Jean-Étienne Marie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur français (Pont-l'Évêque, Calvados, 1917 – Nice 1989).

Après des études de musique, de théologie et de mise en ondes, il commence à travailler comme musicien metteur en ondes à l'O. R. T. F., à partir de 1949. Quelques années plus tard, il réalise des musiques électroacoustiques dans le cadre du Club d'essai, mais indépendamment du Groupe de recherches de musique concrète de la R. T. F. ; il produit une expérience de confrontation entre l'image composée et le son avec Polygraphie polyphonique no 1 (1957), pour violon et « film sonore », et il participe brièvement à l'expérience du Concert collectif du G. R. M., avec l'Expérience ambiguë (1962). Il affirme également son intérêt pour l'utilisation des micro-intervalles, dans un esprit proche du compositeur mexicain Julian Carillo, son inspirateur. C'est en hommage à ce dernier qu'il compose le Tombeau de Julian Carillo (1966), pour piano en tiers de ton, piano en demi-ton, et bande magnétique. Il écrit aussi, pendant les années 60, Images thanaïques (1960) pour orchestre et bande, Oboediens usque ad Mortem (1966) pour orchestre, Appel au tiers monde (1967) pour bande magnétique, sur un texte d'Aimé Césaire, Tlaloc (1967) pour orchestre et trois bandes magnétiques stéréo, et Concerto milieu Divin (1969), pour grand orchestre et dispositif électroacoustique de « tape delay » (enregistrement et relecture avec retard de l'exécution en direct, à laquelle elle est superposée).

En 1966, il crée au sein de la Schola cantorum, où il est professeur, un studio et un centre d'enseignement de musique électroacoustique, le Centre international de recherches musicales (C. I. R. M.), installé à Nice depuis 1975, où viennent travailler divers compositeurs (dont son collaborateur Fernand Vandenbogaerde), qui y produisent de nombreuses œuvres pour bande magnétique et « dispositif électroacoustique ». Il est aussi, pendant quelques années à partir de 1968, l'animateur des Semaines de musique contemporaine d'Orléans. Dans le cadre du C. I. R. M., il a réalisé des pièces comme S 68 (1969), « symphonie électroacoustique » pour bande magnétique en trois mouvements (Vent d'Est, Action, Demain), BSN 240 (1969) pour trois bandes stéréo à déroulement infini (ne retrouvant leur synchronisme de départ qu'au bout de deux cent quarante heures), Savonarole (1970) pour chœur, orchestre à cordes, deux récitants, six pistes magnétiques, Vos leurres de messe (1972), pour trompette, cor, et dispositif électroacoustique, Symphonies (1972), pour orgue et bande magnétique, etc.

Mais il abandonne au bout d'un certain temps ses lourdes tâches de direction pour se consacrer à ses recherches personnelles. Son intérêt pour une « formalisation mathématique » de toute la problématique musicale se développe, et il en élabore la théorie « globalisante », à la manière de Xenakis (mais peut-être sans les frappantes et immédiates intuitions de Xenakis), dans un gros ouvrage, l'Homme musical, qui brosse un programme pédagogique passant par la sociologie, la technique, les mathématiques, l'esthétique, etc. Les micro-intervalles, envisagés comme le moyen de « faire se rejoindre l'harmonie et le timbre », l'emploi de modèles mathématiques, une inspiration souvent religieuse, humaniste et tiers-mondiste, demeurent les axes de son œuvre musicale, quand il entreprend de repartir à l'aventure en mettant au point une sorte de synthétiseur portable accordé en micro-intervalles non tempérés, qu'il baptise le C. E. R. M. (Complexe expérimental de recherche musicale). C'est sur cet appareil qu'il exécute en concert ses musiques nouvelles, telles que Irrationnelle homothétie (1979), et une série d'œuvres pour C. E. R. M., avec piano, ou bande magnétique : Fractal-Figural I à IV (1978-1981). Il attache également une certaine importance à ses recherches sur les rapports du son et de l'image, ayant tenté notamment de donner une version sonorisée nouvelle du Cuirassé Potemkine d'Eisenstein. Jusqu'en 1986, il a dirigé le festival MANCA de Nice, son successeur étant en 1987 Michel Redolfi.