Luigi Dallapiccola

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur italien (Pisino d'Istria 1904 – Florence 1975).

Il commença ses études musicales à Graz où sa famille avait été exilée pour raisons politiques pendant la Première Guerre mondiale : son père était patriote italien, et Pisino était sous la domination autrichienne. En 1923, il entra au conservatoire de Florence où il étudia le piano avec E. Consolo et la composition avec V. Frazzi. À partir de 1926, il se produisit en duo avec le violoniste Sandro Materassi, s'employant surtout à faire connaître les œuvres contemporaines. En 1934, il fut nommé professeur de piano au conservatoire de Florence. Il travailla aussi comme critique musical au journal florentin Mondo. Il enseigna la composition aux États-Unis : à Tanglewood (1951-1952), au Queen's College de New York (1956-1959) et à l'université de Berkeley (1961). Il était membre de l'Académie bavaroise des beaux-arts (1953) et de l'Akademie der Künste de Berlin (1958). En 1954, il édita en collaboration avec G. M. Gatti les Scritti sulla musica de Busoni.

Les premières impressions musicales de Dallapiccola ont été le Don Juan de Mozart et les opéras de Wagner, le Pelléas et Mélisande de Debussy, le Pierrot lunaire de Schönberg, les Noces de Stravinski, ainsi que les œuvres de Mahler, de Busoni et de Berg. Comme compositeur, il se fait connaître en 1932 avec sa Partita pour orchestre et soprano, forme redevenue à la mode à cette époque. Les œuvres importantes de sa « première manière », qui dure jusque vers la fin des années 30, sont Deux Chants du Kalewala (1930), la Rapsodia d'après la Chanson de Roland (1932-33) et surtout les Six Chœurs de Michelangelo Buonarotti (1933-1936). Le style en est un néomodalisme, qui se ressent de l'influence des xve et xvie siècles (Dufay, Palestrina). C'est une musique statique, abstraite, concise. La première étape de son évolution laisse apparaître un chromatisme de plus en plus serré, déjà sensible dans les Chœurs de Michel-Ange. En 1937-1939, Dallapiccola compose son premier opéra Volo di notte (Vol de nuit) d'après Saint-Exupéry, dominé par un pessimisme cherchant refuge dans la solitude et dans l'idéal. Il y utilise à la fois le chant et le sprechgesang. Presque en même temps (1938-1941), il écrit ses Canti di Prigionia, sur des textes de Marie Stuart, Boèce et Savonarole.

À partir de ces années, marquées par l'apogée du fascisme, les thèmes de la captivité et de la liberté vont le hanter toute sa vie durant et trouvent leur meilleure expression dans son opéra Il Prigionero (1944-1948), d'après la Torture par l'espérance de Villiers de l'Isle-Adam, et la Légende d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak de Ch. De Coster. Entre-temps, il écrit le ballet Marsias (1942-43 ; repr. Florence, 1948), dans lequel il fait un fréquent usage d'harmonies de quartes superposées. C'est à partir du milieu des années 1940 que le dodécaphonisme commence à s'intégrer à son écriture : Liriche Greche (1942-1945), Chaconne, intermezzo et adagio pour violoncelle seul (1945), Rencesvals (1946). Dans Il Prigionero, ce dodécaphonisme est déjà un fait accompli, et plus encore dans l'oratorio Job (1950). Dans la musique vocale, les intonations mélodiques continuent à refléter l'influence wagnérienne. À l'intérieur de son style dodécaphonique, Dallapiccola utilise non seulement les intervalles dissonants propres à la musique sérielle (secondes, septièmes, neuvièmes), mais aussi des intervalles consonants, ce qui le différencie des dodécaphonistes viennois. Ayant adopté le dodécaphonisme librement et naturellement, Dallapiccola s'est aussi affranchi de toute prise de position sectaire : « La tonalité existe et existera sans doute encore longtemps », déclare-t-il en 1951. À partir de 1953, il s'oriente vers des recherches rythmiques et tend vers une rigueur et un dépouillement comparables à ceux de Webern (Cinque Canti, 1956). Mais ses attaches avec le néoclassicisme et les traditions de la musique italienne réapparaissent parfois, notamment dans la Tartiniana (1951) et la Tartiniana seconda pour violon, piano et orchestre (1956). Parmi les œuvres les plus importantes de ses dix dernières années, il faut citer l'opéra Ulisse, d'après J. Joyce (1968).

Compositeur conscient de l'évolution musicale de son siècle, Dallapiccola sut garder une dimension romantique en traduisant dans sa musique des expériences vécues. Par la richesse et l'éclectisme de ses références musicales et littéraires, par l'affinement de son style technique, il fut l'une des personnalités les plus marquantes de la musique italienne du xxe siècle.