Groupe des six
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
C'est le critique Henri Collet qui, dans deux articles de Comœdia (16 et 23 janvier 1920), désigna, par analogie avec les « Cinq » russes, les « Six » français, groupement amical de jeunes compositeurs comprenant G. Auric, L. Durey, A. Honegger, D. Milhaud, F. Poulenc et G. Tailleferre. Grâce à Auric, qui le connaissait, Satie devint vite leur parrain. Désignés sous le titre de « Nouveaux Jeunes » pour leurs premiers concerts donnés sous l'impulsion de Blaise Cendrars, d'abord dans l'atelier du peintre Lejeune, puis au théâtre du Vieux-Colombier dirigé par Jeanne Bathori (1918), ils suscitèrent vite la curiosité et retinrent l'attention. C'est alors que Collet les baptisa du nom que l'histoire a retenu. Devenu leur ami, Cocteau se fit leur théoricien, leur porte-drapeau, leur « manager » comme l'a dit Poulenc. Dans Paris-Midi (1919), puis dans le Coq (1920), il donna des articles qu'il réunit dans le Coq et l'Arlequin, véritable manifeste de cette jeune école.
L'époque peut éclairer les positions esthétiques du groupe. Dans sa dédicace à G. Auric du Coq et l'Arlequin, Cocteau loue ses amis de « s'évader d'Allemagne ». Son coq français « habite sa ferme ». Il exhorte les jeunes musiciens à se dépouiller des vieux oripeaux d'importation étrangère et à « chanter dans leur arbre généalogique ». Il n'est que d'écouter la musique simple, naïve, qui résonne dans nos bals populaires, nos cafés-concerts, qui est celle aussi de nos chansons. L'éclectique « Arlequin », avec son « costume de toutes les couleurs » tout englué d'influences étrangères, est le contraire du « coq ». Au nom de cette « morale » sont rejetés, non seulement les disciples de Wagner, mais Debussy, accusé d'être « tombé… de l'embûche allemande… dans le piège russe ». Le musicien exemplaire, c'est Satie.
Après tant de drames noirs dont le xixe siècle s'était repu, les nuages se dissipaient et s'éclaircissait le ciel musical : le temps des « concerts champêtres » et des musiques allègres était venu.
Si les Mariés de la tour Eiffel (1921) furent leur unique œuvre commune, du moins tous les « Six » collaborèrent-ils avec Cocteau. Chacun pourtant allait suivre sa voie. Comme l'écrivait le poète :
« Auric, Milhaud, Poulenc, Taillefer, Honegger
J'ai mis votre bouquet dans l'eau d'un même vase.
Chacun, étoilant d'autres feux sa fusée,
Qui laisse choir ailleurs son musical arceau
Me sera quelque jour la gloire refusée
D'être le gardien nocturne du faisceau. » (Plain-chant).
En 1921 se dispersait le « groupe des Six », mais l'impulsion donnée devait porter ses fruits plus tard, et le groupe rester, par-delà les variations de la mode, le symbole de toute une époque.