Elliott Carter
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur américain (New York 1908).
De ses études à l'université Harvard auprès de Walter Piston, puis à Paris auprès de Nadia Boulanger, il tira une formation purement néoclassique, sous le signe de Stravinski, de Hindemith, et de Copland, ce qui lui valut dix années d'incertitudes stylistiques illustrées notamment par le ballet Pocahontas (1939) ou la Première Symphonie (1942). Avec la Sonate pour piano (1945-46), le ballet le Minotaure (1947) et surtout la Sonate pour violoncelle (1948), son langage gagna en complexité rythmique tout en se libérant de la tonalité. Il reprit alors à son compte le concept de « modulation métrique », déjà utilisé de façon empirique par Charles Ives, et qui devait rester une constante de son style ; il s'agit d'un changement de tempo progressif par utilisation de valeurs irrationnelles, procédé auquel la musique de Carter doit une souplesse rythmique unique rendant sa notation et son exécution particulièrement difficiles.
Aux Huit Études et Une Fantaisie pour quatuor à vent (1950) succéda le vaste Premier Quatuor à cordes (1951), premier prix du concours de quatuors de Liège et l'un des plus importants depuis Bartók et Schönberg : avec cette œuvre, il se trouva lui-même. Les Variations pour orchestre (1954-55) inaugurèrent un nouveau principe, celui de la caractérisation psychologique des instruments.
Ce principe reçut une très nette et très remarquable consécration dans le Deuxième Quatuor à cordes (1959), qui, comme plus tard le Troisième (1971), obtint le prix Pulitzer : dans cet ouvrage presque deux fois plus court que le quatuor précédent, chaque instrumentiste mène le jeu à son tour, avec un rôle psychologique très précis au sein d'une sorte de « théâtre musical ».
Carter considère ses partitions les plus récentes comme des « scénarios », les instrumentistes comme des « acteurs ». Le Double Concerto pour clavecin, piano et deux orchestres de chambre (1961) poursuit dans cette voie, tout en donnant à chacun des deux ensembles instrumentaux (séparés dans l'espace comme, déjà, les quatre instrumentistes du quatuor de 1959) son propre répertoire mélodique et harmonique. En revanche, le Concerto pour piano (1964-65) oppose « un individu aux humeurs et aux idées changeantes et un orchestre traité de façon plus ou moins monolithique ». Le Concerto pour orchestre (1969-70), inspiré par le poème Vents de Saint-John Perse, traite pour l'essentiel de la « poésie du changement, de la transformation, de la réorientation des sentiments et des pensées », tandis que le Troisième Quatuor à cordes (1971), créé à New York après plusieurs révisions en janvier 1973, divise les quatre instruments en deux duos (premier violon violoncelle et second violon alto), dont l'un joue « quasi rubato » et l'autre « en rythme bien strict ». Suivirent un Duo pour violon et piano (1973-74), un Quintette de cuivres (1974), A Mirror on which to Dwell pour soprano et ensemble instrumental sur 6 poèmes d'Élisabeth Bishop (1975), première œuvre vocale du compositeur depuis près de trente ans, Symphonie de trois orchestres (1976), Syringa pour mezzo-soprano, basse et 11 instruments (1978, In Sleep, in Thunder pour ténor et 14 exécutants (1981), Triple Duo pour 6 exécutants (1983). Penthode pour ensemble (1985), un Quatrième Quatuor à cordes (1986), un Concerto pour hautbois (1987), Remembrance (1988), un Concerto pour violon (1990), un Concerto pour violon (1990), un Quintette pour piano et vents (1991), Partita pour orchestre (1994), Of Challenge and of Love pour soprano et Piano (1995), Adagio tenebroso pour orchestre (1995), un Quatuor à cordes no 5 (1995). Carter a enseigné au Peabody Institute de Baltimore et à l'université Columbia et au Queens College de New York. Produisant relativement peu, il n'a reçu la consécration qu'à plus de cinquante ans, mais apparaît comme l'un des plus grands compositeurs américains.