Isaac Albéniz
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Pianiste et compositeur espagnol (Camprodón, Catalogne, 1860 – Cambo-les-Bains, Pyrénées-Atlantiques, 1909).
Exceptionnellement précoce, il commence l'étude du piano à trois ans et joue en public l'année suivante. Au cours de plusieurs tournées de concerts en Espagne, il s'impose à la fois comme virtuose et comme improvisateur. Une fugue d'un an (1872-73) le conduit en Amérique du Sud et aux États-Unis, où il retourne en 1874. Sa vie y est difficile ; Albéniz est victime d'une crise de fièvre jaune.
Grâce à une bourse, il se rend à Bruxelles où il est l'élève de Brassin. Il rencontre Liszt en 1880, puis donne des concerts en Amérique du Sud, à Cuba et en Espagne, où il écrit des zarzuelas (1882) avant de se marier et de se fixer à Barcelone, puis à Madrid (1885).
Ses premières œuvres, très influencées par Schumann, Mendelssohn et Liszt, s'effacent alors derrière les différentes pièces de la Suite espagnole, par lesquelles il fonde l'école espagnole en s'inspirant des rythmes et des thèmes populaires. Installé à Londres (1890-1893), Albéniz tente sa chance dans l'art lyrique, où il connaît un certain succès. Il se fixe en 1894 à Paris, où il rencontre les franckistes ainsi que Dukas, Debussy et Fauré, et devient professeur de piano à la Schola cantorum. Sa véritable carrière commence avec La Vega (1897) et les Chants d'Espagne. Déçu par l'accueil de son pays natal, il se considère désormais comme un exilé, et les quatre cahiers d'Iberia, son chef-d'œuvre, sont l'écho de cette déception. Il meurt au Pays basque du mal de Bright à l'âge de 49 ans.
Une fois dégagé de l'académisme de salon et de l'hispanisme de zarzuela qui ont marqué ses premières œuvres, Albéniz fait figure de pionnier dans la renaissance de la musique espagnole au début du siècle. Tempérament généreux et d'une inspiration inépuisable, il a trouvé sa suprême expression dans la musique de clavier et il en a porté l'écriture à un degré de perfection insurpassé, synthèse de la virtuosité transcendante et d'une fidélité rigoureuse aux formes traditionnelles. C'est cependant dans la couleur et la sonorité que cette œuvre, d'esprit rhapsodique, révèle ses traits les plus originaux : à ses lignes mélodiques généralement simples s'oppose une harmonie profuse et complexe, souvent inspirée des modes antiques empruntés au flamenco et systématiquement pimentée par des acciacatures savoureuses. Par ailleurs, le souci des sonorités a suggéré des innovations dans la technique pianistique (doigtés inhabituels, position des mains, attaque du clavier) dont se réclament la plupart des compositeurs contemporains, de Messiaen à Stockhausen.
Les théories de Pedrell (Pour notre musique, 1891), suivant lesquelles la musique d'une nation doit être fondée sur les éléments populaires, ont trouvé en Albéniz leur plus parfaite illustration. C'est assez curieusement vers l'Andalousie mauresque que le Catalan Albéniz a, du reste, préféré tourner ses regards, révélant ainsi le génie de sa province natale à l'Andalou Manuel de Falla.