qui ne devait être achevé qu'en 1949 et créé en 1951, The Pilgrim's Progress. Dans le sillage de la 5e Symphonie se situent, entre autres, Five Variants of Dives and Lazarus, pour cordes et harpe (1939), le quatuor à cordes en la mineur (1942-1944) et le concerto pour hautbois et cordes (1944).
La Symphonie no 6 en mi mineur (1944-1947, créée en 1948) est souvent considérée comme le chef-d'œuvre de Vaughan Williams. Dramatique et heurtée, elle approfondit le message de la 4e, et son finale (Epilogue), d'un bout à l'autre pianissimo (senza crescendo), est l'image même de la désolation. La Sinfonia antartica (no 7) fut entreprise en 1949, mais avant son achèvement (1952) et sa création (1953) intervinrent notamment An Oxford Elegy, pour récitant, petit chœur et petit orchestre (1947-1949), Fantasia on the Old 104th, pour piano, chœur et orchestre (1949), une Romance, pour harmonica, cordes et piano (1951) et les Three Shakespeare Songs, pour chœur sans accompagnement (1951). En 1953, Vaughan Williams abandonna le poste de premier chef d'orchestre du Leith Hill Festival, qu'il avait occupé depuis 1905 et qui lui avait permis de diriger de mémorables exécutions de Bach, en particulier de la Passion selon saint Matthieu. Dans ses dernières années, il écrivit encore la cantate de Noël Hodie (1953-54), un concerto pour tuba basse (1954), les Ten Blake Songs, pour voix et hautbois (1957), les Four Last Songs (1954-1958), une sonate en la mineur pour piano et violon (1954), et surtout la Symphonie no 8 en ré mineur (1953-1955, créée en 1956), sorte de concerto pour orchestre témoignant de l'intérêt du compositeur, dans ses dernières années, pour les problèmes de sonorité, et la Symphonie no 9 en mi mineur (1956-57, créée en 1958), d'un pessimisme assez amer.
Il coupa radicalement les ponts avec l'Allemagne et l'Italie, mais sans tomber dans le provincialisme. Au contraire, son ampleur de vue, son nationalisme intelligent, ainsi que sa parfaite connaissance et sa juste appréciation de la société britannique de son temps, dont il réussit à se faire accepter tout en s'attachant sur le plan musical à la faire évoluer à tous les niveaux, lui permirent de donner à son pays ce dont il avait le plus besoin : une tradition contemporaine profonde et authentique, et capable par là de se développer à long terme. Il reste, avant Michael Tippett, Peter Maxwell Davies, Brian Ferneyhough ou encore James Dillon, un des plus grands compositeurs qu'ait produit la Grande-Bretagne en notre siècle.